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Anthologie de la poésie française - Les aimants - Mots comme la route... et plus

Ghyslaine Leloup : les images pour la joie …  
                                                                          pourtant.


                                                                                            par Lilas





En ces années de régression des choses et des hommes, il est bon de lire et relire le dense recueil de Ghyslaine Leloup parce qu' il aide à mieux se situer dans le monde.  Nous croyons parfois que le monde nous échappe, mais, en réalité, nous ne l'avons pas compris, ou bien nous sommes incapables de lui vouloir un bien qui serait aussi le nôtre, tout aussi inséparable du sien que la marche souterraine des racines l'est du cœur de l'arbre.
J'aimerais, à travers quelques images-clés, vous donner envie de lire ce livre au titre explicite et prometteur, ainsi que L'Ange de sable auquel j'ai emprunté quelques citations.


**Vous présenter Ghyslaine ?
 
Quelques mots, simplement. A la source de son écriture, de sa poésie :
.
l'enfance, "et son manège de lucioles"(14).

La vie, " le cœur à la barre d'appui du Temps".

La beauté, fulgurante, du cosmos, celle, plus familière, des simples de la nature, ou, venue d'une antique mémoire, celle d'un cortège de jeunes filles dans leurs "soyeuses tuniques sinuant dans un sillage de jasmin" ...

Cet ange, cet Ange de sable, insaisissable, et ange de clarté, lui qui peine à demeurer hors de l'ombre fondatrice, Ghyslaine nous en dit la présence depuis les Temps obscurs. Est-il simplement un avatar du "rêve qui habite( l'homme) " ? la plus pure expression de ce rêve toujours prêt à s'effriter et que l'on entrevoit tout au long de l'Histoire? Sa voix "bat dans nos viscères" (18).  Sentinelle, ange gardien et mémoire du monde. Fragile et pur, obstiné, il incarne  notre espoir car c'est de nous qu'il émerge, c'est nous qui pouvons le res-susciter.

Se sauver.
"Prends le large de ton histoire.
Exile-toi." (12)
Oui, sortir de soi, regarder autrement, comprendre, pour sauver en soi la "part incandescente du moi", face à un monde qui pourrait être désespérant si nous laissions s'éteindre cette braise.
Un monde insulaire, qui se croit illimité, une "géhenne",  peuplée de "mains homicides" (18), parsemé de "cadavres engrangés dans nos âmes accablées" (17), de fosses communes, d'hommes et de femmes avilis,  de frontières, de barbelés, une terre "assoiffée de miracles"…
"Echo d'un requiem dans des chutes d'éclipse
sourde partition d'un monde aux sources taries
Notre arche de hasard pleure dans la Voie Lactée"


"De quel rêve obstiné procédons-nous ?" (28-29)

"Ce soir tu passes dans le paysage
Petite fugue humaine à portée de miracle…"
et tu t'interroges, comme dans  L'Ange de sable :
"Es-tu
Cette conscience bleue d'un liseron
sur le sable qui s'éclaire ?"
"Y a-t-il un chemin plus loin que l'homme?" (30)

Le doute, face au silence du "dieu d'hypothèse", est inévitable. La révolte face au monde aussi. Mais la source de la joie  ne se cache pas, si l'on sait voir et entendre. Elle est surtout dans la beauté omniprésente .
Éclat des images nées d'un regard tourné vers les lumières:
Jouissance :
"Le mystère te frôle
Et tu t'ouvres
Soleil dans la montée d'un autre matin" (11)
Il n'est jusqu'à cette image qui capture notre imaginaire dans l'orbite des planètes ou des étoiles :
"Dans un dépli du temps
Une elliptique échappée" (15)

"Étoiles filantes
Cerfs volants cosmiques
Dans l'enfance du monde" (14)

Les images déferlent, scientifiquement justes et d'une délirante beauté :
"Dans la désirante nuit d'étés  océans (…)
La voie lactée ensemence d'autres galaxies
Les ténêbres brasillent au banquet des soleils" ,
vers cette mer,
"semée de météores
Et des mille roses taillées par le premier fracas" …


Le pari …

Si l'on veut encore "voler", le choix est pascalien :
"Au casino du ciel
Parie sur les étoiles
Emporte la mise de l'aube baptismale"
mais simple :
"Fusions dans le magma de la nuit
Malgré les soleils noirs
Nous prendrons notre part incandescente
La beauté baguée de braise"

Le choix est celui de la lumière.

La lumière, dans le ciel, dans le monde, et dans l'homme … ?


Car tout est relié par d'intimes correspondances, dont nous ne retiendrons que celle-ci pour son inépuisable richesse :
"Certaines mains
Trahison des étoiles
Amputées de leurs lueurs dactyles". 

Superbe image, familière pour qui regarde et étudie le ciel : les lueurs dactyles des étoiles ont leur origine dans les éruptions solaires qui lancent leurs doigts de lumière vers toute vie de l'univers, et toute main ne devrait-elle rayonner la lumière de l'être, nos gestes n'être dignes que de la Lumière ? .

Mais les homme – nains thésards, idiots déïformes qui déglutissent des prières, vivent dans la peur, dans la petitesse et n'osent aller vers plus de lumière en dépit de "la spirale outrageante" qui "approche". Oui, devrait advenir l'heure des mots "sans paravents" (33), et le ton est celui d'un lyrisme prophétique, mais les vagues du  doute sont  toujours présentes bien que la beauté apaise l'homme. Le poète poursuivra donc sa recherche, lui aussi.
"O vieux mots sédentarisés
Donnez-moi une phrase nomade"

"Du monde et du langage
Poursuivre la quête" (4)

"Je veux broyer de la lumière" dit l'auteur. Tels les peintres, qui tentent de renouveler leur palette en broyant des pigments. Mais ici, il s'agit du verbe.

Du Verbe ?


"dieux crédibles"

Dans l'ambiguïté née du doute persistant, l'auteur feint de s'adresser aux anciens dieux, ici symboliquement assimilés aux dieux antiques, en une dernière invocation.
"J'en appelle aux dieux crédibles
Campés indifférents sur leurs chevaux ailés
Baladins insoucieux dans le cirque des siècles
Nous sera-t-il accordé
De vaguer encore dans le feu des lavandes ?
D'entrevoir un chemin à notre démesure ?" (30)

Seule voie pour l'homme, trouver sa vérité ailleurs, fût-ce dans le seul élan. Un philosophe se demanderait si son essence n'est pas précisément dans ce seul mouvement de recherche  :
"Car il faudra bien la quitter cette douleur (…)
Des histoires d'hommes ne garder que les ailes" (35)

***

La vérité n'est pas encore à notre portée, peut-être passera-t-elle par les étoiles, quand science et poésie du monde
et de l'homme se rejoindront enfin ?

                 "O dieux libérés des hommes
                 Offrez-nous des sommets" (38)



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Leloup, Ghyslaine
La joie, pourtant, aux éditions  Hélices - (Poètes ensemble).
 - ISBN 2-911706-22-6 (br.) : 8 EUR.

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ses écrits sur le web:
librairie Francopolis
Terres des femmes
Danger Poésie
Une anthologie pour l'espoir



La joie, pourtant
Francopolis mai 2010
par Lilas 

Créé le 1 mars 2002

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