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Chaque mois, comme à la grande époque du roman-feuilleton,
     nous vous présenterons un court conte : 


Le Baptême(Conte de nos montagnes)

   
    par Eliette Vialle


         Partie 1 (novembre 2013)


   la suite ... Partie 2 (décembre 2013)

JE repris mes tournées quotidiennes avec plus de gaité que de coutume. Mais en allant de ferme en ferme, j'appris que la Rose ne « se remettait pas » …

Ce fameux jour, tandis que j'arrangeais les affaires de correspondance familiale ;  le Cyprien et des hommes du village étaient occupés à faucher les champs en pente près du ruisseau. C'était un rude travail.  Par rangée d’une dizaine, ils soulevaient et abattaient selon un rythme ferme et régulier les faux qui sifflaient en entaillant l'herbe épaisse.

A midi, ils levèrent leurs outils et grimpèrent vers la ferme où tous devaient prendre leur repas chez le Cyprien. Soudain, à mi-pente, ils perçurent des hurlements aigus comme des chats qui se  seraient battus. Inquiets, tous accélérèrent et le premier arrivé aperçut dans la pénombre de la salle, la jeune femme qui sanglotait affalée sur la table couverte de haricots, et des cris plus perçants venaient du berceau où le bébé, tout rouge, s'agitait. Le premier arrivé cria donc aux autres : «  Venez, venez vite. »

Cyprien, affolé, se jetait alternativement sur son épouse et sur son enfant qui, tous deux,  entre ses bras se calmèrent assez vite. On constata que ni l'un ni l'autre n'était blessé. Alors, par discrétion, les hommes laissèrent la famille rassemblée. Enlevant leur béret, ils s'assirent en silence sur le perron épongeant leur sueur de leur large mouchoir. Il fallait attendre que les cœurs emballés par la peur et les poumons essoufflés par la montée reprennent leur rythme habituel...

Mais certains estomacs tiraillaient : il était clair que Rose n'avait pas préparé le repas, et la faim surpassaient chez certains la discrétion. Le Cyprien ne savait que dire ni que faire tant la situation était inhabituelle.

Rose mit l'enfant au sein et l’on n'entendit plus que des petits suçotements satisfaits, la mère s'apaisait aussi, lâchant de temps à autre des petits reniflements et de fugitives larmes.

Tout d'un coup elle comprit qu'il était midi passé, la désolation fut terrible. La honte d'avoir failli s'ajoutait aux amertumes précédentes : tous ces hommes avaient fauché des heures durant et attendaient leur repas.

Alors assiettes et couverts valsèrent sur la table, des verres furent installés et vite remplis et puis vinrent lard, cochonnailles, pain bis, fromages,  et beurre frais baratté de la veille. En toute hâte Rose alla tirer le vin. Les hommes attablés restaient silencieux par gêne pour leurs hôtes. Lorsque le Cyprien, qui lui aussi avait sa part d’humiliation vis à vis des voisins et amis, eut la mauvaise idée de quereller son épouse : s'en fut  trop pour Rose qui explosa en paroles incohérentes plus hurlées que prononcées, entrecoupées de gesticulations effrayantes... Brutalement, elle jeta le porte-monnaie dans l'assiette du Cyprien ébahi. Debout derrière lui, les poings sur les hanches, elle l'interpella mauvaisement : «  Qu'as-tu fait du  timbre, hein, grand bêta ?» Elle continua : « Qu'en as-tu fait ? Vaurien !  Vois comme tu nous as mis à honte ... »

Les convives, tout comme le Cyprien, ne comprenaient goutte à cette histoire de timbre, ce qui poussa à bout la Rose. Brandissant toujours le porte-monnaie, elle  s'époumonait : « Le timbre ! La lettre au Marcou ! Homme sans vergogne ! »

Ce fut un sacré charivari jusqu'au milieu de l'après-midi, comme le répétèrent les témoins du drame, lorsqu'enfin Cyprien comprit et, honteux, confessa sa sottise, son oubli, en se frappant la tête de ses poings fermés ;

- Le timbre ? Mais oui !  Boun Diou !  J'ai posté la lettre et j'ai oublié le timbre dans le porte-monnaie... Ah, sacré Dié, que je sois maudit, je suis une belle tête d'âne !

 

Evidemment,  les nombreux témoins,   emportés par leur émotion et aussi par d'autres sentiments plus vils,  exagéraient leurs versions à qui mieux mieux. Mais je compris l'essentiel :

 le Mal s'était bel et bien introduit dans le ménage Tollard. !

 Je revoyais la Rose si jolie et épanouie dans sa neuve maternité. C'était injuste….



à suivre ... Partie 3 en janvier


Francopolis décembre 2013
Éliette Vialle
 

Créé le 1 mars 2002

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