Ma voisine...(aglaé) Log Out | Thèmes | Recherche
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aglaé
Envoyé dimanche 25 décembre 2005 - 10h16:   

Aglaé (Aglaé)Identificateur : AglaéInscrit: 12-2003 Envoyé dimanche 04 janvier 2004 - 16h20:
Ma voisine… Madame Trouart a eu quatre-vingts ans cette année. Ancienne institutrice à poigne, le verbe haut, elle traite comme des gamins irresponsables la génération de notre petit village comprise entre trente et cinquante-cinq ans . J’en connais plus d’un qui traverse la rue principale pour éviter de répondre à ses questions et d’affronter ses réparties toujours vigoureuses. Elle est née dans le nord de la France dans une famille de mineurs austères, bosseurs, d’une totale propreté physique et morale, dans un pays pauvre où seul, le charbon était gratuit et abondant.

Un jour où je lui demandais comment se passaient les dimanches de son enfance, elle m’a répondu en riant : « On marchait sept kilomètres, mes parents et moi, pour faire une visite à ma grand-mère, et après un café au lait et deux biscuits plus ou moins secs, on marchait sept kilomètres pour revenir… » Sa vocation de maîtresse d’école étant acceptée par ses parents, elle connut les joies et déboires de la pension…pension de cette époque dont je connais certains caractères par mon propre père pour qui elle fut une souffrance jamais digérée entièrement.

Mais Madame Trouart , quand elle est en veine de raconter, et elle raconte très bien, extrait volontiers pour moi, de sa mémoire des souvenirs inattendus. Les allemands ayant occupé l’école des filles pendant plusieurs années de la dernière guerre, tous les élèves étaient regroupés dans des classes mixtes, ce qui était très exotique pour l’époque. Une bande d’adolescents, moitié filles et moitié garçons, revenaient ensemble du collège le Samedi, rapportant à la maison cartables et linge, pour les devoirs et l’entretien des effets personnels. Ma voisine, seize ans, accompagnée de son amie Madeleine, marchaient devant, précédant le restant de la troupe.

Ce jour-là, Madeleine qui bavardait, s’interrompt brusquement. -Regarde…devant nous…Les Allemands ! Deux allemands venaient en face d’elles, dans leur direction. - C’est pas si grave, t’en fais pas Madeleine, c’est déjà arrivé. - C’est ennuyeux… - Ecoute….ils ne vont pas nous manger…ils vont nous faire ouvrir nos sacs, c’est tout. - Justement… - Quoi, justement ? - Dans mon sac… - T’as quoi dans ton sac ? - Mes serviettes hygiéniques…pour les laver à la maison… - Il faut préciser qu’à l’époque, les dites serviettes étaient taillées dans du tissu éponge et qu’en raison des restrictions elles étaient rares, chères et précieuses. Pas question de les jeter. - - Madame Trouart interrompt son récit et part d’un grand rire de jeune fille. Je réclame la suite. -L’allemand qui a ouvert le sac de Madeleine, l’a aussitôt refermé avec un cri de dégoût, accompagné d’imprécations furibardes faciles à comprendre même sans une connaissance très fine de leur langue.

Restaient à expliquer la scène aux garçons en dehors du coup à tout point de vue. Dans un premier temps éberlués, ils se montrèrent satisfaits et rigolards de cette stratégie bien féminine pour faire reculer l’armée d’occupation. Je la quitte après un dernier fou rire, elle s’installe dans sa grosse voiture , une vieille CX Citroën qui n’en peut plus. Chacun de nous la repère de loin et lui laisse partout la plus grande place possible . Elle arrache bien de temps en temps un rétroviseur à la barrière du jardin, mais le garagiste est un ancien élève. Il se fait un plaisir de le remplacer.

Aglaé

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Michèle
Envoyé dimanche 25 décembre 2005 - 16h15:   

Quel récit agréable et inattendu ! J'aime l'écriture qui "coule", évidente et simple.
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ali
Envoyé mardi 27 décembre 2005 - 14h03:   

oui c'est agréable!!!
j'ai aimé par cette technique d'une histoire dans une autre,par l'ideé"des serviettes hygiéniques" et par ce "rétroviseur" que le garagiste remplace chaque fois qu'il est arraché.on dirait que le garagiste est là pour rappeler aussi à Madame Trouart(trou-art)des bribes oubliées de ses souvenirs ,puisqueil était l'un de ses élèves..

bises

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