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Marion LUBREAC
Envoyé dimanche 05 juin 2005 - 14h09:   




VIE DE FEMME

Plus de musique en eux. Le silence s’est installé.

Le silence est venu dans la grande maison verte, avec ses deux valises cerclées de noir.
Il a dit :
-Je suis ici chez moi ! Terminés les chanteurs ! Terminé les bruits parasitaires !
LE SILENCE.
MOI !
C’est tout !
Alors ils se sont tus.
Au départ, ils s’envoyaient des petits mots. Le silence les confisquait. Ils ont essayés de communiquer par télépathie. Mais le silence assombrissait leurs pensées, pourrissait les idées. Alors l’homme a dit :
-Bon. Si c’est comme ça, je vais ailleurs.
La femme a dit
-Non ! Tu dois rester, reste avec moi !
- SILENCE ! A dit le silence.
-Bon. A répondu l’homme.
Il a tourné les talons. Il est sorti de la maison verte.
Le silence a dit :
-HEP ! Tes valises ! Prends tes valises et vas-t-en ! Tu es décidément très bruyant ! Et tu remues beaucoup, beaucoup trop de choses. Tu déplaces, tu déranges. Allez, ouste !vas -t-en loin.

Elle a crié dans son dos de toutes ses forces pour chercher à le retenir.
- Reste ! Luttons ! On a tout le temps !
- Non, pas le temps. Tout est joué. Je pars. Et ne me cherche pas.
Et il a disparu. Complètement. Il a été avalé peut-être ? Ou bien dissout. Ou enlevé. D’un seul coup, hop ! Brusquement, il n’était plus là.


La maison verte s’est murée dans sa vigne vierge et son lierre s’est engourdi.
Alors elle s’est tue. Elle a attendu. Assise.
Elle écrivait, écrivait et le silence disait :

-Moins fort, l’écriture ! Fais donc taire cet engin bavard !

La poussière tissait un épais tapis de velours sous elle. Plus de bruit. Pas un geste. Une attente gelée. Un souvenir figé. Comme une photo. Ou plutôt un reflet enregistré dans le miroir.
Elle s’est allongée. Elle a dormi. Elle a dit :
- Je veux mourir.


Puis elle a ouvert la porte.
Elle a respiré à pleins poumons l’air du dehors. Elle est sortie. Et elle a marché. Doucement.
Longtemps. Calmement.

Arrivée près de la cascade, elle est montée dans son nichoir. Tout était silencieux. Elle a ouvert la porte de son esprit, elle a fermé les yeux et elle l’a senti. Elle a reconnu l’odeur de ses cheveux de sol d’été, l’odeur de sa peau de cocaïne et bu l’eau neutre de ses yeux clos. Il était là. Il avait toujours été là. Il n’était jamais parti .Il avait seulement fait semblant et il s’était pris au vent. Elle le sentait l’envelopper de sa chaleur, de sa douceur, de sa tendresse.
- Je suis là, mon amour, je suis en toi, disait-il. D’ici, on ne me délogera pas. Car tu es celle qui me porte en toi.
- Je suis ta maison de verdure, lui répondit-elle. Tu peux rester habiter ici. Je te donne tout. Toutes les pièces, toute la place. Entre. Entre en moi. Que je sois ta maison, ton refuge, que je sois ton reposoir.

Il est venu. I l s’est planté loin. Fort. Un arbre a poussé. Un arbre très petit. Un arbre musicien
Qui chantait à tue tête. Il habitait dedans. Avec son père.

Elle, la femme résidence, ne bougeait pas trop, ne parlait plus guère. Elle les écoutait. Le père et son fils l’arbre chanteur.
Elle souriait, les yeux pleins de lumière, assise dans son nichoir de verdure, au bord de la cascade.
Elle était devenue, tout petit à petit, une femme fleur. Magnifique. Aérienne et solide.
Ils étaient trois maintenant.
Le père, le fils arbre, la mère fleur.
Lui le père, était devenu le roi du vent. On le sentait. On l’aurait vu. Presque palpable.
Plus l’arbre grandissait, plus il ressemblait à son père. Les feuilles avaient la couleur de ses yeux. Il est sorti de sa mère fleur. Il avait grandi.
- Va, mon fils, je t’aime.
Et il est parti.

Le père a dit :
-Je me sens seul dans cette femme- maison où tout n’est que silence. Il pleut maintenant. Il pleut. Rien n’est raisonnable ici ! Il est temps que je rentre.
Il a expliqué à la femme-fleur qu’il devait aller retrouver la sagesse. Que c’était elle qui le guidait.
- Je préfère la solitude au silence, j’aime mieux me gorger d’elle que me repaître de toi

La fleur a laissé échapper un pâle sourire de rosée.
Il est parti. En coup de vent. Elle a fané. En souriant.

Tandis qu’elle fanait et devenait noire et racornie, un homme aux longues mains douces est passé. Doucement, le soleil de ses yeux a réchauffé le cœur de la fleur.
-Eveille-toi, fleur ! Eveille-toi ! Je suis là, je m’assieds. Regarde, je reste.
Elle a soulevé un pétale et a vu l’ami aux yeux d’écorces tendres. Elle a déplié ses feuilles tandis qu’il chantait.
Elle, nourrie par le chant de l’ami, revenait, revenait, doucement à elle.
-Je ne te cueillerai pas, pas le moins du monde, je viendrai t’arroser, je serai là.
Tu es jolie, une drôle de fleur que j’aime. Une espèce que je ne connais pas.
Je ne te cueillerai pas. Ne te ferai pas de mal. Je serai là. Simplement.
Alors la fleur s’est arrêtée de faner. Elle a cessé d’être fleur. Elle est redevenue femme,
Peu - à- peu, dans les yeux de l’homme aux longues mains douces qui ne bougeait pas.
Il l’emplissait de sa musique enivrante, et entêtante, rassurante et soyeuse.
Il l’appela Gitane, et elle s’est mise à danser, les bras ouverts, illuminée de sa musique à lui, qui ne bougeait pas, à danser pour cet homme aux yeux d’écorces tendres, qui avait su panser ses blessures.




Marion LUBREAC











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