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Thème d'écriture :
Boules d’hiver, flocons d’enfance
moi je garde toujours une fenêtre un peu entr'ouverte ... à cause des étoiles battues qui n'ont pas de refuge aaron |
![]() composition-photo...aaron |
Février
arrive sous le froid et les amours. Couvrez d’une écharpe la lune
et les étoiles, posez-vous sur un oreiller d’herbes et venez ouvrir
la fenêtre de la rubrique « Vos textes ». Lecteur, j’espère
que quelques-uns de ces flocons viendront saupoudrer de lumière votre
matin.
Impromptu pour la première neige
il neige, j’écris, très fine les doigts tachés de flocons comme des mandarines la fenêtre voltige dans son poids transparent dans son frêne millénaire il neige comme un caprice d’enfant le jardin fait les cent pas en bottes chaudes et miel blanc amasse son butin de lumières l’ombre chinoise des sapins au bas de l’arbre une aile bat affolée filament cassé les hanches à mi-neige le froid jusqu’aux poumons arrive une corneille s’attendrit lui chuchote une messe à l’oreille l’embrasse et tue d’un coup de lèvres puis s’en va laissant sur la neige comme une clé rouge aaron |
SOMBRE
rongés par un insecte invisible les os deviennent transparence cartilages squelette prêt à s'effondrer poupée de son Il le sait si la luciole s'éteint si le vent les arbres le chant du coq tout cela ne le porte plus il deviendra méduse une méduse inoffensive molle blafarde il se souvient des catacombes il était pourtant illuminé par le soleil de l'an dernier tout s'est éteint depuis l'aurore de l'automne la bise souffle en tourbillons fourmi |
Miroir de décembre maintenant Monsieur vous m’avez appelée " Madame " maintenant Monsieur vous êtes un étranger dans la tempête ici le froid subsiste longtemps après la poudre du vent la nuit n’est pas le silence pas plus que la neige sur ta langue le vrai celui de nos ombres léchant un ciel glacé cette plainte a le droit d’être ce qu’elle est une image dans une boule d’hiver Christiane **** à peine ils disent nous mourons ils disent des choses atroces toi tu marches en sourire sur la pointe du temps ils n'ont même pas vu que tu es loin devant déjà au tournant de l'aurore juste avec la lune petits pas blonds course à bout de souffle éclat ils disent rien ils voient pas toi tu parles à peine les anges sont à côté je t'en prie ris et balbutie mais ne pleure jamais comme eux Karl |
Le chemin d’Ophélia au mur craquelé d’une ombre qui l’emporte. il est comme un théâtre comme un lieu qui s’enfuit d’un silence en voyage un claquement de porte il est cette âme morte qui chaloupe la nuit le temps pour très longtemps d’enfiler ses costumes des plaintes sans mémoire tapinant des regrets aux voix que je rencontre et des sols qui craquent il ne reste qu’un songe… au-delà d’une page, la parole emmurée … au-delà d’un visage, un chemin verrouillé un cailloux sous la pluie j’entends-là qu’un écho un son mat où résonnent des orgues d’infini. un chant grave et moqueur quand le diable vient boire à ma mélancolie Rapsode |
LE HUITIÈME JOUR Je me suis tu longtemps avant d’écrire un mot. Je continue en écrivant. On a recouvert
la terre d’une prairie de miroirs. Il y a toujours plus à dire qu’on
ne voit. Les trois couleurs d’une robe font des kilomètres de fil.
Il y a toujours des clefs pour les portes dessinées, des ailes invisibles
pour le vol des anges. Il y a dans la poussière des fleurs à
venir, de l’herbe dans la pierre, du rêve dans les choses pour qu’on
puisse les nommer. C’est le huitième jour de la semaine qui
mange tous les autres. On aperçoit parfois ses traces de doigt sur
un calendrier, parmi les miettes de pain, sous les minous de poussière,
les secondes arrêtées sur une montre, les bas qui disparaissent
au lavage.
Depuis le premier mot, je marche sur l’abîme. Il
y a toujours une attente précédant la lumière. Assis
sur une pierre, je touche de la main sa propre attente. Je compte les brins
d’herbe sous la neige. Je cherche encore la bille échappée
dans l’égout, celle qui mène vers la mer. Je n’ai retenu de
l’école que l’alphabet et le vol des oiseaux derrière les fenêtres.
Ils me semblent procéder du même mouvement. Les hommes n’ont
pas la patience des choses. Ils veulent qu’on les voie pour être. L’orgueil
les empêche de regarder plus loin. La beauté du myosotis est
dans la petitesse de sa tige, celle de la rose dans l’épine.
Les mots s’usent à la longue, il faut les remplacer. Je cherche l’air entre les lignes, un brin de paille, un grain de sable. La colline aujourd’hui est une gare de triage. Des trains de neige y déchargent des wagons de flocons. Les traces des skis sont des rails éphémères. La langue sur un glaçon, je réchauffe la vie de la buée des mots. Je ne me résoudrai jamais à être malheureux. Chaque matin, je regarde le monde comme un nouveau-né. Je laisse aux autres les journaux et les heures à compter. On écrit avec des fantômes qui deviennent vivants. Je défais une à une les enveloppes du temps. Les ombres sont des housses protégeant la lumière. Il y a comme une fissure entre les choses par où s’échappent les images. Il y a des mots qui sont comme de l’eau souterraine, on les entend sans les voir. L’herbe comme les pas sur la neige est un commis aux écritures. Les feuilles sont si belles à l’automne. On n’ose plus marcher quand elles tombent sur le sol. On glisse entre les arbres comme les clefs d’une portée. Quand le vent souffle trop vite, les trains des nuages en oublient leurs bagages de pluie. La gare reste vide comme les yeux des vaches. On écrit toujours avec des bouts d’enfance. Je suis
un petit caillou, une voyelle oubliée. Je puis être aussi un
énorme rocher, une phrase encombrante que l’on doit gommer pour regarder
le monde. Même adossé à l’immortalité, le bonheur
se répare avec de simples outils, une fleur à mollette, une
fraise, une épine. Quand le pain manque, chacun apporte son grain
de blé, son bout d’humus, ses larmes à défaut d’eau
de pluie. Même en voyage, j’entretiens mon jardin. Les mots me servent
d’arrosoir pour les fleurs nomades.
J’écris avec des poings de lait au bout de mes deux bras. La robe
de ma voix se découd de partout. Quand elle tient, c’est par miracle.
J’ai traversé la mer en charentaises, une île dans un œil, le
ciel dans l’autre. J’agrandis l’horizon d’une phrase à l’autre. Ne
cherchez pas ici le sens ni la forme. Le mot est une mise en abîme,
une main d’été posée sur un glaçon, un éclat
de soleil s’accrochant aux gouttières. Le rêve s’avance debout
entre les balles du réel.
Entre la main et le front, les mots tracent la route. On me voudrait portier, porteur d’eau, brandisseur de drapeau mais je ne sais qu’ouvrir les portes des nuages et faire entrer la mer dans un verre. Chaque pierre est une montagne. Chaque oiseau est un ciel. Chaque image est peuplée de gouttelettes de mots. Un jardin pousse sur la table entre les assiettes et les miettes de pain. Les oiseaux nagent devant les vitres comme de vagues musiques. Ma montre, ce sont les tournesols. Je pivote avec eux. Je tricote la vie avec du fil de terre, des pétales de rose, des brindilles, des épines. J’écris sur la pointe des pieds. Je marche sur les mains. Je cache dans mon cœur un immense appétit, un petit oui d’enfant, une caresse de loup. Je résiste à la haine avec dix ou vingt mots. JML |
Quatre heures…
Les couleurs de mon voyage ont pali. C’est l’absence. Aujourd’hui, les arbres jaunes près de la passe, le glissement soyeux de la barque craquante, et les radieuses rives s’estompent dans la brume… Comme à la prime enfance le monde est vaste et rond. imperceptible, aux soirs de mes périples, chatoie une flammèche mouvante et sauvageonne… Un vieux parfum de miel et de Quatre heures… l’oubli est pour bientôt, chuchote-t-on… Tendre et profond… Un chapitre à relire m’attend à chaque pas, la vie est un puzzle et mon sillage se voile… me restent dans les yeux comme à la prime enfance le monde vaste et rond… un vieux parfum de miel… l’oubli est pour bientôt… j’aimerai mon Quatre heures… Pascal Duf
************ Un pain d’épices Elle arrête son travail, réfléchit, demande s’il veut un chocolat chaud. L’enfant aime le chocolat chaud. Le bonheur ? C’est une lettre tendre, le fiacre d’un regard, l’audace des prières, des mots plus larges que leurs sens, une éclaircie de rires, la voix du chat, le feu aux hanches des châtaignes, le ventre d’une femme qui arrondit la vie, la lumière rompue éclaboussée de feuilles, l’urine du vieux loup sur la plus vieille pierre. C’est la glaise qui s’ouvre une nouvelle fois sur la semence lente, c’est l’amour non trahi et les yeux qui pardonnent. C’est la main de ton père sur le bois de l’hiver. Elle rit dans ses mots, se penche vers l’enfant, l’embrasse. Bois ton chocolat, le bonheur c’est un pain d’épices hors saison. Et l’enfant rit qui ne comprend pas tout mais saisit la chaleur, la courbe de sa mère. Hulotte ********* Quelqu'un me manque Les années défilent comme les bougies d'un gâteau qu'on mange d'un château de sable qu'on habite On l'aurait fait sur une dune, frottant les brindilles contre le coquillage, chaque jour Il serait parti à la mer retrouver le corail, chaque nuit le vent soufflant a faire s'éteindre les flammes Je m'accroupis sur le temps tel un peau-rouge au sommet d'une montagne je me parais soudain pesant. lent. Les sensations m'affleurent comme les vagues surviennent et je me souviens assez bien J'siffle un petit air vif m'imagine un enfant pis j'y songe. Kel *********** |
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