Le Salon de lecture

 

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Chroniques du hamac (extraits)
de Cathy Garcia



Libérez la poésie
libérez-la des poèmes
des poètes
ces vieux jaloux

libérez la poésie
et laissez-la courir enragée
jusqu’à perdre haleine

ensuite elle viendra
boire dans vos mains            
se coucher à vos pieds
et vous offrir d’un regard
des braises de lune



Hamac
envers et contre
ciel de poix

le soleil a fait le mur
sérénité bouillonnement
une soupe
avec quelques morceaux
de poésie dedans

les feuilles de certains chênes
sont criblées de rouille
l’automne tire à vue
mais nous endort tendrement                          

vivre en société
étonnant jeu de rôles
réussir chacun à la perfection
n’y a-t-il pas une autre voie ?
plus globale harmonieuse
ronde et riche ?

connectés
nous voilà connectés
au-delà de l’imagination
le mental ouvre des portes
en toutes directions
jusqu’aux plus inconcevables

mais le corps l’animal
trépigne fabrique
de la maladie

l’en-saignement

le froid me jette à bas
du hamac

les machines auront beau
croiser entrecroiser leurs réseaux
toujours au bout des pattes
s’allongent les griffes
marque tatouage rituel
ma jeunesse autodafé
je songe
et le vent m’électrise

si tu savais
être le vent
sa fraîcheur
indomptée

le vent coule dans mes veines
le vent fait des trous dans ma tête
par où pénètre la lumière                 








Le hamac est à l’ombre
alors je le trompe
avec la terrasse
où le soleil goguenard
se prélasse

poète artiste
dénomination
une forme
d’incarcération

un être humain
est artiste poète créateur
et toujours con
bien plus que la lune

c’est l’automne
la poésie vole
c’est écrit partout
dans les cahiers d’école

la poésie
poudre de craie écrasée
auréole d’encre crotte de nez
a des tâches de rousseur
sur le cul et sur le cœur

la poésie il y en a qui l’écrivent
d’autres la peignent
en font des films
des sculptures
des musiques

d’autres n’en font rien
la dégustent simplement

la plupart oublient de la vivre




 


Dans l’intimité des labours
les anges font parfois
un bruit de succion

le pas lourd des chevaux d’hiver
aux naseaux fumants
la boue collante
le rire glaçant des corvidés
enroulés d’oripeaux de brume

faire corps avec le gel
le tambour qui bat sous la terre
apprécier l’étreinte

même la lenteur
est une danse




 



M’accorder au rythme ou trouver comment
le rythme nous accorde
sonner
résonner
vibrer juste

la musique n’est pas que mathématique
le ronronnement lointain d’un avion
fait parfois des harmoniques à mon âme

L’échelle des sons
nous pouvons y grimper
y descendre

elle mène là où les sons se rejoignent

trouver des terrains d’alliance
des morceaux tendres dans la chair des habitudes
des ligaments plus souples, des muscles de chat

respirer toujours
nous y pensons si peu
réapprendre

faire glisser une danse
s’ajuster
trouver l’espace
la juste distance




 


Ici le pays est caillasse
la terre rare et pauvre
n’y retient pas la pluie

le soleil y polit ses os
le sang  se calcifie
le cœur ralentit
la parole s’épuise

le regard se creuse pour accueillir
ce que les mains ne savent retenir

ici pourtant en ce sobre écrin
le ver encore luisant
voit fleurir l’orchidée rare

au pied des chênes
des diamants noirs
dorment en rond
se dressent soudain
mégalithes plus anciennes
que la mémoire

dans les souches les murets
vivent des créatures cachées
peut-être des gnomes
ou bien des fées
des êtres de sève
et de lune

ici les amis finissent à poils
ou à plumes
et on se surprend
à parler aux herbes




Façon naturelle d’être, le hamac est une philosophie.
Les oiseaux s’approchent, son balancement est en harmonie avec la terre.

Je ne parle pas parce que j’ai été muselée il y a si longtemps.
J’écris parce que je suis en prison, il n’y a rien de grand ni de beau là-dedans.
Il n’y a qu’une nécessité impérieuse, irrépressible.

Fou : un sage en devenir ?

Sage : toujours en danger de devenir fou.






Le son mat du bec sur le bois cherche pitance.

L’enfant dort et les chênes pleurent ou jouissent,
petites gouttes sur mon visage.

Même la fatigue est douce avec des reflets d’ambre.

Sont sortis de terre, les crocus en robe mauve.
Ont-ils ce parfum aujourd’hui amer de safran ?

L’épice du Quercy n’a pas la chaleur de ma petite Espagne.




Octobre,
il fait chaud
quel bonheur !

je marche tête basse
pour mieux voir les formes
éclats morceaux de calcaire

je marche tête basse
pour débusquer la beauté
d’une racine
d’une branche tombée

je marche tête basse
pour ne pas écraser
la fleur l’insecte

quand vient le soir
je lève la tête
pour boire
au couchant

quand vient la nuit
je lève la tête
pour m’enivrer
d’un vin d’étoiles

*


Je suis une Indienne
le saviez-vous ?
parce qu’indien
signifie humain

je suis de ceux qui veulent
stopper le monde
et simplement vivre
vibrer créer
pétrir la beauté
en faire du pain
remercier l’eau
avoir un orgasme de terre

deux lutins gambadent
dans le champ de ma vision
ils sont des trésors
d’enseignement

mais nous
que pouvons-nous
leur apprendre ?



Donner forme

et la vie viendra
s’installer

imaginer la lumière
et en avoir les yeux brûlés

le poète ne regarde pas le soleil
il regarde ce que le soleil éclaire


Cette nuit
un arbre
s’est taillé les veines

qui sait combien d’arbres
se suicident chaque nuit ?


**************



textes et photos

Cathy Garcia
janvier 2009


Créé le 1 mars 2002

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