Une heure à tuer Log Out | Thèmes | Recherche
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Ludo
Envoyé lundi 05 septembre 2005 - 15h49:   


11.30
Gare RER La Défense un dimanche. J'attends immobile sur un banc, j'attends un train pour 12.30
Une heure à tuer. Moins tragique que de trucider un homme. Ca ne devrait pas laisser de remords de crever une heure. Surtout un dimanche où on ne bosse pas et donc où il ne saurait être question de penser à "le temps c'est de la l'argent" ou à ce genre de trucs.
Mon esprit se ravigote au son nasillard d'enceintes (bien planquées) distillant la FM entre le boucan de deux trains. On réussit à reconnaître des airs de pop connus. Ce n'est pas l'essentiel... Les quais sont vides, carrément. Aucun témoin pour ce meurtre en préparation. Une heure... Je vais t'avoir dans les grandes largeurs, mon amie. Tu ne rempliras pas mon esprit d'ennui. Non, j'attendrai ta mort jusqu'à ce que la pendule SNCF indique 12.30 avec ses aiguilles jaune sur fond noir. Le temps jaune et sa mort noire. Pause. Je me grille un clope.
Louis Bertignac à la radio. J'apprécie ce guitariste et je mets guitariste à bon escient, je ne mets pas chanteur par exemple. "J'suis pas si fort que ça" lance sa guitare. Nous en sommes tous arrivés à cette conclusion, non ? A douter de nos capacités. J'écoute et approuve le solo qui me fout la chair de poule, ou c'est le vent froid qui s'engouffre dans le tunnel de la gare. Dehors il fait beau. Ici, on se contente des sunlights de la lumière artificielle. Mon banc en métal froid rend mon cul frais. J'ai trop chaud en général. Le froid me rend alerte...

11.52
Je t'aurai bientôt à moitié tuée, chère petite heure à tuer. J'agis par étapes pour ce crime parfait. Je sais, tu ne m'as rien demandé. Les meurtres c'est comme ça... Leurs victimes sont rarement consentantes.
Tu as de la chance : un témoin vient d'apparaître sur le quai en face. Peut-être s'intéressera-t-il à ton sort et même viendra à ta rescousse... Pour l'instant il semble obnubilé par un distributeur automatique de boissons qu'il fixe. Il a l'air du type qui se fout carrément de ce qu'il t'arrive. Il est assoiffé et bave devant les canettes de coca barricadées derrière leur vitre. Il manque d'argent et doit penser, lui, que time is money. Sans doute par vengeance, il tue un morceau de ton maître le temps. Moins gros que le mien. Il a tué cinq minutes avant de s'engouffrer dans un RER. Petit joueur !
Un asiatique file devant moi en rollers. Il matte sa montre en loucedé. Il n'ose pas tuer le temps et va même jusqu'à s'en préoccuper avec ce geste de tendresse... Cet homme a des remords.
Je te tuerai de sang froid.
Marley à la FM. "Is this love that I'm feelin'?" Que répondre ? Un meurtrier peut-il raisonnablement ressentir de l'amour ? Pendant qu'il agit, non. Pas dans mon cas. Je me concentre. Tiens, Radiohead s’enchaîne et confirme: Everything in its right place.

12.05
Tu agonises petite heure. Estime-toi heureuse si je n'abuse pas de toi. J'ai un respect très humain - EGOISTE - pour toi. J'exécute cette besogne proprement. Aucune trace sur le béton anthracite des quais ; pas de boucherie. Vois-tu, je t'étouffe. Tu ne souffres pas. Tu manques juste un peu d'oxygène. Tu perdras ton temps en me le faisant gagner.
Je te vampirise petite heure à tuer.
Je vais finir par croire… Que je vais manquer de temps ! Je prends plaisir à ce petit jeu sadique. Je n'ai toujours pas bougé de mon banc froid. Et si je tuais une deuxième heure, une de tes soeurs jumelles ? Je serais un serial qui l'heure !
Une chose à la fois. Second clope. Du répit pour toi. 12.10

12.17
J'ai fumé la cigarette très doucement. Vu une vingtaine de personnes sortir d'un train sur le quai d'en face. Ils étaient tranquilles, bougeaient lentement. Ici, la semaine, c'est la fourmilière, la foire d'empoigne. Les gens courent après chacune de tes 3600 secondes, ma petite heure. Là, non.
Cette ambiance calme m'a fait réfléchir. Tu ne m'as rien fait. Le train que j'attends est un train court et comme je suis placé en bout de ce très long quai, je vais devoir marcher pour atteindre les voitures.

12.25
C'est décidé : je te laisse la vie. Va comme les pigeons qui survolent la voie ferrée direction la lumière.
J'allume la dernière cigarette, celle que tu aurais dû fumer.
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aglaé
Envoyé lundi 05 septembre 2005 - 16h28:   

j'adore celle là LUDO ,et à la relire, encore davantage...On dit une heure à tuer mais aussi un temps mort....Saturne et la grande faucheuse ont des accointances certaines...Aglaé
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Ludo
Envoyé lundi 05 septembre 2005 - 16h34:   

Je l'ai retouchée un peu

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