LECTURE  CHRONIQUE


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TAO TÖ KING DE LAO TSEU




Présenté par André Chenet


En relisant le Tao tö King de Lao Tseu ( VIe S av. JC ) dans une très belle et très poétique  traduction faite par un anonyme, j'ai subitement éprouvé l'envie d'en partager les trésors avec les lecteurs de Francopolis en choisissant scrupuleusement chaque sentence au gré de mes allers et retours dans un paysage vertigineux. Il est nécessaire de préciser que ce livre forme un seul corps - le tout et ses parties - qui aurait été dicté oralement dans son intégralité par Lao Tseu à un officier garde-frontière désireux de préserver l'art du maître. C'est par l'économie des mots et des images que son auteur traduit l'incompréhensible, suggère avec pragmatisme ce qui ne peut être dit. En refusant catégoriquement l'idée même d'enseignement, Lao Tseu ramasse les fruits mûrs de l'expérience et les distribue aux générations présentes et à venir. Nous ne serons capables de les apprécier qu'à la condition de nous détacher du tumulte du monde humain et de ses innombrables activités, c'est à dire de nous laisser porter par la voie (Tao) du non-agir, du dépouillement. Nous sommes à mille lieux des prédications et imprécations de la Bible ou du Coran. Le Tao n'a pas dieu, il est infiniment désintéressé, et suffisamment vaste pour dissoudre toutes les conceptions que nous nous en faisons : il relève de l'inimaginable, c'est à dire de "ce qui est", intarissable, insaisissable, sans forme. Le tao est le principe inaliénable éternel pénétrant toutes les existences, et son expression philosophique va à l'encontre de l'accumulation des concepts occidentaux. Le sage voit bien au-delà de son mental personnel et ne fait plus grand cas de l'ego. Il ne distingue pas entre le dehors et le dedans. Il s'est unifié par la pratique instantanée de la voie du non-agir en ne se laissant pas corrompre par le savoir et l'avidité qui en résulte. Se suffisant à lui-même, un rien l'éclaire puisque qu'il ne s'attribue aucune oeuvre, aucune intention, aucun mérite : n'étant jamais en désaccord ni avec le ciel ni avec la terre, il ne saurait donc s'égarer. En souhaitant que cette lecture incitera le lecteur à venir souvent boire et se régénérer à cette inépuisable source qui a traversé les siècles jusqu'à nous.

André Chenet 

                                                                                                               

 

Extraits :

II - Tous sous le Ciel, connaissant le beau comme le beau: voici le laid !
Tous connaissant le bien comme le bien: voici le mal ! C'est ainsi que l'être et le non-être naissent l'un de l'autre, que le difficile et le facile s'accomplissent l'un par l'autre, que mutuellement le long et le court se délimitent, le haut et le bas se règlent, le ton et le son s'accordent, l'avant et l'après s'enchaînent.
C'est pourquoi le Saint-Homme s'en tient à la pratique du Non-agir. Il enseigne sans parler.
Tous les êtres agissent, et il ne leur refuse pas son aide. Il produit sans s'approprier, travaille sans rien attendre, accomplit des oeuvres méritoires sans s’attacher, et, justement parce qu'il ne s'y attache pas, elles subsistent.

VI- L'Esprit des profondeurs est impérissable; on l'appelle la Femelle mystérieuse.

VIII- La suprême Vertu est comme l'eau.
L'eau et la Vertu sont
bienfaisantes pour les dix mille êtres et ne luttent pas. Elles occupent les places que les hommes détestent. C'est pourquoi elles sont comparables au Tao.

XXVII - Qui marche bien ne laisse pas de traces; qui parle bien ne commet pas de fautes; qui calcule bien n'a pas besoin de boulier; qui sait bien garder ferme sans verrou, et personne ne peut ouvrir; qui sait bien lier ne se sert pas de liens, et personne ne peut délier.

XXX - Là où campent les armées, poussent les ajoncs et les ronces; après les grandes guerres viennent les années de disette.

XXXII - A l’origine de la distinction, il y eut le nom; avec le nom l'existence fut. Dès lors de même il y eut le savoir et la limite; avec le savoir et la limite, le moyen de ne pas périr.

XXXIII - Celui qui connaît les hommes est averti; celui qui se connaît lui-même est réellement éclairé.

XXXVI - La douceur triomphe de la dureté, la faiblesse triomphe de la force.

XXXVIII - Le savoir n'est qu'ornement du Tao et commencement de l'erreur.
C'est pourquoi le Sage s'attache au réel et rejette les apparences; il s'intéresse au fruit plutôt qu'a la fleur; il laisse ceci et saisit cela.

XXXX - Toutes choses sous le ciel naissent dans l'Être; l'Être naît dans le Non-être.

XXXXIII - Ici-bas, ce qui est le plus malléable l'emporte sur ce qui est dur.

XXXXIII - La maîtrise par le silence, la vertu surabondante par le Non-agir, rare, dans le monde, sont ceux qui les atteignent.

XXXXVI -  Quand le monde a le Tao, on renvoie les chevaux aux champs.
Quand le monde n'a plus le Tao, les chevaux de combat (aujourd'hui, on dirait les tanks) se multiplient dans les faubourgs.

XXXXVI - Il n'est pas de pire calamité que le désir de posséder. C'est pourquoi celui qui sait se contenter de peu est toujours satisfait.

L - Sortir dans la vie, c'est entrer dans la mort.

LIII -  Quand les palais sont trop bien entretenus, les terres sont incultes, les greniers vides. Porter des habits somptueux, des épées tranchantes, se gaver de nourriture et de boissons, accumuler des richesses, c'est glorifier le vol. Ce n'est pas le Tao, certes !

LVI - Celui qui sait ne parle pas; celui qui parle ne sait pas.

LVI - Clore sa bouche, fermer ses portes, tempérer son ardeur, se dégager de ses liens, harmoniser sa lumière, s'assimiler à son milieu, cela s'appelle la mystérieuse union.

LVIII - Lorsque le gouvernement est simple et indulgent, le peuple est riche et généreux; lorsque le gouvernement est formaliste et tracassier, le peuple est besogneux et mesquin.

LXI - La femelle triomphe toujours du mâle par sa passivité. Passive, elle agit en s'abaissant.

LXIII - Dans l'Univers, les oeuvres difficiles doivent se faire par le facile, les grandes choses doivent s'accomplir par l'imperceptible.

LXIV - Un arbre énorme est né d'une racine aussi fine qu'un cheveu; une tour de neuf étages s'est édifiée sur un tas de terre; un voyage de mille lieues a commencé par un seul pas.

LXIV - Celui qui agit échoue, celui qui prend perd.

LXXII - Ne vous trouvez pas à l'étroit dans votre demeure, ne prenez pas en dégoût ce qui est votre existence. Il suffit de ne pas mépriser sa condition pour ne pas s'en lasser.

LXXV - Le peuple a faim lorsque ses maîtres dévorent le produit de lourds impôts; voilà la cause de la disette. Le peuple est difficile à gouverner lorsque ses maîtres sont agissants; voilà d'où vient la difficulté de gouverner. Le peuple envisage la mort avec légèreté, parce qu'il peine trop pour vivre; voilà pourquoi il attache peu d'importance à la mort. Car, seul celui qui n'est pas exclusivement accaparé par la lutte pour l'existence, peut sagement apprécier la vie.

LXXVI - Nouveau-né, l'homme est souple et frêle; mort, il est rigide et dur. A leur naissance, les plantes et les arbres sont tendres et flexibles. Morts, ils sont rigides et durs.

LXXVIII - Il n'est rien au monde de plus Inconsistant et de plus faible que l'eau; cependant, elle corrode ce qui est dur et fort; rien ne peut lui résister ni la remplacer.




 TAO TÖ KING DE LAO TSEU
présenté par  André Chenet
Francopolis décembre 2012

Créé le 1 mars 2002

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