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jml
Envoyé mardi 21 décembre 2004 - 22h18:   

QUELQUES PAS


"J'ai passé des années à craindre que quelque chose arrive alors qu'il ne me fallait qu'espérer pour partir." JMD

Je marche au bord du trou. Un million d'années me séparent de moi-même et toujours la même heure à la montre. Je suis debout dans un décor d'illusions et toujours la même chaise m'appelle avec ses bras de soie.

Ce qui bouge en moi cherche la route de l'immobile. Ce qui n'avance pas cherche des pas sous la parole. C'est toujours la lumière qui prend soin de mes ombres.

J'ai une auto comme tout le monde, un état civil comme personne, un frigidaire, et même la télé. Je vis pourtant sur une autre planète. N'écoute pas la nuit quand elle parle du jour. S'il faut croire au soleil, regarde vers la mer.

J'avance au bord du vide mais je ne suis pas seul. Un milliard d'atomes nous relient aux étoiles.

J'ai une entorse au cœur d'avoir trop espéré, des ampoules aux neurones. J'ai des images en trop mais des couleurs en moins. J'ai un plafond si haut que je marche à l'envers. Il faut des pas d'échelle pour avancer debout. Il faut rêver les yeux ouverts, la bouche pleine de mots et faire de chaque geste une ultime caresse.

Je ne suis pas de ceux qui pensent et j'ai très mal vécu. Pourtant, je m'acharne à écrire. Est-ce par orgueil ou remords ? Je me sens vivre moins sans les mots pour le dire et je sens moins les mots sans la vie qui les forme. "Guenille-Bouteille, Guenille-Bouteille". Il m'arrive de m'ennuyer des cris du guenillou, du livreur de glaces, des bonbons à la cenne, des cornets à deux boules et des fesses d'Amélie dans ses shorts trop courts. Elle m'a laissé des bleus sur le rebord des lèvres.

Je m'ennuie des sonnettes d'épicerie qui faisaient schling en entrant, des portes où c'est écrit exit, des bicycles balounes, des lunes de miel en chocolat, des gosses de nègre, des pétards à mèche, des vieux qui sentent la pipe et les jurons. Il n'y a plus de sages, il n'y a plus que des vieillards. Il n'y a plus d'idées mais des concours d'opinions. Quand le décor change, le son des êtres aussi. Je voudrais qu'on m'entende avec ma voix d'enfant.

Il n'y a aucune raison d'écrire que celle de la vie. Un seul lecteur suffit pour éloigner la mort. Quand je compte mes pieds, il manque toujours des ailes pour que les mots s'envolent un peu plus haut que moi. La femme la plus nue se déshabille encore, disait Éluard. La plus belle des phrases n'est pas encore écrite.

Chaque mot est une pierre précieuse, une vis, un écrou, une feuille qui tombe, un bourgeon qui s'ouvre. Chaque jour est une éternité qui nous échappe, un rêve qui s'éteint pour s'allumer ailleurs. Je traîne le Moyen-âge sur le bout d'un portable comme un mot sur la langue. J'ai tant porté l'encens à l'église du village que j'ai bu comme un trou pour oublier l'odeur. Les souvenirs du nez valent bien ceux des yeux. Béni soit Dieu ! Son Saint Nom ! Ses Saints Anges ! De là ma peur des majuscules. Il faut de tout pour écrire, du silence des étoiles aux atomes qui chantent. Les mots deviennent ce qu'on est. Je ne suis pas de ceux qui croient mais de ceux qui espèrent.

J'ai une écharde à l'âme comme une vieille prière, des cailloux dans les poches, des rires sous les rides dessinant l'imprévu. Il va pleuvoir peut-être de Montréal à Percé. Il va neiger sans doute. Même un pied dans la tombe et l'autre dans les plats, je m'avance debout. Quand les insectes dorment en touchant leurs antennes, je stridule en français pour répondre à la vie. J'entends les feuilles crier oui à chaque goutte de pluie.

J'ai une épine entre les mots qui me tient réveillé, des cailloux dans les bas pour m'indiquer la route. Je mets la chair du rêve sur l'os du réel, un peu d'encre dans l'eau qui forme des voyelles, des gouttelettes de sens, des nuages de sons, des images à l'envers. Ce que je ne sais pas me permet d'avancer. Ce que j'ignore arrache les masques du savoir.

Parfois les îles sautent sur le lit des rivières comme un chahut d'enfants. Tout un combat de peluche remplace les soldats. La mort étouffe sous les plumes du rire et le soleil engrosse le ventre de la lune. Le sang des joues s'attarde aux baisers. La rosée luit comme des éclairs de peau et l'eau des flûtes monte à la bouche.

J'ai bâti ma vie sur la neige et le printemps s'en vient. Je cherche un frère dans chacun comme d'autres peut-être me cherchent quelque part. La vie parfois pose des mains d'enfant sur la douleur du monde. Cela suffit pour espérer.

13 juillet 2004
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Stan
Envoyé mardi 21 décembre 2004 - 22h59:   

Titre : "La mort étouffe sous les plumes du rire"


Et voilà pour te taquiner un peu :

Effectivement Stan aussi se sens vivre moins sans les mots…
Et certainement il n’est pas de ceux qui croient et même pas de ceux qui espèrent...
pourtant
Il cherche un frère dans chacun en sachant… ?

Bon sérieusement (presque) le texte est très danse et aborde tellement des sujets que la tête de Stan éclate.
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yh
Envoyé mercredi 22 décembre 2004 - 00h03:   

Adorable coquille, stan que : Le texte est très ...danse ! C'est laquelle ? (:-)
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stan
Envoyé mercredi 22 décembre 2004 - 00h10:   

Et en plus Yves j’ai pensé aussi à la danse !
avec la tête qui tourne.
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mohand
Envoyé jeudi 13 janvier 2005 - 02h05:   

quand les mots naissent, je m'eparpille dans les airs,dans l'espace pour revenir à l'énertie d'où je suis né.devenir un hyrogliphe, un signe d'enonçant l'étroitesse du temps contemporain.
Merci JML votre texte dit si bien:" il n'y a aucune raison d'écrire que celle de la vie"

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