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Cécile
Envoyé lundi 05 juillet 2004 - 22h48:   

Ni un roman, ni une nouvelle... Mais un avis constructif m'intéresse...


Je suis assis face au feu qui crépite. La musique de la fête bat son plein. Je suis triste. Aujourd'hui des centaines de personnes ont été sacrifiées. Les grands prêtres ont plongé le noir couteau d'obsidienne dans la poitrine des prisonniers et ont jeté leur coeur palpitant au pied du cinquième soleil. Notre Dieu buveur de sang est satisfait. La fin du monde n'aura pas lieu. Les désirs de vengeange du Dieu colibri se sont apaisés. Assis face au feu, je suis transporté par la tristesse. En levant les yeux au ciel, je le vois qui brille, lui notre bien aimé, notre serpent à plumes, notre étoile. Sa lumière m'enveloppe et je me sens aussi léger qu'un quetzal. Lentement, je m'élève. Je flotte dans les lueurs bleutées au dessus de la Terre. Quetzalcoatl me fait un signe, il me tend la main et m'attire à lui. Son visage blanc me sourit. Je me sens bien, détendu. Je l'ai retrouvé, il est revenu. Dans le ciel, l'étoile luit avec une telle intensité que les hommes autour du grand temple cessent de danser, de chanter et s'assemblent pour la contempler. Alors comme pour combattre le dieu invincible, l'étoile éclate en morceaux de turquoises.
Je suis assis face au feu qui crépite. La musique continue. Je suis triste. Demain, d'autres hommes présenteront leur poitrine au couteau d'obsidienne. Je me recueillerai au temple de mon Dieu sans nom, ni figure. Je lui offrirai des fleurs, des plumes et de l'or. Et je leur réciterai cette poésie :

"Mes fleurs ne finiront, mes chants ne cesseront:
chanteur, je les élève.
Ils se répandent, ils se dispersent :
ce sont des fleurs qui se fanent et jaunissent
et qu'on emportera là-bas,
dans la Maison de plumes et d'or."*

En moi, les larmes continueront de s'écouler. A chaque coup de couteau porté, ma poitrine se déchirera. A mes côtés, se meut le corps d'une jeune femme au visage terrifiant d'homme. Son sourire me remplit d'effroi. Une jeune vierge a été sacrifiée en l'honneur du Dieu buveur de sang. Je lève les yeux vers le ciel. Le serpent à plumes n'est plus là. Il m'a quitté. Je suis seul et

" mon coeur écoute les chants
et j'éclate en sanglots :
je suis lourd de douleur.
Nous allons parmi les fleurs
et nous devrons abandonner cette terre !
nous ne sommes que des prêts
et nous irons dans la Demeure du Soleil !

Qu'on me mette un collier,
un collier de fleurs précieuses !
Je les prends dans la main :
elle fleurissent en guirlandes.
Et nous devrons abandonner cette terre !

Et nous irons dans la Demeure du Soleil !"*


Mes larmes jaillissent telles les fontaines de mon palais. Seul au milieu de la fête, je plane une dernière fois dans le ciel de ma poésie. Les prêtres ont de grandes fleurs rouges sur leur robe. Je les vois qui se fânent sous le regard effrayés des serviteurs du Dieu buveur de sang. Stupéfaits, hommes et femmes se regardent avec effroi, se questionnent du regard puis, sans énoncer une seule parole, forment une ronde autour d'eux. Un guerrier plante alors un couteau d'obsidienne dans la poitrine des prêtres dont le coeur est devenu pierre. Le guerrier les pousse dans le bûcher en flamme qui se transforme en fleurs. Femmes et hommes retournent leurs masques humains et les peaux des sacrifiés tombent à terre. Le visage de ces femmes, de ces homme, est lumineux. La souffrance est tombée. Leur vie n'est plus précaire. Demain ils ne seront pas sacrifiés.

Je suis assis face au feu qui s'est éteint. Je m'éveille sous le regard du soleil. Les effets des champignons se sont estompés. Le tas de cendres fume encore. Des centaines d'hommes gisent dans leur sang autour de moi. Le visage blanc de Quetzalcoatl est penché sur moi. Il est revenu. sur son dos, brille une arme que je ne reconnais pas.

(21/06/04)

* poèmes de Nezahualcoyotl, tirés de Les poésie mexicaines, éditions seghers, page 103-104

Quelques précisions : Les aztèques pratiquaient les sacrifices humains pour satisfaire le 5ème soleil ou le Dieu colibri, dit le Dieu buveur de sang, un Dieu invincible, Huitzilopochtli. L'histoire raconte qu'un une seule journée 20 000 personnes avaient été sacrifiées pour empêcher la fin du monde. En effet, comme il s'agissait déjà du 5ème soleil il fallait le satisfaire. Les personnes étaient sacrifiées par des prêtres qui plongeait des couteau d'obsidienne dans les poitrines pour retirer les coeurs et en faire des offrandes au Dieu.

Le serpent à plume ou plutôt Quetzalcoatl est un Dieu très important. Il avait le visage blanc. Après sa venue sur Terre il s'est envolé dans le ciel et est apparu sous la forme de l' étoile de Vénus. Il est très important de le connaître, car c'est pour lui que les anciens mexicains ont pris Cortés et se sont donc laissé manipulés et sacrifiés.

Enfin, Nezahualcoyotl était très intéressant. Il était le roi de Texcoco. Il était très inspiré par la poésie et il avait crée dans son palais une université de poésie et de philosophie. Il avait d'autres idées que ses contemporains, notamment par rapport à la religion. Il s'était donc fait contruire un temple où il offrait des plumes de quetzal et de l'or à un dieu inconnu sans nom, ni visage. Nezahualcoyotl exprime dans sa poésie sa douleur face à la précarité de la condition humaine. Avec lui la poésie est devenue plus proche de l'individu et s'est éloignée des hymnes aux Dieux ou des croyances du monde.

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yves
Envoyé lundi 05 juillet 2004 - 23h25:   

Là, Cécile, tu t'engages dans une forme de récit épique difficile. Ceci est-il une partie d'un récit plus vaste ? Ou un seul texte ? Vers quels lecteurs? Des connaisseurs de la culture aztèque ? C'est la question qu'on peut se poser, sans enlever au texte des qualités de style. Peut-on faire un tel récit avec une langue venue d'ailleurs ?
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Cécile
Envoyé lundi 05 juillet 2004 - 23h39:   

Merci Yves pour ta lecture...

Non, cela ne fait pas partie d'un récit plus vaste... En fait, en me documentant sur la poésie mexicaine j'en ai lu les légendes et l'histoire des aztèques et ça m'a particulièrement passionnée. J'ai été prise d'affection notamment pour ce roi, Nezahualcoyotl, poète et contre les idées de ses contemporains...

Ce texte pourrait s'adresser à des lecteurs qui ne connaissent pas la culture aztèque pour leur donner envie de la découvrir(enfin c'était mon idée au départ)

Penses-tu que ce texte a des qualités de style ?

Si je connaissais le nahuatl, j'aurais aimé l'écrire en cette langue.

Merci en tous les cas pour les intéressantes questions que tu soulèves.

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yves
Envoyé mardi 06 juillet 2004 - 10h14:   

Des qualités de style ? Sans aucun doute, comme tout ce que tu écris. On a d'ailleurs parfaitement le droit de parler dans d'autres cultures que la sienne et je ne m'en prive pas. Je suis un pur celte de l'extrème pointe de la Bretagne et mon langage est celui du sud où j'ai vécu et vis toujours dans un village. Mon enfance était bilingue. Je parlais indifféremment français ou espagnol. Maos je reste un métèque pour la forme de pensée, le goût de traîner les récits vers la mythologie, les éléments l'explication du monde etc...et en même temps j'utilise le langage imagé et les métaphores chères au sud ou du moins à ce qui en reste...J'ai lu ton texte avec plaisir en me posant seulement des pourquoi, auxquels tu viens de répondre.
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Ali
Envoyé mardi 06 juillet 2004 - 12h47:   

"Les Aztèques c’était hier, nous vivons encore l’aventure qui les a vu combattre et disparaître. Leur histoire est la nôtre. Ils n’ont eu que le privilège -fatal- de venir les premiers et de s’offrir sans ruse et sans paravent aux coups d’un destin dont nous subissons encore les arrêts...". Mouloud Mammeri. "La mort absurde des Aztèques"
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Hélène
Envoyé mardi 06 juillet 2004 - 14h38:   

c'est un plaisir ce forum avec vous .
vos discussions sont passionnantes chaque intervention pour une raison différente.
je n'interviens pas je serais beaucoup moins bien . je vous regarde et je souris

J'espère que vous resterez très longtemps parmi nous

hélène
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Cécile
Envoyé mardi 06 juillet 2004 - 20h34:   

Yves ce que tu m'écris m'émeut beaucoup... je doute toujours de mes écrits... J'ai sans cesse besoin d'être rassurée pour avancer et travailler.

Moi aussi je suis celte ! Et doublement celte ! Mon père est de Bretagne et ma mère est de Galice en Espagne ! Donc voilà, inutile de dire que j'ai eu aussi une enfance bilingue !

Ali ! J'aimerais bien en savoir un peu plus sur ce monsieur Mouloud Mammeri !!!

Hélène, c'est un plaisir de faire plaisir à une personne aussi attachante que toi.

Cécile
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yves
Envoyé mardi 06 juillet 2004 - 23h30:   

Ce que je peux avoir, je l'ai grâce à la longue suite de conseils qui m'ont été donnés. En poésie comme en prose. Des gens avec qui j'avais assez d'amitié pour leur pardonner leur critique et eux assez d'amitié pour moi pour ne rien laisser passer.
A éviter ceux qui ont leur idée sur la littérature.Ils veulent irrésistiblement même si c'est inconscient te l'imposer. A éviter aussi ceux qui décortiquent et font un travail de profs.(dans le sens péjoratif)Ceux là sont en général incapables d'écrire. Leur critique n'est qu'un règlement de compte Et aussi ceux qui se croient du génie. Mais ceux là en général te considèrent comme de la merde et ne prennent guère la peine de critiquer. Ils ne lisent que ce qui se lit. . Bon courage, ma païse, et kenavo !
La clef de l'écriture est la régularité. Comme pour le sportif. Un jour, après une longue patience, on écrit alors comme on respire. L'écriture ne se traîne plus après la pensée. Paradoxalement, elle la précède.
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Cécile
Envoyé mardi 06 juillet 2004 - 23h49:   

Merci Yves pour tous ces beaux conseils...

Je vais continuer mon entrainement sportif !!! J'écris depuis moins de deux ans et ma route est encore longue.

Si tu devais me dédicacer l'un de tes recueils, lequel ce serait ?

Cécile

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