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Slawomir Mrozek
Envoyé jeudi 15 avril 2004 - 10h21:   

La poésie

La Maîtresse demanda aux enfants de sortir leurs cahiers.
L’élève assise sur le premier banc, élève modèle à tout point de vu, fit sur-le-champ ce qui était demandé. Elle tira de son cartable un cahier tout neuf, couleur brique et posa devant elle.
C’était une enfant ni trop grasse ni trop maigre, qui ressemblait aux petites filles obéissantes qui mangent leur déjeuner plein de vitamines sans faire la grimace.
Elle portait de petites nattes soigneusement tressées : les mèches en bataille étaient hors de question. Des chaussettes consciencieusement tirées vers le haut, qui ne faisait pas laidement l’accordéon, et des petits chaussures si propres que tout le monde se disait au premier
coup d’œil : oh cette fille ne marche pas exprès dans las flaques d’eau en rentrant de l’école oh non, sûrement pas !


Ayant mis un point après le dernier mot qu’elle venait écrire au tableau, l’institutrice expliqua aux enfants ce qu’était la poésie.
Si des mots ou expressions se terminaient de la même façon, cela voulait dire que les enfants, en les lisant à la voix haute, avaient affaire à la poésie.
Elle donna quelques exemples : école – Nicole,
sonnette – lunette,
maison – bison.

Pendant les quelques minutes qui suivirent, les enfants essayèrent de deviner quelle était la poésie qui allait avec les différents mots donnés par l’institutrice.
Dans cet exercice, notre élève modèle se détacha tout de suite du lot.
La maîtresse disait par exemple : « Boulette ! »
La petite créature répondait du tac au tac : « Roulette !» et ses petits yeux couleur de bluet
resplendissaient de joie à la pensée que la moitié du cours n’était pas encore passée qu’elle savait déjà quelque chose de nouveau.

Seule le petit Jozefek, qui était assis sur le dernier banc, provoqua une certaine confusion.
Quand on lui demanda ce qui allait avec le mot « bâtonnet », au lieu de répondre, par exemple, « tonnelet », il sortit « trompette ».
Tous ces camarades furent étonnés, et la maîtresse gronda.
Mais lui, taciturne, ne voulut pas en démordre : « Trompette » - et en plus il avait l’air très rigolo, car ses cheveux lui poussaient vers le devant.
:

Pus tard, l’institutrice dit :
- mes enfants, vous savez maintenant ce qu’est la poésie.

Eh bien, notre plus grand poète était Adam Mickiewicz.
Je vous écris au tableau quelques vers du poète Adam Mickiewicz.
Maintenant, vous allez les recopier au propre dans votre cahier et les apprendre par cœur chez vous.

L’écolière modèle s’exécuta tout de suite. Faisant grincer sa nouvelle plume, elle écrivit dans son cahier tout propre, droit et distinctement, sans faire le moindre « pâté » :

« Lituanie ! Ma patrie ! Tu es comme la santé :
Combien il faut t’apprécier, cela chacun ne le sait
Que lorsqu’il ta bien perdue ».


La leçon se termina et les enfants rentrèrent chez eux. Evitant soigneusement les flaques d’eau, notre petite pris également le chemin du retour.
Elle embrassa sa maman et son papa, mangea du bouillon et du goulasch, puis après une heure de sieste, se mit à ses devoirs. Elle ouvrit son cahier et commença à réfléchir.
Ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle remarqua que dans celui-ci figuraient deux poèmes.
L’un d’eux était celui qui avait était recopié du tableau : « Lituanie ! Ma patrie ! Tu es comme la santé : Combien il faut t’apprécier, cela chacun ne le sait Que lorsqu’il ta bien perdue ».
Quand au second, il avait était imprimé en lettres capitales sur la couverture du cahier par le fabricant de papeterie :


« Sais-tu, mon petit chou,
Que les petites bêtes qu’on dans la tête
Ont donné, donnent et donneront à la perpète
De gros et vilains poux ? «


Lequel des deux la maîtresse avait-elle dit d’apprendre ?
La pauvre enfant avait beau faire, elle ne pouvait plus s’en souvenir.
Tous les deux étaient bons.
Le premier : « santé –sait » ;
le second : « choux – poux ».

Finalement, dans la mesure où l’avait toujours habituée à être ordonnée, elle appris, conformémént à l’ordre de succession en allant de la page gauche vers la droite, ce choux -poux », après quoi elle est sortie se promener avec sa maman.

Le lendemain, l’interrogée par la maîtresse, elle récita ce qu’elle avait appris, et à son grand étonnement et désespoir, pour la première fois de sa vie, elle obtient une note en dessous de la moyenne. Le reste de leçon se passa tranquillement ; seul le petit Jozefek provoqua une pagaille car il n’avait rien appris.

Nul ne sait jamais qu’un changement dans la nature de la petite se produisit justement ce jour-là. En rentrant chez elle, elle remarqua une inscription dans une vitrine :

« Votre femme a moins de travail et de soucie si vous mangez nos délicieux macaronis ! »
« Soucis – macaronis », répéta-t-elle en pataugeant avec la satisfaction dans les flaques d’eau.
Une fois chez elle, elle inspecta scrupuleusement les couvertures de tous ses cahiers ; sur chacune d’elles, quelque chose était imprimé, même si ce n’était pas toujours des poèmes.
L’une d’elle, par exemple, disait : « Garde-moi bien propre ! »
Se souvenant des recommandations de la maîtresse, l’enfant ajouta de son écriture encore en gestation : « Espèce d’idiote », et le soir même elle a eu une forte fièvre.

Mon Dieu, comme cette enfant changea !
C’était fini des repas sans la poindre grimace.
Elle réclamait désormais, selon sa fantaisie, ou bien un plat fortement épicé au paprika, ou bien du hareng à la japonaise, ou bien de la sauce tartare, et elle n’était jamais satisfaite du déjeuner.
Ce fut tous les jours la même chose : elle claquait la porte et allait au restaurant.
Au lieu de ses coucher tôt, elle lisait jusqu’à une heure du matin du Anders, ou bien « Contes polonaises de l’oncle Czes ». Et quand venaient des invités à la maison, au lieu de dire « Bonjour », elle les accueillait avec un poème :

« Le crédit est mort tué par les débiteurs.
Vous informent les pauvres créancier en pleurs »


Elle décida de devenir poète. Elle nota ses poèmes dans un cahier séparé :


« Nous avons une bien utile et fort balèze
Fédération automobile polonaise.
Pour que tu sois un sacré mec et un battant,
Ne recule jamais, va toujours de l’avant !
Situ es dégourdi, fais-nous la ferraille,
Sinon tu seras une honteuse canaille »


Et bien d’autre encore.

A l’école, on s’habitua d’elle.
Seul le petit Jozefek continua à provoquer du remue-ménage autour de lui.
Il n’apprenait jamais rien.

Trad. André Kazimor





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P.S
Envoyé jeudi 15 avril 2004 - 10h22:   

Adam Mickiewicz :

« Adam Mickiewicz est pour le Polonais ce que Dante est pour l’Italien : l’altissimo poeta, mais aussi le duce e maestro, le vates, le guide inspiré qui, dans une période tragique, a incarné les meilleures valeurs de sa nation. » Universalis

Pour les Polonais il est synonyme d’héroïque défenseur du pays et de la souffrance liée à l’obligation de le quitter.
Son écriture porte l’empreinte d’un malheureux amour de jeunesse.
Marie, qui apparaît dans ses œuvres, appartenait à la grande bourgeoisie.
Malgré leurs amours, elle accepta facilement un mariage de connivence et de prestige.
Adam ne faisait partie que de la petite bourgeoisie et n’était que son précepteur.
Ses poèmes lyriques, ses pièces de théâtre sont inspirées du folklore polonais et portent en eux un grand amour du pays et de ses mœurs. Son monde est rempli de personnages féeriques, comparables un peu à l’animisme sud-américain. Dans ses écrits, l’engagement politique est d’une grande envergure.
La parution, en 1822 de Ballades et romances est considérée comme le début du romantisme polonais.
Le français, en cette période, était une langue utilisée fréquemment dans le milieu aristocratique et maîtrisée par tous les gens qui bénéficiaient d’une certaine instruction. Cela explique sa présence dans son œuvre.
Après l’insurrection de 1830, Mickiewicz commence sa longue, périlleuse et douloureuse émigration. Marié sans amour et ayant beaucoup d’enfants, il affrontait perpétuellement les difficultés matérielles.
Il souffrait du manque du pays et du manque de reconnaissance.
Sa plus grande œuvre, Monsieur Tadeusz, est une des dernières épopées de la littérature.
Principalement consacré au mythe du Napoléon «libérateur », au patriotisme polonais et aux vieilles valeurs de la société. Le tout, bien sûr, imbriqué dans une histoire d’amour.
Aujourd’hui, ses poèmes sont étudiés au collège. Les autres œuvres, d’une plus grande complexité, comme les pièces de théâtre et l’épopée étant traitées au lycée.
Les «anciens » récitent les textes de Mickiewicz par cœur.
Son langage est tout à fait compréhensible, même à notre époque.
Les idées de liberté étaient encore actuelles au temps du régime communiste.
L’épilogue de Pan Tadeusz est le témoignage de la douleur que ressent Mickiewicz à vivre à l’étranger. En cela, il restera toujours l’auteur auquel peut s’identifier la nombreuse et incessante émigration polonaise.

mary

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Hélène
Envoyé jeudi 15 avril 2004 - 11h13:   

oh merci Mary je ne peux lire maintenant mais j'ai justement très envie de connaître mieux les raison d'écrire d'autres peuples et surtout ceux qui nous rejoindront en Europe ainsi que les peuples français de couleur .
Tu nous es précieuse.

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