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Chaque mois, comme à la grande époque du roman-feuilleton,
     nous vous présenterons un court conte ou nouvelle : 

     Septembre
2014

     Highway to hell -  Partie 1

     
     Octobre 2014

Highway to hell -  Partie 2  et Fin

   
    par Paul Durand Degranges


... suite

Ah, merci Laura ! J’ai bien cru que j’aillais finir découpé vivant ! Je sais que c’est déjà arrivé ça, qu’une personne s’est réveillée au début de l’opération destinée à lui prélever ses organes. Enfin, au moins elle s’est réveillée, elle. Moi, je donne toujours l’impression d’être mort.

Tiens, Cédric revient avec mes parents. Merde, les voilà qui pleurent comme si j’étais déjà enterré. Je sens les larmes de ma mère couler sur ma joue et son baiser me fait du bien. J’ai vraiment envie de chialer mais toujours rien à faire. Oh ! Mes parents ont apporté un de mes costumes, mon père demande à Laura si c’est bien celui qu’elle voulait. Là, je le sens mal, le truc. Ils vont me débrancher dans pas longtemps. C’est sûr. Allez, tout le monde pleure. Qu’est-ce qu’ils attendent pour me débrancher ? Ah, j’ai compris, mes parents vont garder mon fils, ils ne vont pas rester. Et voilà,pour l’instant ils sortent tous de la chambre, sauf Cédric qui s’assoit sur le lit à côté de moi.

- Enfin tu ne vas plus te mettre en travers de ma route ! Je vais pouvoir être le meilleur en compétition. Enfin ça ne va plus être toi que l’on regarde, que l’on entraîne, que l’on dit le meilleur ! En plus, espèce de con, je vais enfin récupérer Laura. Tu ne te souviens pas que c’est moi qui te l’ai présentée ? Non, tu l’as toujours oublié ça… dès la première fois que vous vous êtes vus. Sept ans que je souffre. Mais là, c’était trop. La semaine dernière, encore une compétition où tu m’as volé la vedette. Tu sais, le plus drôle, c’est que si tu es dans cet état, c’est sans doute à cause de moi. Je n’y croyais pas trop mais, il y a quelques jours, j’ai rencontré un marabout. Il m’a dit qu’il pouvait faire des incantations qui te cloueraient au lit. Je ne pensais pas que ça serait à ce point-là ! Non, sérieusement, je ne pense pas que tu sois mort à cause de ces incantations, mais tu vois, je n’arrive pas à être triste. Je ne suis même pas heureux. Je crois que je me sens soulagé. Je sais que tu n’es déjà plus là et que je parle dans le vide. Dans cinq minutes, tout le monde va revenir pour de débrancher et t’habiller dans ton beau costume. Et dans vingt-quatre heures la presse parlera de toi une dernière fois pour tes obsèques.

Petit merdeux, si tu savais que j’entends tout ce que tu dis ! Si tu savais à quel point tu me fais mal ! Rencontré un marabout, mais ça n’existe pas ! Enfin la magie n’existe pas. Ça devait être encore un soir ou tu avais trop bu, parce que toi tu bois, souvent et trop. Tu ne t’es jamais dit que si tes résultats n’étaient pas bons c’était à cause de l’alcool ?Merde, tu ne m’entends pas alors ce n’est même pas la peine que je cherche à t’expliquer quoi que ce soit.  Allez, fous-moi  la paix, laisse-moi dormir un peu.
                                                                  *
Ça fait super mal, on est en train de me retirer le tube. Vous ne me voyez toujours pas bouger ? Je ne pleure pas de douleur ? Qu’est-ce qu’ils racontent ? Il faut attendre quelques minutes pour constater la mort, mais déjà tout est plat. C’est pas possible, leurs appareils doivent être en panne. Putain ! Mais je suis en train de penser, je vois tout ce qui se passe autour de moi, je suis en vie. Je serais à côté de mon corps en train de voir la scène, je comprendrais ! Je me dirais que je suis mort, que je suis un esprit qui voit la scène autour de lui. J’aurais peut-être la chance de rencontrer une entité qui me dirait que mon heure n’est pas encore venue et qui me renverrait dans mon corps. Mais là, je suis coincé dans mon corps, coincé, en vie, et personne ne s’en aperçoit. Ah, Laura s’assoit à côté de moi. Ne pleure pas, je suis toujours en vie. Elle m’embrasse sur le front, une de ses larmes coule sur ma joue. Je sens ses lèvres chaudes. Est-ce que je suis déjà froid ? Je ne suis pas comme la Belle aux bois dormant, un baiser ne suffit pas à me réveiller. Cédric, Judas, tu viens m’embrasser pour faire bonne mesure ? Je ne vois pas une seule larme dans tes yeux, je vois plutôt un sourire satisfait. Peut-être que tu as réellement vu quelqu’un pour m’éliminer ; peut-être que ce n’était pas de simples incantations mais que tu ne t’es pas gêné de mettre un poison dans ma bouteille pendant l’entraînement. Voilà, c’est l’heure de m’habiller. Cédric, enfoiré, pourquoi tu me fermes les yeux ? Je n’arrive plus à les ouvrir. C’est gentil ce que tu me susurres à l’oreille, « j’espère que tu iras brûler en enfer ». Tu me fatigues vraiment, enfin je commence à vraiment fatiguer. Peut-être que je suis en train de mourir pour de bon cette fois, l’appareil ne me maintient plus en vie. Allez, adieu, je vous aime, même toi Cédric.
                                                                  *
Oh la vache, quel cauchemar ! Je suis content de me réveiller. Ah, non je n’arrive toujours pas à bouger, ce n’était pas un cauchemar. Où est-ce que je suis ? Il fait nuit je crois, en tout cas, tout est noir. J’ai vraiment peur. Je voudrais que quelqu’un voie que je suis toujours en vie. Oh, je sens une larme couler ! Mes paupières ! Je peux bouger mes paupières !  Je sens de la chaleur, je dois me réchauffer. Enfin ! Je suis sûr que bientôt quelqu’un va voir que je suis en train de revenir. Je ne comprends pas que personne ne se soit aperçu avant que je suis toujours en vie. Je crois que ça va aller mieux maintenant. Je vois de la lumière, je ne pense pas que ce soit celle au bout du tunnel. Je suis sûr que quelqu’un va entrer dans la pièce.
                                                                  *
Nous venons d’apprendre que, samedi dernier, le médaillé olympique Yannick Delatour a été victime d’un accident cardiaque lors d’un entraînement. Malgré les soins de réanimation apportés immédiatement par les entraîneurs et le SAMU, il n’a pas été possible de réanimer notre nageur national. Crédric Delatour,frère de Yannick, a demandé à ce que les informations soient divulguées après les obsèques qui ont eu lieu ce lundi matin dans la plus stricte intimité au crématorium de Marseille, ville dont sont originaires les parents de Yannick.

Une cérémonie pour rendre un dernier hommage public au nageur aura lieu ce mercredi à Marseille.

FIN



Francopolis octobre 2014
Paul Durand Degranges
recherche Éliette Vialle
 

Créé le 1 mars 2002

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