Le Salon de lecture

 

Des textes des membres de l'équipe ou invités surgis aux hasard de nos rencontres...







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Poussetontraino ( Noel )






       Et voilà ! Ça c’est le truc qui me rend complètement fou.

Le moment où, arrivé au supermarché je me rends compte que je ne sais pas où se trouve ma liste de course. Cette feuille de bristol à petits carreaux vert pale cartonné que j’ai décroché des autres juste avant de partir.

Je me rappelle bien , l’avoir fait glisser de la pince à linge du support mural de condiments , non sans avoir recadré toutes ses autres fiches bristols vert pales consoeurs . Mais là, où s’est elle cachée ?

Je me rappelle tout d’elle, la texture de sa peau, le son qu’elle fit quand elle se plia sous mes doigts, puis, son regard quand je m’approchais…

 J’ai en horreur l’idée qu’elle soit seule, qu’elle ait peur ,nous qui avons déjà tant partagé … ces moments où l’appréhension de manquer de café , de chapelure s’estompait quand elle s’écrivait si bien, sans crisser un instant.

 Nous qui avons tant ri lorsque nous avons vu ensemble que les cornichons et les concombres se suivaient comme des enfants précédant leurs mamans.

 Puis que dire de son désir de séduction quand elle me proposa un jour, au détour d’un regard l’air de rien, de n’acheter que des articles en c pour qu’elle ne me paraisse jamais négligée.
Oui, ainsi tout les c se retrouvaient convenablement  alignées sur la ligne verticale du deuxième petit carreau, ce qui convenait parfaitement à ma cuisine, elle si coquette et soucieuse de le rester (nous en avons parlé ensemble justement hier soir). Cela scella entre nous trois un grand moment d’harmonie…

Où est elle ? Veut elle éprouver mon attachement ? Ressentir ma souffrance de tant de négligence ? Moi, qui d’habitude  la cale avec soin dans le coin de mon cabas calé dans mon caddy, qui la sait là, me rassurant de sa présence.

Entre nous  ces mots que sont cidre crêpes crevettes carottes choux canards comté crépinette camembert champignon ciboulette chocolat croquettes de chat cacahouetes confiture de coings côtelettes sont autant de promesses d’amour dont les c alignés sont des parenthèses  jamais fermées… des horizons ouverts …

On pourrait me dire : mais tu n’en a pas besoin, tu prends toujours les mêmes produits, méthodiquement et  chronologiquement selon ton rituel parcours dans l’hypermarché … vous ne pouvez pas comprendre….pas saisir les concessions mutuelles qui m’ont fait renoncer au pepsi pour le coca, qui la laisse des journées entières dans la cuisine à m’attendre, sans jamais un reproche ...

Chaque semaine , c’est comme si nous réécrivions notre histoire , l’exaltation  d’un territoire vierge où tout renaît , savoir alterner les différentes couleurs de stylos bille pour se surprendre , et dés fois , soyons fous , se saisir d’une plume et d’un encrier pour nous rapprocher …  nous rapprocher de  l’extase du samedi aprèm …

Je vous le dis discrètement, je ne l’oublierais pas, main sur le cœur …… oooohhhhh, mais j’y croooiiiiiis paaaaaas …. Dans la poche de ma chemise, bien lovée contre moi, comme un papillon blessé, fragile, à ma merci d’un oubli dans la machine à laver.

Ah au fait, la machine à laver dans le cellier près du frigo, quand j’y repense …


 quelle salope !!!


.





Je suis saisi par l’embarras.

 L’autre soir, rentrant chez moi et gêné par le soleil couchant, je me suis saisit des lunettes de soleil que mon collègue avait laissé là .
Les rayons passés, je les remontèrent dans mes cheveux, bien mal m’en a pris car jamais, jamais, je n’ai pu les retrouver …

Un bruissement léger dans mes mèches aurait du m’alerter, surtout qu’il fut suivi  d’un petit débattement désordonné (sans doute une branche réclamait désespérément de l’aide) mais après …
 
         Plus rien …. aucune traces de vie …

 
Puis que dire sur le fait que je me sens obligé de geindre perpétuellement me donnant l’excuse d’une sale migraine puisque ma main gauche y est également emprisonnée…

De plus ma femme me demande si c’est une nouvelle excentricité de ma part coté coiffure d’avoir ce fil électrique et sa fiche mâle qui pend sur le coté.
Je ne pourrais pas cacher éternellement la disparition du séchoir …

Et si vous saviez les efforts de persuasion que j’ai du déployer pour lui expliquer qu’il était plus tendance de circuler en décapotable en plein hiver.
Oui, puisqu’un jour je suis rentré dans ma camionnette sans me baisser assez (ce qui fut fatal et emporta tout de go , toit, galerie, échelles et escabeaux).

Sans vous vous parlez de l’effroi ressenti lorsque derrière une file d’une dizaine de personnes à la boulangerie, quelqu’un m’appela dans mon dos. Je me retournais et aussitôt la vendeuse me clama :
" Bonjour monsieur, c’est à vous "  …

Depuis, entre nous, je rase les murs (mais pas trop, volets volés m’oblige).

Il va me falloir choisir dans l’urgence, la taille ou l’écobuage, car comprenez moi, mon appréhension est que lentement, dangereusement, sur moi  mes cheveux retombent …







J’aurais du m’en douter…


Le fameux jour où ils sont tous arrivés
avec leurs tours en fer , leurs caméras en armes ,
leur porte voix à fond , leur regards arrogants ,
le jour où la mémé était absente .

Ils ont monté une régie dans son grenier,
ils ont jeté les clés, les dés aussi ...

La mémé rentrée, l’émission put commencer.
 
Ainsi chaque soir à 18h30,
zoom, travelling , gros plan sur la misère ,
spectacle édifiant sur la solitude.
Voyez, messieurs , mesdames ce qui arrive , 
quand tout et tous vous abandonnent ...

C’est tant banal que ça en est de l’art ,
s’écrie en cœur l’intelligentsia happée ,
même le foot au comptoir des bistrots ,
laisse place aux journées de la mémé …

Pour mettre un peu de piment dans l’émission
ils ont trouvé un neveu , lointain aïeul,
en mal de spot light pour éclairer sa vie ,
il raconta en quelques mots vendeurs :

Pourquoi et comment elle n’avait pas eu d’enfants,
que les vieux  la disaient pas farouche ,
 que les sous bois tremblaient les soirs de bals  ,
qu’un jour elle fut enceinte , on ne sait comment ,
que le bébé fut mort né bizarrement …

De suite après, je les aie vus installer
une plaque en plexiglas où c’était gravé,
ceci pour les touristes accourus de France.

Vraiment dingue tout se qui peut se dire
à propos de quelqu’un sans importance .

C’est un scandale, je me dis chaque soir,
au fond du canapé, whisky glace en main,
mais c’est intéressant … euh … sociologiquement .

Jusqu'à quand ça va durer ?  Disent des gens,
suspendus à un col du fémur, une glissade,
une mauvaise grippe, une diarrhée mal soignée,

Soucieux de maintenir l’audience,
les producteurs, la chaîne , les sponsors,
décidèrent d’enfin planifier la fin .

Fut organisé par SMS pas cher,
des paris sur la mort de la grand-mère.
L’heureux gagnant pour un simple appel,
 gagne une année sabbatique au soleil,
et , quelle chance ... un passage à la télé .

Dans toute la France, les home cinémas
guettèrent, l’ombre d’un dernier souffle.
 
Jusqu’au soir, en plein prime time,
la mémé libera l’antenne à jamais,
sa disparition fut homologuée par deux huissiers  …

Le monde est minuscule, voyez vous ,
car un des deux gagnant était, c’est dingue ,
Son livreur de lait qui passait tout les jours …

Les français éplorés furent rassurés,
des dvd best-of sortiront demain.

Mais ce n’est pas tout !
 pour nous la vie continue.

C’est une chance d’être en spectacle.
 
Postulez mairies , maison de retraites ,
publicité gratuite pour le gagnant .

Bientôt de nouveau sur vos écrans
    vie et mort des mémés ,  saison 5 …

Il m’arrive de passer à juste à coté ,
de cette vieille maison devenue musée ,
dont je connais les moindres coins ,via mon écran .

Quand je rentre chez moi, un peu après .

Là, tout au fond, au fond du canapé …

Un whisky glace à la main ……


je pleure …







Mes jambes pendaient
par dessus la chaise
 métronomes incertains ,
sans envie , je regardais …

cette purée tiède  ,
où survivait du jambon
  lambeaux de corps ?
d’un naufrage ? d’un radeau ?


" MAIS MANGE  !!!
 QU'EST-CE QUE TU ATTENDS ?
ça fait grandir !"


je n’étais pas convaincu ,
je ne voyais là rien de magique …

juste une assiette trop grande
se remplissant par dessous …


un gros mensonge  …


j’ai tout mangé ,
je n’ai jamais grandi …




Mes jambes pendaient,
s’amputaient lentement ,
du frottement de la toile ,
cirée, pendante , rouge sang …

c’était un adversaire impressionnant ,
aux cicatrices visibles , profondes ,
d’avoir combattu mille couteaux
tant cruels , avec les saucissons …


" MAIS MANGE  !!!
 A QUOI TU RÊVES ?
on ne va pas y passer toute la vie ! "


 (c’était une diversion parentale ,
sensé me faire perdre mon invisible combat) .

alors … je serrais mes genoux
espérant me remettre debout ….
bientôt

je pense me mentir souvent ….

quand je me dis :

bientôt …
je me réveillerais …     








Je lui ai dis que …

J’étais un agent  secret,
ma cicatrice au poignet
 cachait un petit micro
pour joindre l’organisation …

C’est un secret entre nous,
il a pour mission
de repérer le tueur
lancé à mes trousses.

( il s’agit de  Johnny Clegg ,dit l’embrouille , il est grand , cheveux blond hirsutes et frisés , lunettes de mouche , pantalon écossais , veste rouge)

Je lui ai dis que …

Quand je passe l’aspirateur 
la voisine se colle au plafond ,
que la chasse d’eau se déversait  
dans sa chambre d’en dessous ...

Il croit que …

Les voitures ont des yeux …
Les avions des ailes …
Les pierres de lune se raccrochent la nuit …
Il a croisé les enfants de Mary Poppins ,

Il va chercher en lui très loin ,
 les choses que le temps oublie .

Il part en courant faire pipi
et se retrouve … dans sa chambre …

Sur la pointe des pieds, et des nuages …
Il s’élève … mais dans les demi-tours,
s’étale, dés fois au milieu du salon …

Mon petit prince charmant …

Bonjour monsieur le soleil , bien dormi ?
que le nuage s’en aille,
sinon, je le bois avec ma paille ( Léo 4 ans )







 

texte
Poussetontraino ( Noel )

Photos
Sarah Said Ali (son blog)
avril 2009


Créé le 1 mars 2002

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