LECTURE  CHRONIQUE


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REVUE DE POÉSIE
ARPA. No.108
présentée
par

Dana Shishmanian

L’esprit d’Arpa

Fondée en 1976 à Clermont-Ferrand par des poètes auvergnats et bourbonnais regroupés en association, dirigée successivement par Pierre Delisle, Roger Siméon, puis par Gérard Bocholier et Jean-Pierre Siméon, l’élégante et l’exigeante revue Arpa est, depuis 1991, l’œuvre du poète Gérard Bocholier.

Avec une parution régulière depuis 37 ans (environ 3 numéros par an), et une ligne graphique d’une grande qualité, Arpa s’est imposée comme l’une des meilleures revues de poésie contemporaine. Elle publie aussi bien des poètes consacrés, au-delà de toutes chapelles, que des débutants qu’elle se fait un honneur de découvrir. C’est « l'une des revues les plus ouvertes et les plus variées du paysage poétique français » (Jean-Yves Masson, La Quinzaine littéraire, 2000). Mais ce n’est pas de l’éclectisme par programme, ni un « melting pot » aléatoire ; c’est un creuset où l’on recherche l’or...

« Sans aucune orientation autoritaire pour les textes inédits de création et de critique qu'ils se proposent de publier, les animateurs d'Arpa veulent rester ouverts à une grande diversité de styles ‘dans la mesure où leur lyrisme se développe dans les profondeurs de l'être intérieur’. On peut parler véritablement d'un esprit Arpa », peut-on lire sur le site de la revue.

En effet, en la prenant dans ses mains, on ressent le frisson d’une poésie faite chair. L’esprit d’Arpa vous vibre entre les doigts.



Le numéro 108 qui vient de sortir amène le lecteur à la découverte (ou redécouverte) de poètes et écrivains contemporains de tous âges, des véritables doyens (comme Georges Bonnet ou Frédéric Jacques Temple) jusqu’à de tout jeunes (Jean-Christophe Ribeyre, Anne-Cécile Causse), qui partagent en commun un certain retrait par rapport à la cohue… Ils nous livrent une nourriture exquise faite de réflexion et de sensibilité qu’on ne trouve pas dans les boutiques de luxe pour élites esthétisantes, pas plus que dans les supermarchés de l’art de consommation. Elle est cuite au feu intérieur à longue flamme, celle, patiente, qui travaille l’âme et l’esprit, qui transforme et qui transcende le moi ; la poésie est alors autant instrument qu’aboutissement, autant voie que voix libératrice d’un destin en marche.
Pas de certitudes pourtant, pas de béquilles d’un dogme quelconque ; juste la marche, épuisante, incessante, attentive, parfois joyeuse, souvent, trop souvent parsemée d’embuches, marquée de tragédies personnelles autant que collectives, qui vous font saigner jusqu’au plus profond de votre

être. Une marche à travers champs, sur des sentiers non battus, dans le noir de nuits sans étoiles, sous des soleils aveuglants qui ne laissent pas d’ombres pour repères. Une marche dont se détachent des mots, comme les gouttes de votre sueur, comme la poussière de vos vêtements, comme le gravier sous vos souliers ; des mots de tous les jours, chargés de vous, de votre souffrance, de votre joie ; des mots qui glissent de vos poches, sans intention, sans prétention, et parsèment vos errements… témoins discrets et humbles, telles des galettes sous l’eau qui coule. D’autres voyageurs se retrouveront peut-être sur vos pas, et alors ces miettes de chair et d’esprit les feront, peut-être, vivre.

Est-ce cela l’esprit d’Arpa ? Je ne le sais ; je sais que c’est bien ce que je ressens quand je tourne, délicatement, les pages d’Arpa, pour ne pas faire fuir la poudre précieuse d’or qui s’est déposée entre les lignes, et pouvoir ainsi jouir de sa chaleur, avant de me nourrir des paroles qu’elle fait scintiller discrètement ; et c’est bien, aussi, ce que je ressens quand, moi-même, j’écris.

Que cet esprit perdure, car il y a des affamés qui s’ignorent ; Arpa s’ouvre à eux aussi. Merci aux poètes qui la portent !

Et pour partager le plaisir, voici quelques extraits de mon choix, aux lecteurs de Francopolis.

 « Je me suis éveillé à l’urgence / D’être ce dormeur / D’instants aimés / Conduit dans le troupeau des indigences / Qu’il faut garder sans clôtures » (Jean Maison)

« Je t’attends dans le silence de moi-même / quand se taisent les grandes voix / qui me portèrent / des terres calcinées / à la fraîcheur des herbes. » (Danièle Corre)

« Quand il rentre l’étranger / Médite au bout de la table / Les morts des portraits regardent /  Du vin frais luit dans la coupe » (Gérard Bocholier)

« L’esprit, tel un poisson, remonte le courant. Nageant, de seuil en seuil, vers la limpidité ; par le torrent, jusqu’à la transparence, ce lieu de la naissance et du décès. » (David Renoux)

« Porteur d’ombre, / chercheur d’eau, / sourcier aux mains vides, / avançant les yeux fermés / vers la source absente. » (Pierre Maubé)

« Dans les rues de Bagdad, l’homme court après l’enfant qu’il a été. Son sillage de rires laisse un parfum de palmier dans ses cheveux. Mais le vent a coincé le souvenir contre un mur et à présent la maison gît au bord du fleuve. » (Lydia Padellec, L’exil à cœur ouvert, à Salah Al Hamdani)

« Laisser devenir sans prendre ni abandonner / Essayer seulement cette attention amoureuse / entre les parois du silence  Au plus secret / d’avant même le regard     
 D’avant m’aime le regard 
» (Jean-Pierre Farines)

Dana Shishmanian

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Petite anthologie en ligne
Rédaction : Les manuscrits, les livres et les revues doivent être adressés
à Gérard Bocholier, 44 rue Morel-Ladeuil, 63000 Clermont-Ferrand.

Abonnement (38 € pour 4 numéros/an) : Chèques bancaires ou postaux établis à l'ordre d'Arpa et adressés à Jean-Pierre Farines, 148 rue Docteur-Hospital, 63100 Clermont-Ferrand.



Revue Arpa
Francopolis décembre 201
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Créé le 1 mars 2002

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