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jml
Envoyé jeudi 18 novembre 2004 - 03h43:   

J'AI LES PIEDS MOUS


S'il faut tout avouer, moi aussi j'ai les pieds mous. Je ne le savais pas avant de lire ce texte. J'ai aussi les doigts comme des racines. Quand je touche une page, il faut que j'herborise. Mes cheveux tombent comme des feuilles. Mes yeux sont des oiseaux mais ils n'ont pas d'ailes. Ils doivent dessiner le ciel à l'intérieur de la tête, se faire un nid dans les neurones, couver leurs oeufs en cachette du cerveau.

Mon ombre a la forme d'un arbre. Toujours. Peu importe le lieu ou la force du vent. Quand le soleil se couche, c'est un sapin qui servira de tombe. Au matin, c'est devenu un chêne aux glands gorgés de vie. C'est lourd à traîner une ombre avec les pieds mous. Je finis par m'enliser dans un trou de mémoire, un fossé de parole, un abîme de silence. Le paysage est en carton. Le temps s'y découpe des habits d'Arlequin. Qu'est-ce que c'est la réalité ? La caresse du pain ou l'image de la faim ? Je sais bien que le rêve nous mène beaucoup plus loin même avec les pieds mous.

Ma tête n'est pas la mienne. Pourtant, elle me ressemble. Dans le miroir, on ne fait pas la différence. Ma tête est restée prise dans mes secrets d'enfant. Elle est restée dans mes jouets. Elle vole au bout d'un cerf-volant. Mes rides sont des points de fuite, des points de mire qui ne servent à rien. La vie est un chien fou tenant la mort en laisse. Ma tête n'y peut rien. Quand je parle, c'est par la voix d'un autre.

Quelqu'un mange des fraises dans mon cou. Je laisse des traces partout au lieu de pas. Mes jambes s'enfoncent dans le bruit des insectes. J'ai la pointure de l'âme qui rétrécit, des fleurs figées au fond des yeux. J'ai la tête qui boite. Parfois il neige, parfois il pleut. Je tends l'oreille au-delà des murmures entre la brume et le soleil. Je pense comme un enfant a peur tout juste avant l'orage, comme un chien qui aboie et tombe dans son cri.

Mon dos est une chaise que dessine l'absence. Un chat y saute quand je voudrais m'asseoir. Je dois marcher. Je dois marcher avec les bras devant. En avant, toujours en avant. Les routes que l'on n'a pas prises sont encore en avant. Aux jours des moissons, j'entends tout un sillage d'avoine entrer par mes oreilles. Les bras du vent se redressent. Les oiseaux sont contents et les épouvantails peuvent enfin dormir.

Je reste seul avec mes bras tendus, mes pieds mous, ma chaise dans le dos, mes souliers cherchant des pas, ma tête qui dodeline comme une porte battante, et surtout, un casseau de fraises vide en guise d'espérance.

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ali
Envoyé jeudi 18 novembre 2004 - 13h03:   

C'est à lire à sa faim! il y a de tout! un texte gras,images bizaroïdes en plein mouvement,les mots renaissent,l'ordre des choses et mots est renversé;très belle astuce poétique! merci jml

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