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James Sacré sélection avril 2005

 Sa présentation


Geste parlé


Geste parlé  

                                                 
Comprendre et pas continue





Dans l'intérieur de ton corps (où sont mêlés
tes sentiments et le désir d'être vivant)

Je ne peux rien voir.

Mais sur ton visage, et dans la calligraphie de ton nom,

Ton coeur (ou quelque  autre muscle obscur)

Est-il mieux donné?

Comme on donne la main,

Ou des mots qu'on pourrait comprendre?



Mais quelle intensité qui persiste

Si je pense à ton nom par exemple plutôt qu’à ton
corps,

Au plus léger souvenir, à demain?



Comme un museau boutant,

Sans doute rien plus, un grognement

De plaisir pas content

A cause que c’est pas vrai ou que les mots mal venant.



Ce qu’on entend

C’est comme de la bêtise incongrue

Qui veut se montrer nue.



Une bêtise qu’a couru

Dans tous les mots de plusieurs livres. Est-ce qu’on pourra pas

Lui faire un coin, qu’elle se repose enfin, léchant

Son poil bourru?



J’essaie de rien inventer, ni les gestes vrais, ni ceux que j’ai
rêvés. Il n’y a pas que l’histoire obscure de nos corps
entre nous. De la simplicité, de la peur. C’est  rien de si
particulier; sans doute que tout le monde aussi (et n’importe qui 
avec son seul et propre corps). J’essaie de rien inventer. C’est
l’intensité que je voudrais m’expliquer. Les autres me disent
pas tellement. Toi non plus.



Ce que nous parlons se perd aussi

Dans le bruit d’être ensemble et pas:

Rumeur de souvenirs et demain qu’on sait pas.

Parole qu’on est bien dedans, pourtant.



Ce qu’on parle et ce qu’on écrit

Dans l’en allée du temps.



Que même si tu parles de choses défaites

Ou que si rien d’arrangé bien, paradis

De poussière que tu dis (ton poème

En allé par grands cris de colère

Ou façons de mal écrire)

Ca sera quand même

De la mesure et des mots choisis:

 

Le monde qui s’effrite (as-tu peur?)

Semble donner toujours

Du sens à ce qu’on parle.



Je voudrais m’en aller dans un poème

Pour être comme à côté du corps

De quelqu’un d’autre, un corps

Où la parole ne trahit pas le silence.

Mais le poème est trop de ruse et rien

Qu’on pourrait caresser.



Quelqu'un, d'autres gens,

Un pays qu'on a couru;

On s'est mal et bien connus.

En même temps qu’on n'en dit rien,

Si le poème nous continue?



Alors que du beau temps, la douceur

D’une campagne parmi les bois, des collines,

Quelques voix qu’on entend, tranquilles,

Une sorte de solitude est là

A cause que je sais mal trouver des mots

Qui seraient comme de mettre ensemble

Cette caresse d’un paysage avec un visage au loin, j’ai l’impression

De bêtement faire un grand geste inutile

Dans la beauté du monde.



A cause qu'on a pensé à quelqu'un

Dans le plus nu de la nuit,

De la vérité saisit le corps et la pensée :

Mais des mots qui restent muets.



On croit les entendre à nouveau dans un livre qu’on écrit,

Ou dans une conversation qu'on a, dans une musique:

C'est vivre et n'être plus rien,

De l'intimité mêlée

A l'éternité de chacun, des mots

Qu'on n'aura pas prononcés.

Quelqu'un.



A des moments mon corps

Devient davantage un corps, autant

Pour mieux te dire que pour

T’entendre plus en entier.



Mon corps et le tien, sans quoi

Rien de vivant, ni sentiments ni pensée,

Ni cette énigme du désir (ce qu’il est, et d’où
venu?)



Le corps qui maintient

De l’inquiétude et du bonheur, contre la mort.



Je m’essaye à comprendre où se noue

Entre un indéniable désir d’être avec ton corps
(comme par exemple quand tu pisses là pas loin contre un arbre)
et le simple fait de penser à ton visage, à ton nom,
à des choses de l’enfance que tu as dite… à comprendre

Où se noue ce qui me tient content dans le bruit de ton nom.

  

Il y a eu ce moment où je ne pensais plus rien:

J'étais mon corps sans savoir ce qu'était mon corps.

Quelqu'un d'autre tenait; les mots qu'il a dits:

La tête contre la tête. Et ses mains comme

Si de la nuit serrée, dans la proximité.

Je ne sais pas ce qui m'était donné

Ou retiré. Ni ce que fut mon corps

En son mélange de muscles et d'écriture

Pour ce quelqu'un qui l'a tenu

Dans la plus amicale mesure.


James Sacré





(merci à Philippe Vallet pour cette belle image des mains du poète)


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Créé le 1 mars 2002

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