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jml
Envoyé jeudi 18 novembre 2004 - 15h50:   

LES DOUBLES



Je suis l'un des auteurs de ce livre. Mais le suis-je vraiment ? Certains soirs, ce sont les doigts d'un autre qui touchent mon clavier. Il y a toujours une ombre à chaque mot que j'écris. J'aurais dû me méfier. Bien avant le clavier, une autre main déjà poussait mon crayon. Où j'avais mis un s il n'y a plus qu'un trou. Ma parole en s'écrivant traînait les mots d'un autre. Pire, il y a même des jours où ils sont trois sur la page, et j'ai cessé de compter. Je dois pousser pour éviter la marge. Quand je tombe, ils en profitent pour ajouter des blancs. Je prends les mots de l'un, j'arrache les voyelles d'un autre pour faire un pont. Le texte avance cahin-caha. On s'y fait. Certains servent de phare. Plusieurs voix dans un mot finissent par lui donner du sens. Quand une porte se coince, il y en a un qui sert de gonds.

Hier matin, quand je me suis levé, il y avait des mots sur la table, jetés pêle-mêle, comme les pièces d'un puzzle. Dans un coin, il y avait au moins deux phrases d'assemblées. Je ne peux plus dormir sans qu'on écrive en moi. Quand je marche dans la rue, quand je croise des gens, je cherche les pages qui sont miennes. Si je parle avec les mots d'un autre qui me reconnaîtra?

Il manque des genoux à l'histoire d'hier mais des lèvres nouvelles attendent ma parole pour sourire à la vie. Toutes les phrases ont des fentes par où s'immiscer. Il manque des briques sur le mur par où fleurissent des oiseaux ? De quoi pourrais-je me plaindre ? Je me sens nu tout de même. Il y a comme un malaise égrenant ses voyelles. C'est gênant écrire en ligne. Il y a toujours quelqu'un pour toucher les virgules. Je ne sais plus trop bien si je suis moi-même ou le double d'un autre. Je vois des traces de pas bouger dans la poussière sans entendre personne. Ou bien alors, j'entends comme un murmure dans mon propre silence.

Une lumière passe par les fissures du temps mais une ombre la cache. Combien sont-ils de doubles à manger à ma table? Les assiettes se remplissent comme les pages d'un livre. Quand je corne une page, elle n'indique pas la bonne mais une autre plus loin. La table des matières change même de place.

Des miettes de mots traînent dans mon lit et je n'ai rien écrit. Des pieds dans mes souliers font bifurquer la route. Ce ne sont pas les miens. Des lignes dans mes mains échangent leur destin. Je ne sais plus trop bien si l'ombre qui me suit est celle du passé ou l'ombre du futur. Je n'ose plus dormir sans mes rêves à la main, sans mes phrases à la bouche, sans mes images dans les yeux. Je me lève au matin dans une tout autre page, dans un livre inconnu que je n'ai pas écrit.

Je ne suis plus de saison. Il y a trop de voix dans les horloges parlantes, trop d'aiguilles sur les montres. Il y a trop d'oiseaux dans le vol d'un seul. Je crois marcher sur terre et je pose le pied sur un fleuve endormi. Des vagues d'autres pas ont noyé le chemin. Je me croyais muet; à deux mots de moi-même toute une phrase m'attend où l'encre porte encore la chaleur d'un autre.
Qu'elles sont ces voix qui prolongent la mienne? J'entends rire parfois au milieu de mes larmes. Je vois des lignes sur la page qui dessinent mon cœur. Je lis entre les mots comme on lit sur les lèvres. Il y a sur mon visage des rides qui s'effacent et d'autres qui s'ajoutent. Il y a derrière mes yeux tant de regards nouveaux, tant de mots dans ma tête que je n'osais pas dire.

Je me sens habité. Quelqu'un me prête ses images quand je ferme les yeux. Un autre part avec mes mots. Quelqu'un me nomme sans m'effacer. Il y a des trous partout où je pose des idées, des poèmes de guingois que j'avais redressés, des points au bout des phrases pour suspendre le temps. Des inconnues parlent en moi sans trahir ma voix. Un enfant part avec mes doigts quand j'enlève mes gants. On ouvre mes tiroirs avec la clef des champs.

J'avais toujours imaginé un double qui me ressemble. Jamais plusieurs, sans aucun de semblable.

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jml
Envoyé jeudi 18 novembre 2004 - 15h54:   

Ce sont deux tentatives ratées de nouvelles. Il semble que je me sois perdu en chemin. J'ai toujours préféré les espaces libres du poème au bloc froid de la prose, l'écriture verticale à celle horizontale. Il me reste cependant tant de virgules à placer, je dois parfois m'aliter sur la page comme tout un chacun.
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Christiane
Envoyé jeudi 18 novembre 2004 - 17h19:   

J'ai toujours aimé lire sur l'acte d'écrire.
J'ai aimé vous lire
Mais, comme vous dites : comment poursuivre? Comment finir?

Vous ne resterez pas alité très longtemps. On me l'a dit.

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