SALON DE
LECTURE - MAI 2016
Poèmes
en regard :
Silvia MAJERSKA & Alena MEAS
Silvia MAJERSKA
(Alena Meas,
Résonances V. "eau vive" 2014, huile sur toile)
Vent
Personne
ne s’intéresse
À ce que ressent le vent
Sauf peut-être
Les marins avec leurs voiles
Enflées comme des sous-vetêments féminins
Il se peut finalement
Que ma peur aussi
Servira un jour
À quelque chose
Bouches
Si
j’avais deux bouches
Je parlerais peut-être une langue à trois dimensions
Peut-être que je saurais prédire l’avenir
Ou lire dans tes pensées
Et même calculer à haute voix
L’écart entre un carré et un cube
De Pandore
Pression
Les
nouveau-nés augmentent la température du monde
Même les pleurs sont plus chauds que les livres
Mais la somme des mots écrits n’est plus négligeable
Depuis l’invention de l’écriture
D’autant plus que l’on n’écrit pas tous les mots
À la même vitesse et avec la même pression
Sagesse
Le
squelette, mon frère intérieur, est parmi tous mes
frères le plus sage
Il a compris que nous vivons tous sous un seul toit
Et même les maisons mitoyennes dans notre rue ne l’ont pas
dérouté
Air
Même
si on pouvait respirer dans le vide, on ne pourrait certainement pas
voler, ni même parler.
On se croit intelligent, et pourtant on doit tout à l'air, cette
chose invisible et impalpable sans odeur et sans goût qui se
répand à travers le bleu de l’œil céleste comme
une sorte d’immémorial internet du monde.
&
...et Alena MEAS
Alena
Meas, La mer, monotype 2015 (extrait)
Où vont-ils; ces
bateaux
Où vont-ils, ces bateaux amarrés sur
les quais,
Où vont-ils par la nuit ?
A peine, dans la pluie, se tiennent sur les vagues
Noires, plus noires que les sillons que l’éclipse
Engendre dans nos songes.
Où vont-ils, ces coques fêlées, raides carcasses,
Nos navires assassinés,
Où vont-ils, seuls, sur les flots fortuits de la nuit
Par ce temps belliqueux ?
Casse l’os
Casse
l’os pour en extirper la lumière
Tes os ton minerai en gisement
Debout
Ne t’incline pas devant ton devoir
De puiser dans la lueur de ta moelle !
La neige
La neige
est tombée toute la nuit
Dans notre lit, sur nos corps, sur la progéniture.
Elle est froide dans mes mains
Qui creusent et gèlent sans répit.
A l’aube, je ne trouve que tes os,
Blanc et froids comme elle.
*
La neige séparée du sol ne se soucie pas de
l’éternité.
*
Rage de la neige, colère des dieux enfouis.
Toujours la même inconstance. L’accroissement de l’entropie.
L’oreille malade
L’oreille
malade ne sait pas
Où se tourner pour retrouver ses sons.
Comme toi, elle désire
L’entente, l’harmonie,
Ne pas avoir mal.
Comme toi, elle se fourvoie dans le bruit.
A l’insu de l’ouïe, ses sons la suivent
Des tintements familiers, jusqu’à ce que
Soudain, elle s’arrête sur le seuil.
Au-delà, nul son ne se déverse dans son tampon souffrant,
A genoux, elle prit pour le secret de la surdité.
(Extraits
du recueil inédit Cahier pour Sylvia)
Née
en 1984 en Slovaquie, Silvia Majerska a soutenu une
thèse en sémiotique sur le langage figuré à
la Sorbonne et à l'Université Comenius de Bratislava.
Elle est auteur d'articles universitaires et traductrice de la
poésie française en langue slovaque. Elle a
contribué à plusieurs revues en France (La
Traductière, Averse, Poésie en Sorbonne, Place de la
Sorbonne) et en Slovaquie. Elle vit et travaille à Paris.
Alena Meas, poète, nouvelliste et
artiste plasticienne d’origine tchèque qui voit et travaille en
région parisienne, a été plusieurs fois
présente à Francopolis (Voir aussi Créaphonie -
octobre 2015)
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Salon de
lecture
SILVIA MAJERSKA & ALENA MEAS
recherche Dana Shishmanian
mai 2016
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