La poésie des banquises


La poésie des banquises lancée par notre amie Catrine Godin (cat des banquises, chatounette des banquises etc.) fait son nid sur la place des francophones, rubrique " Vos textes " ! A l'heure où le printemps fleurit, un dernier partage blanc pour faire danser le manège des saisons. Au Québec, le temps des coulées vient à point faire saliver les langues…
Alors, chers lecteurs, goûtez ces quelques coulées, ces quelques cristaux!

Dame Juju


© Bernard Flucha

******

c.g.

je t'aime ainsi -je suis-
intemporel un mouvement
dévasté sur ta bouche
l'orbe invincible du monde
à l'effacement lent des cercles
l'impur

ni arme ni feu rien
que musiquent mes arcs assourdis
ce qui ne se touche
ni s'étreint tendre les doigts
à l'incertain des intangibles
laissés
quelques traces

-je suis- tissus des morts
pollen affamé d'aube
creuse le cri de l'oiseau
le doute te souviendra
le sable

le désir de l'eau

cat la banquise


Rob

Je n'aime pas du tout. pour moi c'est de la poésie "blanche".


c la banquise

... poésie blanche.. hm ( j'interroge )
je trouve le commentaire intéressant
peut-on creuser s'il vous plaît


Rob

Creusons donc en toute amitié.
L'auteur que j'imagine charnel disparaît sous les tics d'une poésie qui sous couvert de modernité laisse crisser des observations qui résultent d'une "procédure" dans le lexique convenu de ce genre qui, je dois l'avouer, me gonfle de plus en plus.
L'aube, le cri, l'oiseau, l'arc et l'orbe sont inévitables dans le "genre".
Poésie blanche, je veux dire à but minéral, Pongesque peut-être, c'est difficile d'expliquer cette sensation. Je fais des efforts.
Pourquoi le désir de l'eau à la fin, rien ne le fait venir ce désir, il arrive chez moi comme une incongruité, comme une écriture automatique. La dernière strophe, pour ma lecture qui n'engage évidemment que moi, est tout à fait caricaturale.
Je dis ce que je pense, c'est tout, faudrait pas en faire une bagarre.
On peut causer.


*

la poésie blanche c'est ça :


© Catrine Godin


jml

ça me fait penser à la poésie des années 70 avec les revues Tel Quel et Change. c'est très formaliste. dans le genre, je préfère la démarche des oulipiens. elle garde l'avantage de l'humour.


jml

cette image est le contraire du poème qu'elle veut illustrer. on sent la trace de l'homme derrière le froid.


Rob

C'est une belle image l'astérisque, mais ça n'a rien à voir avec mes sensations.


c.g.

...pourtant l'image est l'image même des vers, j'irai même jusqu'à dire que l'image... ha puis non. vais vous laisser grogner, zêtes trop mignons... mais.. ( ha puis oui ) le blanc, froid dans la lumière, la vie en suspend, l'attente, la soif même de réveil, de vie... comment imaginez-vous la parole d'une banquise, d'une névé, comment ne pourrait-elle pas être juste nue, détachée ( engourdie de son propre froid) et pourquoi penser Un Style, étiqueter comme on (re)jette... ce me semble par trop facile ; ou encore -mais je l'accorde- qui ( assurément personne ) voudrait entrer dans la neige, être la neige, s'y incarner, entrer dans l'idée de l'hiver en soi ou de l'hiver lui-même ; et qu'est-ce que l'hiver, quelle est son… inclinaison, que fait-il ?

une plaine couverte de neige, nue, parle frimas
buée... n'est-ce pas spectral, (sépulcrale tiens)

je me dis que je pourrais réécrire longtemps, fouiller, remoudre, blanc est blanc comme neige est blanche, j'essaie tiens

j'aime ainsi

je suis un mouvement intemporel dévasté sur ta bouche
où l'orbe invincible du monde efface lentement des cercles impurs
je n'ai ni arme ni feu rien que la musique de mes arcs assourdis
je suis ce qui ne se touche ni s'étreint
je tends les doigts à l'incertain des intangibles laissés
quelques traces
dans le tissus des morts un pollen affamé d'aube creuse
le cri de l'oiseau puis le doute te souviendra que je suis du sable le désir de l'eau

bon, là on me taxera de quel Style ? cette langue est-elle plus proche et procure-t-elle ces sensations de distance ( du plus lointain du plus profond de soi au plus creux de... l'hiver) de calme mortuaire, de lumière éblouissante si bien qu'on en ferme les yeux ( Rob, en quelque sorte vous fermez les yeux ) ressentez-vous que la neige désire mourir pour être bue, avalée par votre bouche plutôt que par vos yeux ? pensez-vous vraiment que cette langue-ci est au plus proche d'une banquise ou plus proche d'un lyrisme dont on se sent forcé d'user, presque obligé à la poésie ? ( c'est possible, tout est possible )

j'interroge et souris - ouverte à vos commentaires

p.s. merci à * pour l'image ( je la mange :)


sans rime

un ami poète m'a dit un jour que l'espace blanc entre les vers ou entre les strophes était là pour laisser place à une réflexion ; pour que le lecteur éventuellement puisse lui aussi écrire.
dans un recueil chaque strophe ne serait peut-être qu'une page ?


ali

"tout est possible" t'as raison C.g.
j'ai aimé ton poème parce qu'il m'a incité à le relire! sa beauté pour moi réside dans son énigme qui ne s'offre pas facilement!et à chacun ses yeux,on n'est pas obligé d'emprunter un nez pour en faire une bouche pour dire qu' une femme est belle! hihi


aar

cette photo illustre un poème blanc: Un paysage de neige apparemment banal . Si on regarde un peu mieux on peu lire des traces de pas, de skis, de chiens, de traîneaux, de pneus, mais aussi de martres, de chouettes blanches, de jaseurs boréals, de lynx…
on peut lire des trous dans la glace pour que les poissons puissent respirer, des craquements de coeurs et de banquise…
si on lit plus attentivement on peut voir qu'il n'y a pas deux cristaux de neige identiques, certains autrefois furent goutte d'eau dans le Pacifique, embruns à Saint-Jean de Luz…

on peut aussi mesurer le poids de la lumière, (si on trouve l'unité adéquate de mesure)

et enfin si on regarde l'horizon, on s'aperçoit que son propre regard s'infléchit avant d'atteindre l'infini.

Voila tout ce qu'on peut lire dans un poème blanc, et beaucoup d'autres choses encore.

Décidemment poésie…


flocon

De la banquise comme art poétique
(que l'auteure m'excuse, mais sa véhémence me semblait tellement belle) :

comment m'imaginer la parole d'une banquise
d'une névé
ne pourrait-elle être juste nue
détachée
engourdie de son propre froid
et pourquoi penser Style
étiqueter comme on rejette...

oui
ce me semble par trop facile

ou encore
-mais je l'accorde- qui
( assurément personne )
voudrait entrer dans la neige,
être la neige,
s'y incarner,
entrer dans l'idée de l'hiver en soi
ou
de l'hiver lui-même ;
et qu'est-ce que l'hiver,
quelle est son
inclinaison,

que fait-il ?

cette langue est-elle plus proche
procure-t-elle ces distances
(du plus lointain du plus profond de soi
au plus creux de
l'hiver)

calme mortuaire?
lumière éblouissante si bien qu'on en ferme les yeux ?
(Car, en quelque sorte vous fermez les yeux)

ressentez-vous
ressentez-vous combien la neige désire mourir
pour être bue
avalée par votre bouche plutôt que par vos yeux ?

pensez-vous
pensez-vous vraiment que cette langue-ci
est au plus proche d'une banquise
ou plus proche d'un lyrisme
dont on se sent forcé d'user
presque obligé à la poésie ?

(c'est possible, tout est possible)


Clochelune

flocon c'est superbe!
continuez ce dialogue riche d'idées, d'apports...
cat continue à t'interroger, à interroger la banquise, la poésie

blanche ou pas ? peut-être est-elle un arc-en-ciel à huit couleurs, juste savoir comment aborder cette autre couleur, ou un arc-en-cil à trois cils de vache, attention au troisième oeil, à l'oeil du monde sous la banquise, sous la glace, les parfums, l'enfance

peut-être est-elle un arbre à mille feuille (belle gourmandise, la pâte enfle, attention en sortant du four!),
arbre à mille pattes (eh attention ne te coince pas les pattes dans la pâte ne perds pas tes feuilles, tes pattes, tes cheveux!)

un cheveu blanc vole
souvenir de mon grand-père
en paix sous cet arbre

(et la feuille crisse,
l'arbre perd ses cheveux
pluie sur l'arbre)

comment dire le silence, l'absence avec des mots qui se dérobent et deviennent vite autre, comment dire le blanc quand jaillissent des reflets de présence, des pas perdus, des trains en gare, des bateaux à quai, des îles à la dérive, et la banquise se décille, se déshabille, fond et devient île, îlot de rêves, de feu, de cendres... descente de la poésie, descente à l'oublie, des portes battantes grêlant, neigeant les mots qu'on ne peut dire, les mots qui fondent en flocon jetés, en enfants jetés, le père avale les flocons, les enfants, le géant des mots enrobe les enfants à la sauce, à la crème chantilly, et le phoque appelle sur sa banquise, appelle celle qui ne viendra pas... quel cirque!


Pant

et la poésie noire ?

est ce du vent qui durcit les coeurs
de l'attention pour manquer d'ardeur
du vin qui s'écoule à pas d'heure
ou encore le messie qui hume trop les fleurs ?

non
le vin c'est le sang dans sa noirceur
le vent c'est l'affreux dans son humeur
une chair qui sa vie lie les peurs
rythmant les caresses de fers rouillés ou rouilleurs...

blanche ? noire ? le ton n'est pas couleur
il n'est que fin d'heur
bon ou mauvais quelle est son histoire si c'est une fleur
un pavé un terrain un damier ou la dernière et unique lueur.


flocon

liette je n'ai fait que de reprendre les propres mots de C.G. c'est elle ui écrit ce texte, je n'ai fait que le mettre en rythme et en silence.......


c un sourire

je vous trouve beaux, beaux et touchants, tous, et Rob aussi avec ses yeux clos sur son rêve..
je vous trouve, découvre, ouverts et sensibles, souriants d'esprits vivants et j'ai un plaisir indicible, immense à dérouler cette bande colorée aujourd'hui

merci

Rob disait, tic
le timbre d'une voix est-il un tic ?
les mots me sont comme des notes de musiques
les notes de musiques sont-ils des tics
ou un moyen de former/formuler une onde et de rejoindre

le but, le moyen du but n'est-il pas d'atteindre l'autre quelqu'il soit ?
et alors je me dis que j'ai atteint
de plein de manières, j'ai atteint ici
et j'en suis heureuse

le but était atteindre
et créer l'échange

et il est beau, l'échange
bien beau

merci

Catrine




recherche Juliette Schweisguth , avril 2006        


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