|
ACCUEIL -
SALON DE LECTURE - FRANCO-SEMAILLES -
CRÉAPHONIE - UNE VIE, UN
POÈTE LECTURES CHRONIQUES - VUES DE FRANCOPHONIE - GUEULE DE MOTS & LES PIEDS DE MOTS - SUIVRE UN AUTEUR - PUBLICATIONS SPÉCIALES - LIENS &TROUVAILLES - ANNONCES LISTES DES AUTEURS PUBLIÉS & COMMENTAIRES - LES FRANCOPOLIS - POÈMES DU FORUM -
|
Chaque mois, comme à la grande époque du
roman-feuilleton, Le Baptême
- (Conte de nos montagnes)
Partie 1 (novembre 2013)
JE
repris mes tournées quotidiennes avec plus de gaité que
de coutume. Mais en
allant de ferme en ferme,
j'appris que la
Rose ne « se remettait pas » … Ce
fameux jour, tandis que j'arrangeais les affaires
de correspondance familiale ; le
Cyprien et des hommes du village étaient occupés à
faucher les champs en pente
près du ruisseau. C'était un rude travail.
Par rangée d’une dizaine, ils soulevaient et
abattaient selon un rythme
ferme et régulier les faux qui sifflaient en entaillant l'herbe
épaisse. A midi,
ils levèrent leurs outils et grimpèrent vers
la ferme où tous devaient prendre leur repas chez le Cyprien.
Soudain, à
mi-pente, ils perçurent des hurlements aigus comme des chats qui
se seraient battus. Inquiets, tous
accélérèrent
et le premier arrivé aperçut dans la pénombre de
la salle, la jeune femme qui
sanglotait affalée sur la table couverte de haricots, et des
cris plus perçants
venaient du berceau où le bébé, tout rouge,
s'agitait. Le premier arrivé cria
donc aux autres : « Venez, venez vite. » Cyprien,
affolé, se jetait alternativement sur son
épouse et sur son enfant qui, tous deux, entre
ses bras se calmèrent assez vite. On constata
que ni l'un ni
l'autre n'était blessé. Alors, par discrétion, les
hommes laissèrent la famille
rassemblée. Enlevant leur béret, ils s'assirent en
silence sur le perron
épongeant leur sueur de leur large mouchoir. Il fallait attendre
que les cœurs
emballés par la peur et les poumons essoufflés par la
montée reprennent leur
rythme habituel... Mais
certains estomacs tiraillaient : il était
clair que Rose n'avait pas préparé le repas, et la faim
surpassaient chez
certains la discrétion. Le Cyprien ne savait que dire ni que
faire tant la
situation était inhabituelle. Rose mit
l'enfant au sein et l’on n'entendit plus que
des petits suçotements satisfaits, la mère s'apaisait
aussi, lâchant de temps à
autre des petits reniflements et de fugitives larmes. Tout
d'un coup elle comprit qu'il était midi passé, la
désolation fut terrible. La honte d'avoir failli s'ajoutait aux
amertumes
précédentes : tous ces hommes avaient fauché
des heures durant et
attendaient leur repas. Alors
assiettes et couverts valsèrent sur la table,
des verres furent installés et vite remplis et puis vinrent
lard,
cochonnailles, pain bis, fromages, et
beurre frais baratté de la veille. En toute hâte Rose alla
tirer le vin. Les
hommes attablés restaient silencieux par gêne pour leurs
hôtes. Lorsque le
Cyprien, qui lui aussi avait sa part d’humiliation vis à vis des
voisins et
amis, eut la mauvaise idée de quereller son épouse :
s'en fut trop pour Rose qui explosa en
paroles
incohérentes plus hurlées que prononcées,
entrecoupées de gesticulations
effrayantes... Brutalement, elle jeta le porte-monnaie dans l'assiette
du
Cyprien ébahi. Debout derrière lui, les poings sur les
hanches, elle
l'interpella mauvaisement : « Qu'as-tu fait du
timbre, hein,
grand bêta ?» Elle continua : « Qu'en
as-tu fait ?
Vaurien ! Vois comme tu nous as mis
à honte ... » Les
convives, tout comme le Cyprien, ne comprenaient
goutte à cette histoire de timbre, ce qui poussa à bout
la Rose. Brandissant
toujours le porte-monnaie, elle s'époumonait :
« Le timbre ! La
lettre au Marcou ! Homme
sans vergogne ! » Ce fut
un sacré charivari jusqu'au milieu de
l'après-midi, comme le répétèrent les
témoins du drame, lorsqu'enfin Cyprien
comprit et, honteux, confessa sa sottise, son oubli, en se frappant la
tête de
ses poings fermés ; - Le
timbre ? Mais oui ! Boun
Diou ! J'ai posté la lettre et
j'ai oublié le timbre
dans le porte-monnaie... Ah, sacré Dié, que je sois
maudit, je suis une belle
tête d'âne ! Evidemment, les
nombreux témoins, emportés
par leur émotion et aussi par d'autres
sentiments plus vils, exagéraient
leurs
versions à qui mieux mieux. Mais je compris l'essentiel : le Mal s'était
bel et bien introduit dans le ménage Tollard. ! Je revoyais la
Rose si jolie et épanouie dans sa neuve maternité.
C'était injuste….
à suivre ... Partie
3 en janvier Éliette Vialle |
Créé le 1 mars 2002
A visionner avec Internet Explorer