|
Suite de flocons
...
par Gertrude Millaire
|

"Mon
pays ce n'est pas un pays, c'est l'envers
D'un pays qui
n'était ni pays ni patrie
Ma chanson ce n'est
pas une chanson, c'est ma vie
C'est pour toi que je
veux posséder mes hivers"
Gilles
Vigneault
Malgré
tous ces hivers, je ne sais pas encore entendre dans les cristaux, le
cri du poème en cavale dans le givré de nos attentes.
Trop
de blanc,
trop de lumière. Un silence trop cru peut-être.
On
assemble
les morceaux mais toujours les contours de notre liberté
débordent du paysage; reste toujours quelques tempêtes
indomptées à apprivoiser.
Malgré
tous ces hivers, je ne sais pas encore prendre le pouls du vent en
avance sur nos pas. Le craquement de nos engelures ouvre une faille
dans le glacier de nos incertitudes.
Comme ces
glaces à la dérive,
notre identité ballotte d’un océan à l’autre
Sortir
sa langue devient parfois un geste de bravoure
quand elle se
colle aux frimas des parois de rives étrangères.
|
Des heures et des heures
à regarder la mer avec ses reflets dansants, jouant de ses
humeurs à chaque flux et reflux comme pour nous forcer à
l'écoute.
Comme si sa plainte donnait tout son sens à la simplicité
de vivre sans chercher à comprendre ni retenir ce peu qui nous
relie au squelette de notre dérive.
Des heures et des heures perdues dans l'inconscience de notre
réalité qui ne font que couvrir nos silences devenus
sourds à cause des marées qui traversent nos mains
muettes.
|
Tout
l’univers chancelle. Je ne sens plus cette douceur dans la paume de nos
conversations. Le vent a tourné et la terre a fait demi-tour.
Elle ne sait plus prendre l’odeur de nos rires au creux de son
épaule et rien d’hier n’est resté comme si le feu avait
rasé nos mémoires. Le geste ne sait plus comment s’ouvrir
et les mots ont pris une teinte cendrée..
Elle ne sait plus prendre le pouls, les pulsions battent trop fort
à la tempe de nos silences. Peut-être dans quelques
siècles en creusant dans nos susceptibilités,
trouverons-nous des graffitis en langage crypté sur la paroi de
nos amours mortes.
|
à ma
mère
Mémoire
d'automne
Il y a longtemps, très longtemps
enfin , à peine quelques temps
quelques jours à peine
hier peut-être
détraquée
l'horloge a perdu ses heures
les années ont glissé
hors du temps
mais toujours cet instant est
resté
comme un instant démesuré
bruit de porcelaine
brisée
contre l'infinie muraille rongée
par les mythes trop lourds
les aiguilles coïncées
dans une maille comme une faille
dans la peau du temps.
emportés ses
secrets
jaunis sous l'attente trompée
trop pâle étoile
d'une galaxie affolée
à jamais enfuie
sous une terre frileuse de novembre
|
J’essaie
juste de comprendre le monde
Comprendre sa façon de ne pas voir les choses
Sa façon insensée de faire les choses à ne pas
faire
Cette manie qu’il a le monde de tout défaire et refaire
Comme si la vie était un édredon tricoté et que
chacun peut faire et refaire à volonté.
Oui j’essaie de comprendre le monde
Comprendre sa façon d’avancer en reculant
Cette manie qu’il a le monde de toujours vouloir revenir à la
case départ
Cette façon d’aller nulle part en courant du soir au matin
Comme si la vie avait deux sens : le passé et l’avenir
mais la vie est à sens unique… l’unique instant du présent.
|
“Je suis l’après d’un rêve
Tombé d’un cœur”
C.Beausoleil

textes
et photos
Gertrude Millaire
mars 2008
|
|