Le Salon de lecture

 

Des textes des membres de l'équipe ou invités surgis aux hasard de nos rencontres...







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Poèmes
de
Serge Maisonnier





Un désert sans pierre, le silence, tel du sable infini qui ronge les palindromes de nos concupiscences. La poésie comateuse ne mourra pas. A l’aide de quelques conglomérats fluidiques elle coule dans les veines de certains hurluberlus effarés et compulsifs. Même ébréchés nos désirs sauront revivifier le lyrisme des félibres provençaux. Nous sommes encore des routes chiffrées de l’anneau précurseur, des oscillations verbales condamnées au subterfuge. Nos fétiches ont l’innocence de quelques égouttures d’imagination.


           
par temps d’angoisse
qui noue le cœur
l’écriture se fait trébuchante
        
un mot, pourtant, au charme effervescent
suffit à désaltérer
ce feu qui inonde
               
et le poème nous tient la main
sur une route d’acacias et de raisins







Les poètes, clowns tristes, trop lucides et désabusés passent leur temps à engendrer l’illusion échappée de leur imagination quasi oraculaire qu’agrémente un tonneau sans fond de métaphores. Quand quelques-uns trempent leur écriture de miscellanées marmoréennes d’autres optent pour des cœurs écaillés qu’angoissent des caillots de matière.

Tous dépècent la chair du rêve pour l’opacité du leurre.

 


La poésie comme un monde perdu charrie encore son limon de rognures allégoriques. Cette étrange écriture verdunisée au chlore de l’astreinte dissout l’entendement pour une cure esthétique. L’injonction au tangible n’est pas de mise, sa grande sœur la prose occupe déjà le terrain. Une embrasure d’apparences lui convient mieux d’où jaillissent des pépites fragmentées de copeaux lyriques. Ses brefs coups de marteau disloquent le subtil et patient agencement prosaïque dans un combat à la Pyrrhus où l’évidence s’effiloche.
Le réel est une métaphore asthmatique que la poésie révèle.









les kalanchoës rougissent
les neiges de ma mémoire
         
dans mes pensées
pleine de boue amarante
il pleut des accidents d’orage
               
le poème ensemence les chènevières
et tisonne la dislocation fructifiante
         
dans le silence de l’écriture
gronde le souffle du vent
            
écrire pour mieux disparaître




Ce n’est qu’un caprice incohérent de la solitude, cette absence qui corrode jusqu’aux petits riens de l’instant. J’écris pour t’appartenir au lointain demeuré. J’écris pour décevoir l’attente de la nuit granitique quand vaciller n’est plus possible. Nul mépris d’un empyrée d’ailleurs vide mais son souffle qui taraude ma raison. J’écris pour leurrer la folie embusquée derrière les mots même si les œstres nous survivront.

Compulsion emphatique d’épithètes bourdonnantes pour exciter le non sens.








Le poète est le mécréant qui colore l’horizon.

Comme si le mal trouvait toujours sa punition, comme si la mort elle-même n’était pas qu’un anéantissement.

J’ai tes mains d’autrefois dans les yeux quand elles dessinaient l’arbre de Jessé en sculptant le ciel.

O narcissique écriture tu n’en as pas fini de grignoter le renoncement. Ton despotisme est un ventre énorme qui prend racine dans l’illusion.

Vivement le givre glacé d’hiver !



 
le crissement rauque du violoncelle
s’insinue dans mes veines

un soir où le désir de poussière
griffe les schistes de l’âme

j’écris parmi les étreintes du givre
pour entamer l’apathie
des souvenirs indolents

  pour détacher
 quelques ételles arides
 de tes lèvres affamées

  j’écris pour atteindre tes yeux
  et t’astreindre à dire oui




Je fredonne la bruine sur du papier vélin écru pour ourler la cicatrice de l’ennui. Cette blessure au point du jour qui ne s’estompe que dans le vide il faudrait l’étouper à la chaux.

Au travers du givre transpirant je vois tes yeux diaphanes, éteints, qui m’offrent quelques copeaux de souvenirs alanguis.
Le froid pénètre ma mémoire. Et si la page se refermait pour abuser le sablier du temps kleptomane ?




comment le poète meurt-il ?
ombre qui traverse le canevas
de la pâte vivante
figée pour toujours dans le tenace

altérité brinquebalante
offerte comme une parole nue

 chirurgien du sens
 qui répare la brisure de l’être
 tu t’éloignes toi aussi





illustrations: Gomes
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Serge Maisonnier


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SEPTEMBRE 2009


Créé le 1 mars 2002

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