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Chaque mois, comme à la grande époque du
roman-feuilleton, Le Baptême
- (Conte de nos montagnes)
par Éliette Vialle
Partie 1
(novembre 2013)
Qui oserait braver le Marcou ? pensaient-ils. Marcou avait la seule scierie du pays, il achetait des bois, employait des hommes, et tous dans le village et alentour, tous avaient, ou auraient, plus ou moins des obligations envers lui. Le bois se vend cher, dans la région, c’est un complément financier intéressant pour un fermier. Marcou régnait et nul ne songerait à lui déplaire en aidant la sœur et le beau-frère qu’il avait désavoués publiquement ; pour sûr !
Je palpais minutieusement le pli, qui semblait
irrégulier dans son contenu, je le scrutais à la
lumière du soleil et je voyais bien que son opacité
était variable par endroit. Bien qu’intrigué, je n’en
devinais pas plus, cela ne me disait rien qui vaille et je craignais
d’être encore le messager du malheur. Je fis une courte
prière à Dieu pour écarter le malin qui utilisait
ma sacoche de facteur pour répandre ses perversités et je
partis comme un chien qui flaire le gibier. Je décidais alors
d’inverser ma tournée en commençant par la Rose ; tout
impatient et inquiet que j’étais. En entrant dans la grand’salle, Rose emmaillotait le
bébé tout gazouillant et gigotant. Elle leva vers moi un
regard interrogateur, méfiant, elle me voyait comme un mauvais
présage. Elle recoucha l’enfant dans le berceau et me servit
d’office un canon de rouge. Je comprenais que ce rituel courtois lui
servait d’exorcisme. Après avoir levé mon verre et bu la
première gorgée, je lui tendis la missive qu’elle palpa
à son tour. Je voyais l’appréhension dans ses yeux puis
son visage se ferma, son joli sourire de jeune femme heureuse
s’estompait peu à peu. Ses doigts n’étaient pas fermes en saisissant
l’enveloppe car elle tremblotait légèrement ; elle prit
un couteau et ouvrit l’enveloppe d’un coup sec : et des morceaux de
papier manuscrits s’égaillèrent sur le plateau de bois
ciré de la table. Je reconnus l’écriture de Rose, elle
rassembla les fragments et nous comprîmes tous deux que son
frère, le Marcou, avait déchiré la lettre de
conciliation et là lui avait renvoyée sans un mot
d’explication. On ne pouvait être plus cruel : c’était un
soufflet, un reniement, et Rose et Cyprien n’avaient plus qu’à
s’incliner. Rose dont les lèvres tremblaient, s’effondra sur la
lettre émiettée en gémissant, ses mains
froissaient convulsivement les morceaux de papier. J’allais au placard et trouvais un litre de gnôle, je
lui tendis un fond de verre qu’elle avala dûment, un hoquet la
secoua, et elle se mit à pleurer. Il était temps d’agir. Je l’apostrophais fermement.
Un refus du Marcou, ce butor bien connu, ne devait pas gâcher
leur vie heureuse. Tous deux avaient la tâche d’oublier
l’affront, l’écarter de leur vie comme on écarte d’une
pichenette un chat installé sur une chaise. Et hop ! Il y avait dans les deux familles bien d’autres
braves personnes qui feraient des parrains-marraines aussi dignes que
Marcou. Rose se moucha un grand coup dans le mouchoir que je venais
de lui mettre dans la main et jetant un coup d’œil au petiot qui
dormait paisible comme un Jésus dans sa crèche, elle
soupira et releva la tête et je lus dans son regard du
défi : OUI elle allait se battre et je serais avec eux. J à suivre ... Partie
4 en janvier Éliette Vialle |
Créé le 1 mars 2002
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