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Chaque mois, comme à la grande époque du
roman-feuilleton, LE MARIAGE DE LA
COUSINE (conte
du Vivarais)
Alicia suivait d’un air revêche
(le plus revêche qu’elle pouvait imprimer à son
visage enfantin !) le troupeau des vaches brunes qui avançait
d’une allure lente et régulière le long du chemin de
pierrailles. Les vacances s’annonçaient mal cette année ;
âgée de huit ans, elle ne possédait pas
encore les mots pour formuler ses craintes : la cousine Lilie
n’était plus la même : eh ! oui ! d’habitude , la cousine
Lilie était sa petite maman ,comme elle aimait s’appeler.
Toujours des bistouilles, des mignotages, des câlineries : elle
aimait à coiffer les longs cheveux bruns roux de sa petite
cousine, si doucement que l’on aurait cru en mourir de plaisir ! Mais,
cousine Lilie, contre toute attente avait réussi son Certificat,
grâce au nouveau Maître ! Cousine Lilie était,
dorénavant, une femme, avait constaté la famille.
Une jupe plus longue marquait son arrivée dans l’âge adulte, l’oubli du tablier, et l’apparition de formes dérangeantes. Très dérangeantes pour Alicia.
À travers le feuillage, le soleil
jetait des taches de lumière qui donnaient au pelage des
vaches, en se détachant sur leur couleur sombre
quelque chose des fauves d’Afrique. Cousine Lilie expliquait,
mais ses mots s’écrasaient sur le silence boudeur de la
fillette. Lilie ne tressait plus ses cheveux, ils retombaient en
boucles blondes sur ses épaules, mais elle mettait des bigoudis
la nuit ! Tout cela était nouveau, s’il y avait un sens
caché, on pouvait déjà dire que rien
n’était plus pareil.
Mais cousine Lilie parlait : « …tu n’auras rien à faire….le chien et la Marquade se chargent de tout…je te rejoindrai au moment du départ, et on fera le chemin ensemble .Mais surtout que se soit un secret. Jure ! » Alicia jura sans comprendre, son cœur
attristé semblait avoir embrumé sa cervelle. La
solennité du moment la mettait mal à l’aise, elle avait
envie de pleurer ou de partir.
Le troupeau allait de son train régulier, suivant la vache la plus âgée qui dirigeait la marche, le chien de berger trottinait attentif aux écarts de conduite des animaux, mordillant les jarrets ou aboyant pour maintenir les rangs .La pâture était un champ ourlé par les eaux d’un torrent qui s’étalait large et peu profond faute de pente. C’était un endroit paisible, circonscrit par la rivière et d’épais fourrés. On s’installa : cousine Lilie sortit du grand sac un miroir acheté au marché de la ville, redonna du pli à ses boucles et passa un peu de rouge sur ses lèvres. « T’es pas belle » avait envie de crier Alicia, mais Lilie souriait à son image. Lilie prit une pochette dans le grand sac, et commença de s’éloigner.
« Lilie ! »
hurla sa cousine et ce cri pathétique fit cesser tout mouvement
: le chien, les oreilles dressées, en évaluait la teneur,
les vaches jetèrent un coup d’œil tranquille, sans cesser de
paître. La jeune fille, se retourna furieuse, saisit brusquement
le poignet de la petite et la secoua méchamment : «
Quoi encore ? Tu as de la boisson, ton goûter, des
lectures, et puis du tricot, et si t’ennuies dis ton chapelet ! »
- Ne me laisse pas toute seule, j’ai peur ! - Stupide gamine ! il y a le chien pour te protéger ! - Mais j’ai peur des vaches, enm ne –moi, je ne dirais rien ! - Si il y a quoique ce soit, je ne suis pas loin, je reviens cinq heures, tu m’appelles, mais pas pour un caprice, hein ! sinon, je t’oblige demain faires des opérations : finies les vacances !
Lilie s’en alla légère et
bondissante, Alicia la vit grimper le sentier à travers les
arbres et disparaître. Alicia prit les revues
préparées par la cousine : des numéros des «
veillées des chaumières », mais elle n’avait plus
envie de lire ! Elle essaya le tricot: lâcha des mailles et ne
put les reprendre : un beau gâchis ! Sûr, elle allait
se faire gronder, elle replia soigneusement l’ouvrage et le
plaça tout au fond du sac. Elle décida de s’allonger sur
l’herbe : les hauts fûts des troncs qui plongeaient vers le
ciel, avaient une allure menaçante, le silence
régnait, la rivière sans mouvement semblait morte ;
Alicia ressentait un étrange malaise : la nature lui devenait
hostile, tout comme l’était devenue cousine Lilie.
Mais où étaient les vaches
? Elle se leva d’un bond en fermant les yeux persuadée qu’elle
allait se retrouver seule, puis les ouvrit avec précaution comme
quelqu’un qui redoute une terrible réalité : non, tout
était normal, les vaches mâchaient tranquillement, le
chien à l’affut les surveillait.
Mais que faisait donc cousine Lilie ?
Où avait-elle disparu ? et pourquoi ? Alicia regrettait ne
pas avoir écouté les explications qui avait
précédées le serment : rien ne serait aussi
mystérieux. Elle partagea son goûter avec le chien
et s’aperçut qu’il semblait comprendre, elle eut avec lui une
longue conversation dont on pouvait conclure que c’était quelque
chose de pas bien que faisait cousine Lilie, puisque c’était un
secret, et le chien hochait la tête et l’approuvait de ses yeux
généreux. Elle se promena de long en large sur la
pâture marmonnant indistinctement des paroles
décousues assorties de bribes de prières. Puis, le chien
émit une sorte de gémissement, ses oreilles se
dressèrent et on vit cousine Lilie dégringoler de la
forêt, toute rose et ébouriffée, les
vêtements froissés : mais Dieu ! Qu’elle avait l’air
heureuse ! On lui fit fête !
Le retour fut lumineux, cousine Lilie
avait, en retrouvant sa place, allumé tous les feux du bonheur :
il n’y avait plus de crainte!
Le soir les deux filles dormaient dans
la vieille chambre du haut où il n’y avait ni
électricité, ni volets, et qui donnait sur le grenier
à grains, et au-delà sur la montagne : Il y avait quatre
lits à deux places et quelques tables de nuit pourvues de vases
en porcelaine, ce n’était pas la chambre de cousine Lilie, mais
leur dortoir d’été. Cousine Lilie parlait abondamment de
l’amour avec des soupirs déchirants ! Malgré ses
bigoudis, elle se roulait dans le lit comme chatte heureuse, puis,
s’endormait brusquement le sourire aux lèvres. Alors, Alicia
s’endormait, elle aussi, en souriant.
CHAPITRE 2 Les jours suivants se
déroulèrent de la même manière, sinon
que l’on changeait chaque jour de pâture. Dés que les
vaches étaient mises à paître, cousine Lilie,
s s’arrangeait devant son miroir en plastique bleu. Acheté
lors de la foire du village.
Éliette Vialle |
Créé le 1 mars 2002
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