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jml
Envoyé jeudi 17 février 2005 - 06h52:   

L’OPÉRA DES BOEINGS

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Rats et barbituriques, ça roule toute la nuit. La prière des pauvres au fond des tiroirs-caisses. Fantasmes électrifiés sur l’écran des images. Dentelle des néons sur l’échelle de Jacob. New-York se réveille sur ses ressorts rouillés. Son rêve abattu par les flics fait hurler les sirènes. Racines givrées d’urine, yeux piqués de morphine, cette ville est sans paupières.

Coney Island : dimanches délavés de pop-corn sur les pontons rouillés. Manhattan Bridge : tout le monde embarque dans son cheval de Troie. Kennedy Airport : l’opéra des Boeings fait sursauter la Bourse.

Gens de toutes les douleurs décapant leur mémoire. Ville d’argent terni par les mauvais usages. Une foule s’agglutine autour d’un preacher. Faudra-t-il que le Dow Jones débande pour voir la tendresse entre les lignes du monde ? Les faits divers eux-mêmes fournissent les couteaux. Le désespoir passe la main sans rendre la monnaie.

Central Park : le silence est son unique tendresse. Le temps laisse des miettes pour les oiseaux nécessiteux.. Manhattan parking : bouquets de solitude qu’oxydent les autos. Les arbres de Harlem ont l’haleine des clochards. La parole noire de Dieu y gicle des seringues.

Le Bronx : cages à poules et nids de solitude, ses pauvres signés par Dieu lui-même. Métastases des ruines. Le cimetière des chiens est un hôtel de luxe. Le rêve dort sur des échelles d’incendie. L’espoir bivouaque à l’Armée du Salut, armé de vieux chaussons et d’alcool frelaté.

42e rue : cinémas porno et singles’ bars. Dial-A-Joke pour survivre à la nuit. L’insomnie des drugstores. Les chiens qui courent entre les mauvais blues. Le cri des abattoirs. Le cri des overdoses. Le cri d’une ambulance bloquée. Le prix du sang dans les fontaines de Coke. Babylone à rabais. Le soleil s’oxyde comme une tache de vin.

Boîtes téléphoniques éventrées. Bip-bip-bip. Carcasses d’autos et vielles boîtes de carton servent de lit aux sans-abris. Des tampax flottent sur l’huile de vidange allant nourrir la mer. Autant d’églises que de bars. Les fleurs du mal résistent aux pesticides.

Avenue Remsen, derrière le dépotoir. Des fillettes en résille sucent le sperme de banquiers en mal de salive. Des écureuils rongent des poteaux de téléphone. Des clodos boivent de l’alcool à friction et mangent du pigeon. On éborgne les montres pour retarder la mort.

La ville ne dort que d’un œil et se maquille de l’autre. Yellow cabs devenus fous et le métro du sang dans ses tunnels de béton. Obèse Amérique, chaque rue est un pli sur le ventre. Le cœur comme une basse branchée sur les néons. La neige du Bronx titube d’insomnie. Hommes de brique. Filles lubriques. L’huile des mendiants détraque les rouages du pouvoir. On devrait tuer tous les pauvres qui ne travaillent pas.

River Side Drive. Un ongle qui s’incarne sur la tige d’un doigt. Une seringue qui fouille les entrailles du sang et pique un fœtus. Une balafre à la joue. Les nouvelles voyagent par les yeux des idiots. Personne ne dort ici. Des enfants pleurent dans les tombes et font taire les chiens. L’orgueil et l’envie tiennent les choses éveillées. Les graffitis sur les murs sont les seuls poèmes.

Entre l’aluminium et la voix des ivrognes tout un kaléidoscope d’images à vendre. Des cœurs dépareillés roulent en ambulance. Le désespoir accouche sur la banquette arrière d’une vieille Dodge rouillée. On fouille au laser les couilles du printemps. Entre le cri des abattoirs et le silence des overdoses le dollar intoxique. Les bulldozers du profit ne laissent pas de quartier. Les affaires souterraines se traitent en ascenseur. Ici les hommes cherchent leur vide et les choses leur plein.

On dort dans un revolver comme des balles enceintes. On veille dans le sang comme des aiguilles folles. Sous la chair des néons les squelettes s’habillent de vitrines. L’Hudson charrie le sang des abattoirs dans le gas-oil des usines. On y repêche les noyés à grands seaux d’eau de javel. Les morts traînent les rues en costume de sang et laissent sur le sol des souliers endormis. La roue d’une montre a remplacé le cœur. La fiente des pigeons ne cache plus les cicatrices des statues.

Les néons crachent une bulle de rien. Un cri happé entre les flèches. Des désirs avortés dans des milliers d’idées. Papiers traînant dans les ruelles. Des réponses pendues par les pieds au cœur creux des questions. Les mots s’envolent pareils à des pigeons et retombent en chute libre. Terminal Market : les légumes s’anémient chargés de pesticides.

Amérique des prothèses. Amérique des lessives entre deux crises de nerfs. Vingt ans et le sida. Vingt ans et la peur comme unique héritage. Bleeker Street : les métros hurlent à l’heure de pointe vomissant des suicides. La foule est une solitude cherchant ses clefs dans le trousseau des pas.

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