Le Salon de lecture

 

Des textes des membres de l'équipe ou invités surgis aux hasard de nos rencontres...







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Emmanuel Rastouil

Poème de l'homme



copyright création Emmanuel Rastouil



LA NAISSANCE


Je n’ai nul souvenir de mon tout premier cri.
Ne reste à ma raison qu’une vague lumière,
Un doux contentement et les bras de ma mère
Serrant contre son cœur son bel enfant chéri.

Je n’ai nul souvenir d’un destin qui s’écrit
Avec des mots de sang, de fureur, de colère,
Je fus longtemps caché dans l’éden éphémère
Au creux de mes parents, dans un parfait abri.

Est-ce à dire qu’un jour on perd toute innocence ?
Est-ce à dire qu’un jour nos yeux s’ouvrent vraiment
Sur l’âpreté du monde et sa sourde démence ?

Si je courbe le dos, tout mon être s’afflige,
Le poids des jours, alors, n’est qu’avilissement.
Mais je dresse le cou, la vie est un prodige !




copyright Peinture Louis Janmot


LE TOIT PATERNEL


La chambre était si froide, on restait au salon,
Cherchant le meilleur coin pour être près du poêle
Et voir sur l’écran noir une vie idéale
Nous rappeler toujours que le temps était long.

Lors, nous voulions brûler cette attente de plomb,
Ma grande sœur et moi, par la route royale,
Sûrs que l’éternité déjà tombait son voile
Et nous ouvrait les bras sur l’air d’un violon.

Nous étions bien conscients qu’au sein de la famille
Nos deux cœurs se forgeaient comme un mort qu’on habille
Avant son jugement, pour l’approcher de Dieu.

Le difficile choix devant l’attrait du monde
Nous fit quitter très tôt le nid sans un adieu,
Pour nous perdre, naïfs, dans la funeste ronde.        




copyright Peinture Louis Janmot


ADOLESCENCE


Laissez l’adolescent dans son rêve idéal !
Laissez son cœur naïf et son insouciance
S’ouvrir en jeune fleur ; lys, rose, impatiens…
Il est fier, il est beau dans son destin royal !

Sa quête de l’amour est un projet vital
Pourtant il ne veut pas troubler sa conscience,
Lors, il feint d’être heureux, pratique la science
Du parfait contenté, sans défauts ni rival.

La fille en liberté laisse luire une flamme
Impudique et charnelle en son dessin de femme,
Le garçon la perçoit dans de puissants désirs…

Mais, lorsque vient le soir, c’est tout son corps qui pleure,
Dans un grand tourbillon de honte et de plaisirs.
La nuit l’endort enfin… Ce songe est-il un leurre ?




L’ECHELLE D’OR

En méditant, parfois, le jeune homme discerne
Que pratiquer les arts aide à le transformer,
Comme le fer en or, pour pouvoir exprimer
L’amour, la liberté que le divin décerne.

La poésie invite et la peinture cerne,
La nature en musique œuvre à le sublimer,
L’architecture assoit ses séjours pour l’aimer
Et la philosophie offre un discours moderne.

Comment puis-je employer mon fugace destin
A défendre son nom dans ce monde incertain ?
Quel travail accomplir ? Quel sera mon langage ?

Le garçon dort heureux, sans doute est-il béni !
Entouré d’esprit saint, c’est serein qu’il s’engage
Sur le chemin de l’homme au parfum d’infini.




copyright Peinture Thierry Loulé


LES AMES SOEURS

L'amour nous a liés comme deux âmes sœurs
Prêtes à surmonter le meilleur et le pire
(Pour nos esprits naïfs, le rêve peut suffire
A combler nos futurs de milliers de douceurs...).

Mais c'était sans compter sur tous les agresseurs
Qui rodent alentour dans le but de détruire
La flamme de l'amour dès lors qu'elle respire !
Beaucoup de « bons amis » se changent en censeurs...

Faut-il fermer les yeux pour rester dans la ronde ?
Que seraient nos ébats sans l'emprise du monde ?
Quel prix doit-on payer pour être aimé des siens ?

Le garçon déchanta, saisi par l'évidence :
L'existence est offerte au chant des musiciens
Que si l'homme est épris d'une fiévreuse danse.




copyright photo Emmanuel Rastouil


LE DEVOIR


Quand le devoir s’oppose à toute liberté,
Dans la verte froideur de son discours critique,
C’est qu’il s’attache à mettre un cœur mélancolique
Sur le rail vertueux d’une autre vérité.

Pourvu que l’avenir puisse un jour attester
Du bien fondé de lois, de justice et d’éthique,
Que l’homme sage adresse aux siens dans sa supplique,
Certain que le disciple aura su méditer !

Car l’on veut le meilleur pour tous ceux que l’on aime !
Et nos vœux sont autant de graines que l’on sème
Dans les sillons d’un cœur que les oiseaux convoitent.

Aussi, je vous supplie à genoux, Ô mes fils !
Gardez jalousement ces trésors qui miroitent
Comme de beaux joyaux. Je les offre gratis !




copyright photo Emmanuel Rastouil


L’IDEAL


Comment puis-je approcher de mon rêve idéal
S’il n’est pas garanti par la faveur divine ?
Car si je cherche en moi, sans détours, je devine
Un attrait partagé pour le bien et le mal.

Laisserai-je échapper un langage immoral,
L’appel matérialiste au bord de la piscine ?
Chercherai-je, insistant, au fond d’un magazine
De quoi nourrir mes buts, mon bonheur capital ?

Puis-je planter un arbre au bord de ce système,
Espérer voir grandir ses branches sans problème
Et nier le chaos qui sourd dans mon quartier ?

Car ce schéma de vie aveuglant, éphémère,
Ne m’inspire au final que dégoût et pitié.
Chaque jour me résout à tuer la chimère.



ER (avril 2008)



LE DOUTE


Quand j’éteins la télé, que je tire leçons
De ma vie aujourd’hui, l’existence idéale
Qu’autrefois je rêvais, heureuse et familiale…
En suis-je satisfait de toutes les façons ?

Dois-je me contenter de n’avoir de frisson
Qu’au travers de tous ceux qui brûlent leur étoile
Devant les yeux du monde et sa piètre morale ?
Devrais-je aussi chanter leurs vulgaires chansons ?

Le désir est puissant de jeter en pâture
Arme, femme et enfants pour une autre posture
Au goût de liberté, dès que survient l’ennui.

Mais je connais le monde et sa folle influence
Ses rutilants trésors, son œil qui me séduit…
Céder à ses assauts serait une imprudence.


ER (avril 2008)


copyright Gregory Crewdson


LE DIVORCE


Je n’aurais jamais cru qu’un jour, sans foi ni force,
Je regarde partir celle qui tant aimée
M’avait offert sa vie. Aujourd’hui consumée,
Notre union se termine, hélas, par un divorce.

La rupture est terrible et pourtant je m’efforce
De garder avec moi l’image sublimée
De ton regard épris, de ta lèvre enflammée,
Même si la froideur entre nous se renforce.

Est-ce le poids du temps, la routine des jours,
La pression du monde ou la fin des amours
Qui jette aux quatre vents les bribes de nos rêves ?

Pourras-tu te garder de lâcher ton poison ?
Ton absence a déjà réveillé tant de fièvres ,
Je crains de ne pouvoir préserver ma raison…



L’ORGIE


Eloigné de mon Dieu, j’éprouverai le monde,
Baillant aux indiscrets, séduisant les pervers,
Dans un lieu de débauche où s’exhibe à travers
Sexe, alcool et fureur, les jeux de l’homme immonde.

Départi de ma foi, j’écrirai d’autres vers
Rassasiés d’hédonisme, attirant à la ronde
Un essaim de badauds, pour flatter ma faconde
Et m’asseoir, souverain, sur leur triste univers.

Combien me faudra-t-il de doute et de patience
Pour m’échapper enfin, ravaler ma conscience
Et goûter aux plaisirs, à l’amour sans effort ?

C’est le diable, assassin, qui tord les incrédules
Et leur intelligence, en menant à la mort
Les hommes dans l’orgie, aveuglés, funambules.




Images de Louis Janmot - Thierry Loulé - Gregory Crewdson - Emmanuel Rastouil
&
Textes
Emmanuel Rastouil

ses publications : NINA Lettres & Chansons" - Géhess éditions - 2008
                             
POPULAIRE" - Paroles d'auteurs éditions - 2007
                             
VIVANT" - Paroles d'auteurs éditions - 2007

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Salon de lecture
Francopolis Janvier 2010
recherche Julieta Guerreiro

Créé le 1 mars 2002

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