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Anonyme
Envoyé vendredi 13 juin 2003 - 14h21:   

A PEINE UNE LUMIERE

Le froid t'habite et tu t'es réfugiée contre la cuisinière, tes mains accrochées à la barre qui te protège de la plaque brûlante. La vie voudrait te quitter... où voudrais-tu, toi, la quitter?
Alors la barre que tu retiens et qui te retient te sépare, t'empêche de choisir, te maintient entre la chaleur trop vive du charbon rouge et noir et la dure froideur du carrelage, sous tes pieds, sous tes yeux. Le four est ouvert, te réchauffe, sa porte offre une place tiède et le chien le sait qui vient près de toi s'y asseoir et pose sa tête sur ta hanche. Vous restez, tous deux, inséparables, pendant des heures sans même voir que le crépuscule efface les couleurs.
Le feu, seul, éclaire encore les ombres, les fait danser , mélancoliques .Toi, peut-être vis tu avec les ombres, rien qu'avec elles...
Le chien le sait qui te garde avec lui, avec nous, chaleur de la terre animale, lien entre la vie et la mort . Il nous aime tous : toi, nous, les humains, qui ne comprenons pas ton amour de la nuit, du silence, qui ne savons comment te retenir , t'entraîner dehors vers les arbres, leur parfum, vers le soleil qui te réchaufferait peut être. Mais les mots les vrais, ne sont que dans mes yeux et tu ne les entends pas.

Chaque soir, dès notre retour, nous bousculons tout, interrompons ta mort, allons t'obliger à allumer la lampe, à t'asseoir dans le fauteuil à côté de la petite caisse de carton qui abrite ce jeune poulet que la mort choisit lui aussi. Il essaie parfois de se lever mais ses pattes si faibles ne le portent plus. Son coeur qui bat trop fort fait frémir ses plumes noires et ternes. Il est devenu ton ami. Il se lève à ton approche, vacille.
Tu le vois, ton regard triste le caresse, le reconnaît. Tu le prends, l'installe sur tes genoux où il se sent bien. Vous vous ressemblez, pauvres choses prêtes au départ, vous savez tous les deux que la vie vous quittera bientôt. Etre ensemble vous rassure. Vous avez tout accepté et votre regard est du même flou .Vous attendez, n'avez plus envie que de cette attente.

Ton regard... brûlant, cendre incandescente, prête à s'éteindre
Ton regard...Loin... doux, résigné
Tes yeux de raisin disait mon père

Tu as attendu autre chose, pendant si longtemps. Tu as espéré, parfois, illuminée d'un rayon trop brillant, éphémère. Toi, qui es née sans que ton père te connaisse, qui as vécu pendant quatre ans dans la blanchisserie que faisait vivre ta mère et qui vous faisait vivre toutes les deux. Ta mère et ses yeux immenses, verts, sa force vive et ses silences, sa fierté et sa beauté qui ont séduit cet ingénieur. Tu étais heureuse du sourire qu'il avait apporté dans la maison. Il t'a reconnue comme sa fille . Quelques années de bien être Ta mère , dans son courage, sa fierté, a échangé la blanchisserie contre un café restaurant et le travail sans relâche a recommencé pour vous deux. Celui qui avait bien voulu être ton père par le nom a créé une entreprise et votre famille a été une ruche . Tu m'as montré la photo en communiante, où tu étais aussi jolie que la plus belle des poupées tu m'as expliqué la robe de soie et de dentelle, les bottines montantes à boutons , en chevreau tu sais... Et quelques années d'adolescence heureuse, taquine, rieuse, avec une amie aussi blonde que tu étais brune. Vous avez imaginé des farces, des surprises.

Ton rire, un jour, s'est brisé net parce que ta mère n'est pas revenue de l'hôpital. Elle t'a dit "Jane, je le sais je vais mourir. J'ai entendu les médecins. L'un a dit "Malheureux vous avez atteint un vaisseau. " Et tu es ressortie, seule.

Je crois que c'est ce jour là que cette tristesse dévorante s'est emparée de toi, insidieusement. Ton regard embrumé à jamais , ton sourire vacillant, ta douceur retenue ont été mon enfance. Je t'ai tant aimée et je t'aime. Ta présence légère d'enfant blessée m'habite encore. Elle nimbe mon coeur d'un nuage qui ne s'effacera que quand je m'endormirai pour te rejoindre... Mais te rejoindrai-je?


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mohand
Envoyé samedi 22 octobre 2005 - 02h19:   

Un beau texte dédiée à une bonne maman.Elle ne serait qur fier de vous!!!
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à Mohand
Envoyé samedi 22 octobre 2005 - 08h58:   

Mohand tu retrouves ce texte je l'avais posté anonymement
c'est une histoire vraie et si je te dis que j'avais oublié l'avoir publiée ici .

Hélène

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