« Au
terme d’une vertigineuse pensée. Comment dire qu’on fut tout et rien ensemble,
qu’on fut et qu’on ne fut personne, feu et cendre ? Qu’on fut dieu en même
temps que bête crevée de chagrin ?
Cela
ne pourra jamais être dit.
La
parole jamais ne sera digne de porter le silence où je fus faite femme. Je me
nourris de cette mort.
C’est elle qui règne et qui se dit par moi, par l’air par l’eau, au nom du feu
et de la cendre. La mort se vit. La présence est son triomphe
Dire.
Proférer. Profaner. Obéir à l’ordre de dire, contre tout et contre tous et
cependant pour tous.
L’aveu
comme un petit enfant transi qui ferait s’écrouler en naissant toutes les
murailles du monde.
Il
suffit de se déshabiller de toutes les peurs. Sous leurs yeux, sous la pointe
de leurs épées. Ce sont leurs yeux qui s’éteindront, leurs épées qui
trembleront sous la lumineuse nudité de la cible.
Sans
réfléchir, seulement accepter ce qui se passe en dedans, cette impression de
frémir avec les mots, de les sentir, de les respirer, de vibrer, d’être avec ce
battement surgi de la page de ses mots de la page des mots d’elle, Claire
et
je tourne les suivantes.
…….
je
prends je surprends des éclats des lanternes des assombrissements des
actualités
Le
poème en colimaçon monte à la tour du silence. On y entre à genoux.
Je
porte le déluge. Je suis le nuage lourd. S’il crève je cesse d’exister.
Venir
à bout de tant de floraison. Je sais où je m’en vais par ce chemin de chair et
d’os !
Va
chercher derrière les fagots le dernier souvenir, nous le viderons ensemble. Et
crains de laisser s’échapper un seul grain de poussière. Il nous faut tout le
poids du temps.
j’ai
soif et rien que la mer à boire !
l’amour
n’a plus de bras, plus de cou, plus de sexe, plus de souffle : il s’est
consumé dans sa perfection.
………………….
et
puis je me demande si je vais m’égarer dans cette écriture, dans laquelle je me trouve,
dans
laquelle je suis, où je devine réponses à mes questions, rumeurs, traductions.
Où je saisis échos à mon passé, à mes expériences, à ma vie…
Je
tourne la page comme je fais en atelier d’écriture, je ne cherche pas, je laisse venir à moi ce
qui me concerne, je pioche dans un réservoir inépuisable, à la source même de
ce que je suis, de ce qui fait que je suis là, j’attends un rendez-vous.
Belgique Namur 2009. Temps froid. Soleil de nuages capricieux. Gouttes de neige
sur le haut des grands sapins.
page
98
………..
Je
mourais : je n’étais plus rien que cette évidence-là ! Je courus
devant un miroir : je n’y vis qu’une explosion de lumière. Je n’avais plus
de visage ! Je n’existais donc plus ?
…………
Je
suis l’eau si je suis la soif, clarté si je ne suis ténèbres. De tout mon être
j’aspire à ne pas être. Le mystère se joue dans le triangle et meurt dans le
point.
Entre deux vertiges : celui des cimes et celui des abîmes. Quand l’un
semble vouloir m’emporter, l’autre multiplie sa force d’aspiration…..
et
là je lis ce que je sais, c’est de notre choix de vivre ou de mourir et il est
possible de mourir pour se prouver d’être vivant.
L’écriture
franchirait ce pas-là, permettrait de le dire, de transmettre, d’exhorter à
respirer sa langue pour continuer à être vivant, présent de l’urgent, à dire, à
écrire, à donner à lire.
Si
dans ma vie comprendre à du sens, se prendre avec soi est le geste d’accueil de
tous les possibles qui nous inventent.
Je
suis cet amour intense d’être et je me
donne les moyens d’interroger, de soumettre mes gestes à l’observation croisée de mon
écriture. Je me rends disponible,
j’écoute le dedans.
J’écris
et chaque mot vient agiter le satiné de ma conscience, le miroir devient un
instant translucide.
Dans
l’acceptation des énergies qui naissent,
mes commentaires sont presque opaques
Je
vous invite à feuilleter et découvrir
Claire
Lejeune
………
l’idéal se nourrit
d’absence.
J’ai l’âme nègre
sous ma couche de neige… Ce doit être signe de vie si mon Afrique se met à
chanter !
Nous ne faisons pas
la poésie. Elle nous fait de nous défaire….
Aimer c’est être
unique, semblable et autre
Je ne sais pas
pourquoi s’écrit en ce moment ma vie à l’infinitif…
Si je savais, je
cesserais d’être vraie
« être c’est
écrire »
……….
Claire
Lejeune
extraits
mélangés pour l’objet de ce texte de :
La
gangue et le feu, Bruxelles, Phantomas, 1963.
La geste,
Paris,
José Corti, 1966
Quelques Liens
Biographie
et bibliographie
Claire Lejeune est née à Havré, en Hainaut, le 5
octobre 1926.
Claire Lejeune a reçu le Prix Canada-Communauté
Française de Belgique de Littérature 1984 pour l'ensemble de son oeuvre. Elle
est d'ailleurs beaucoup mieux connue au Canada que chez nous.
Membre belge littéraire (1997-2008)
Le colloque «La femme et l'écriture», (Les Laurentides), est le déclencheur...
Analyse
universitaire… (même si j’ai du mal à entrer dans ce type d’écrits.)
Claire Lejeune (1926- 2008) est l’une des écrivaines les plus importantes et les plus
méconnues du panorama littéraire belge actuel.
LE(S) FIL(S) D’UNE SAGA D’ESSAIS INFINIS : CLAIRE
LEJEUNE, PHILOSOPHE TISSERANDE
L’esthétique et la thématique des oeuvres de Claire Lejeune créent l’effet d’une écriture de grande complexité, cryptique et fascinante.

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Depuis 1975, Claire Lejeune établit des liens privilégiés avec le Québec. Elle
donne des ateliers d'écriture à l'Université du Québec à Montréal en 1977 et en
1978.
Le premier texte de L'atelier évoque la mise en jeu des ateliers
d'écriture. J'aime à penser que la découverte de ses Amériques a permis le
déploiement de l'esprit d'atelier contre l'esprit de chapelle.
Extrait de la
préface de France Théoret
Du même auteur chez Ville-Marie Littérature
LIVRE DE LA SOEUR -LE, Les Éditions de l'Hexagone,
1992
L'atelier, Typo, 1992
AGE POETIQUE AGE POLITIQUE -L', Les Éditions de l'Hexagone,
1991
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