Le Salon de lecture Découverte d'auteurs au hasard
de nos rencontres |
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SALON DE LECTURE Mars-Avril 2022 Poètes pour
l’Ukraine « Sœurs et
frères d’Ukraine, mon cœur saigne pour vous… » « Poésie
du bien total, ne reste pas silencieuse ! » (*) Lyuba Yakimchuk, Marie Volta, Mykola Istyn, Marc Delouze, Wassyl Stus, Éric Dubois, Mireille Podchlebnik, Jeanne Gerval ARouff, Alix Lerman Enriquez, Maria Mailat, Éditions de Corlevour-Revue NUNC, Khal Torabully, Lambert Schlechter, Jean-Pierre
Lesieur, Michel Bénard, Michel Herland,
Vladimir Maïakovski. Photo de Dominique Zinenberg (mars 2022) |
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Lyuba YakimchukPrésentée par Marc Delouze (*) couteau
avec des proches nous partageons la table, avec les ennemis des tombes — rien que des tombes l’un d’eux venu partager une tombe avec moi me dit : - je suis plus grand que toi je suis plus dur que toi je suis plus fort que toi son couteau appuie son
couteau contre mon
ventre et dessous presse ce couteau presse comme un ressort mais il est plus petit que nous il est plus faible que nous car il n’a qu’un couteau et nous sommes plusieurs autour de la table et à chacun son
propre « mais » et à chacun sa propre part il me dit ma lame est la plus acérée ma lame est la plus solide pouf, pouf, pouf le mort ce sera toi bougez pas qu’ils disent
bougez pas on reste là autour de la table chacun avale sa balle à-même le canon on en sert une à l’ennemi, aussi Traduit par Marc Delouze à partir d’une traduction de
l’ukrainien en anglais par Svetlana Lavochkina comment j’ai tué
je reste en contact téléphonique avec ma famille mes communications avec toute ma famille sont sur écoutes sont curieux de savoir qui je préfère, maman ou papa ? ce qui fait pleurer grand-mère dans l’appareil ? intrigués comme toujours par ma sœur en guerre avec son
copain qui était aussi mon copain toutes mes communications sont des liens du sang mon sang est sur écoutes ils veulent connaitre le pourcentage d’Ukrainiens de Polonais, de Russes, s’il y a des Tziganes ils veulent savoir quelle part j’en donne, et à qui ils veulent savoir si c’est mon taux de glycémie ou bien le toit qui s’effondre sur moi et si on peut élever des frontières à partir des lambeaux des centaines de tombes ont été creusées entre moi et ma mère et je ne sais comment les enjamber des centaines d’obus de mortier volent entre moi et mon père et je ne peux les prendre pour des oiseaux les portes en fer d’un sous-sol, coincées par une pelle me séparent de ma sœur un écran de prières pend entre moi et ma grand-mère de minces murs soyeux étouffant les bruits, et je n’entends
rien c’est si facile de rester en contact par téléphone d’ajouter des minutes sur ma carte, nuits sans repos, Xanax ça doit être grisant d’écouter le sang de quelqu’un battre dans vos écouteurs tandis que mon sang se transforme en balle BANG! Traduit par Marc Delouze à partir d’une traduction de
l’ukrainien en anglais par Oksana Maksymchuk et Max Rosochinsky. (*) Lyuba Yakimchuk est poète, scénariste et auteure dramatique. Elle est née
en 1985 à Pervomaisk, dans la région de Luhansk et vit actuellement à Kyiv.
Son recueil Apricots of Donbas,
qui évoque la survie des gens en temps de guerre, a reçu aux États-Unis
l’International Poetic Award de la fondation Kovalev. La maison de ses
parents est dans le Donbass occupé. Sa deuxième maison est à Kiev où, après
avoir mis leur jeune fils en lieu sûr, elle revient avec son mari afin de
combattre l’agression. Nous remercions Marx Delouze
pour ce partage. Les deux poèmes sont parus également sur le site de la revue
Phoenix. |
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Marie
Volta
Sœurs et frères d’Ukraine, mon cœur saigne pour vous Toi qui nous accueillis dans ton petit hôtel fleuri Toi qui nous servis de grands verres ballon d’un vin rouge sucré Mon cœur saigne pour vous Vous qui vous bécotiez en sirotant une bière devant le Dniepr Vous qui manifestiez autour du jardin de l’Indépendance Mon cœur saigne pour vous Toi pour qui je chantai dans une église au fond d’un bois Toi qui nous en racontas l’histoire dans une langue inconnue que nous
avons comprise Mon cœur saigne pour vous Toi qui du haut de tes cinq ans m'offrais des dessins dans le train Toi avec qui je philosophai dans aucune langue commune et qui nous
invitas à venir prendre l’air des Carpates Mon cœur saigne pour vous Toi le militaire qui lors d’un refus de passage à la frontière Moldave et
d’un scandale kafkaïen orchestré par mon compagnon de voyage m’offris une
rose cueillie dans les parterres Toi l’employée des chemins de fer qui me poursuivis jusque dans le bus
pour savoir si je savais où dormir un premier août à Odessa Mon cœur saigne pour vous Toi qui me cédas ta place assise dans ce bus bondé où les hommes
dormaient sur des tabourets dans la travée centrale Toi qui de ton œil de mère veillas toute la nuit sur ma sérénité et mon
confort Mon cœur saigne pour vous Vous qui vous scandalisâtes quand la mafia transnistrienne nous racketta
à la frontière Toi qui nous ouvris ta douche après une longue nuit d’août dans le train Mon cœur saigne pour vous Toi la terre qui nous portas Fleuves d’Ukraine arbres d’Ukraine oiseaux d’Ukraine Mes pensées vont vers vous Et nous sommes là dans l’écho des obus et de votre courage Et nous sommes là à ne pouvoir vous épargner l’orage 27 février 2022 Photo de Mireille Podchlebnik |
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Mykola Istyn(*) Par les mondes qui se sont
couverts de paupières des yeux éteints d’enfants, et les villes qui ont disparu
sous les bombes, et leurs habitants qui se sont
assimilés à leurs maisons démolies et dont le sang coule comme un
fleuve, pour la poésie de ce peuple, vous êtes les guerriers de la
vérité, comme un bouclier et une épée en
feu vous luttez contre l’iniquité,
pour la liberté, et vous tous qui avez armé cette
armée de lumière, vous qui n’ont pas épargné de la
nourriture et du logement à ceux qui en avaient besoin, pour la victoire du bonheur et l’épanouissement de la vie, vous qui nous avez soutenus
comme vous pouviez, nous avez aidés comme vous
pouviez, vous qui avez propagé la parole
ukrainienne – merci, et gloire éternelle à
vous ! *** Dans notre ville c’est plus
calme que dans d’autres villes, ce n’est pas chaque jour qu’on
nous attaque avec des missiles, et il ne faut pas descendre à
l’abri chaque nuit, c’est pourquoi on accueille dans
notre maison les réfugiés de l’enfer de tirs
et d’explosions, une jeune femme tient son ange
de 5 ans par la main, son autre ange, de 2 ans, est
dans les bras de notre voisin, la femme porte un grand paquet
de doudous, d’où se montrent des chatons en
peluche, des lapins, des chevaux, (ils ont pris ce qu’ils avaient
de plus précieux) tous réfugiés de guerre. *** Aujourd’hui c’est mon jour de
service, je veille sur notre champs dont la terre réchauffée sourit
au printemps, au-dessus de moi des avions
volent comme des oiseaux de fer, je les observe pour voir si c’est l’ennemi et
si des visiteurs importuns avec leurs parachutes n’arrivent pas, mon chien est avec moi, j’appelle ma femme pour demander comment elles
vont, elle et notre fille, elle me répond qu’elles sont
dans un abri anti-aérien, qu’elles attendent que l’alerte
soit finie et je pense que pour qu’il n’y
ait pas de guerres, il faut fabriquer non pas les
balles, mais les produits paisibles de
la culture, et la poésie de l’évolution du
bonheur général est ma position principale, c’est pourquoi je défends la construction
de l’état principalement sur la base du
bien poétique ! *** Poésie du bien total, ne reste
pas silencieuse, car la guerre crie, mondes et univers enluminés de
poèmes, on ne pourra jamais couvrir
votre ciel fait de matières sublimes comme
une âme supérieure, haut comme l’éternité, car pour que soit le bonheur
total vous existez, univers futures, et si les gens croyaient en
poèmes du bien et la politique et l’économie
s’appuyaient plus sur la littérature humaniste, les systèmes et les humeurs
sociaux de toute la planète deviendraient vertueux, et la vie terrestre ne serait
pas dévalorisée par la mort, voilà la véritable centralité de
la poéticité capable de tout transformer en
bonheur et beauté qu’on a du
défendre déjà aux abords, au rez-de-chaussée des cultures, et je veux espérer que tout cela
est fait pour le développement des gens et des littératures… Traduit par Ella Yevtouchenko (*) Mykola Istyn est un
écrivain ukrainien. Il écrit de la poésie, de la prose et des essais. Il
habite et travaille à Ivano-Frankivsk (Ukraine). |
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Marc DelouzePhoto de Mireille Podchlebnik L’angoisse envahit la nuit
C’est la nuit. « Il est cinq
heures et je n’ai pas
sommeil ». Je lis Histoires de
la nuit de Laurent Mauvignier. Lecture en apnée. Pause radio. Poutine envahit
l’Ukraine. L’angoisse envahit
la nuit. La folie envahit
l’horizon, rase les arbres qui n’y sont pour rien. Le ciel tremble. La terre tremble. L’humanité tremble. Mes mains tremblent et lâchent la feuille de papier
qui tombe et va mourir sur ma poitrine de
papier. Fécamp, le 24 février, 05h30. Guerre des Feux
Il fait un temps à
faire chier du cuivre aux renards (Nazim Hikmet) La nuit
incandescente Le soleil à minuit
darde comme une bombe Dézinguant les
villes d’Ukraine Le jour incendié Un climat de folie
fond Sur la paresse
humaine La terre crame Sûr faudrait se
calmer Mais qui pour se
calmer ? Chars d’assaut d’un
côté De l’autre SUV L’humanité joue sa
survie à la roulette russe Le vivant est un
pari est un enjeu On joue à défier les
hasards meurtriers On joue aux plus
malins J’écoute les
nouvelles vieilles comme le monde les analyses à la
radio qui tremble comme une ampoule
qui grésille nuit après nuit et cette obstination
à écrire des poèmes inlassablement Chaque poème une
grenade de sable que la marée
dégoupille et efface en s’effaçant et malgré tout
lancer toujours lancer toujours toujours
lancer lancer balancer la grenade
de sable inlassablement Fécamp, 1er mars 2022, 07h30 (entre climat de
guerre et guerre du climat) Une voixDebout au bord d'un précipice / Courbé par la tristesse /
Soudain je réalise / Le monde entier n'est qu'un poème / En langue
ukrainienne. Leonid Kisselev [1] Et nous voici sans
voix Pourtant faut bien
qu’il en reste une s’échappant du
bunker du silence pour dire les
lumières qui s’éteignent les radios qui se
taisent les lits qui
refroidissent les frigos qui
pourrissent les autos ridicules les passants
invisibles les animaux
déboussolés une voix pour
chanter la sobriété fut-elle à ce point
malheureuse Il faut bien qu’il y
ait une voix la mienne ou bien la
tienne assez tenace pour
tenir tête au premier atome
venu comme un nuage en
embuscade au coin des nues/des
rues désertes [1] Poète ukrainien « Un Rimbaud kiévien, mort à l’âge de
22 ans, dans les années 1960 », cité par Andreï Dmitriev dans Le
Monde du vendredi 4 mars 2022. Fécamp, 5/6/7 mars 2022 |
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Wassyl StusPrésentation et traduction par Maria Mailat (*) Sur le Kahlenberg, la
nuit éteint son feu et les feuilles
d'automne s'éteignent sur le Kahlenberg. Mais j'ai oublié
depuis longtemps où se trouve le Kahlenberg, je ne le reconnaîtrai plus. S'il me reconnaissait,
je ne le sais pas. La nuit tombe, le moment des adieux me prend à la gorge. Et je sais, et je
sais, et je ne sais plus, si je suis vivant,
déjà mort ou en train de mourir. Autour de moi, aucun
feu, pas d’étincelle, pas de tonnerre. Mais tu planes comme un oiseau
au-dessus de l'absence de tête, au-dessus de notre absence commune de tête, au-dessus du monde
entier ... Pardonne-moi,
j'arrête, cela m'a échappé comme ça, en passant
... Si seulement tu savais
la douleur que tu es pour moi, aujourd'hui encore, je
sens tes mains lourdes de chagrin, et tes lèvres - amères
- presque salées - elles sentent bon jusqu’à ce jour, et
ton ombre, elle plane - un oiseau effrayant et sourd comme le sang
dans les artères, des rossignols salés,
leur coup de tonnerre. (*) Né en 1938, mort en détention en 1985, Wassyl Stus est un
des grands poètes ukrainiens, traducteur de Rilke et journaliste. Il a été
condamné au total à 23 ans de camps de détention, de travaux forcés et d'exil
parce qu'il a critiqué le régime soviétique. Son œuvre comprend cinq recueils
de poésie. |
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Éric Dubois
Les bruits de la
guerre sont hideux monstres de
métal aux rires assassins Qu'il est loin
désormais le temps de la
paix où l'oiseau sortait toujours vainqueur des nuées et des
brumes des bombes et des
sanglots 6 mars 2022 Photo de Mireille Podchlebnik |
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Mireille PodchlebnikLa guerre en Ukraine Comment ne pas être saisis de stupeur bouleversés par la guerre en Ukraine qui se déroule devant nos yeux de spectateurs devenus voyeurs et impuissants Comment ne pas ressentir la douleur et le désarroi des innocents qui ne demandaient qu'à vivre et se retrouvent brutalement pris en otage d'une folie guerrière que rien n'arrêtera Comment ne pas admirer le courage d'un homme qui seul avec son peuple se bat contre les moulins à vent Comment ne pas penser à chaque instant à ce pays et la ville de Kremenets qui fut le berceau de mes ancêtres assassinés une terre fertile Comment traverser le quotidien aborder le printemps sachant que la haine et le mensonge se reproduisent à l'infini 27 février 2022 Les arbres s'embourgeonnent, frêles
ramures enrobées de soleil. La vie fragile, qui oscille entre les nuages, l'emportera-t-elle? Le ciel bleu étale sa lumière, les
fleurs se parfument pour fêter la renaissance du printemps Sur la terre broyée d'Ukraine il pleut des cendres 19 mars 2022 |
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Jeanne Gerval ARouff
CALADIUM POUR LA PAIX !
Rêveurs sont les
poètes, dit-on. Inutiles à la
société – Aveugles à la réalité. Sens en éveil :
ils captent les trompettes du tombeur mégalomane assoiffé
des terres de ses frères Oh Ukraine ! Que de crimes à
lorgner tes terres ! De 20o Sud –
île-point perdue dans l’Océan Indien que sonne
l’appel : Rallier les îles de La Terre ! Que tombe
mégalomane-tombeur de ses frères : Rallier de La Terre
les îles ! Que sonne l’appel
vert-espoir du Caladium ! ©Jeanne Gerval ARouff Floréal,
Ile Maurice – Lundi 7 mars 2022, 13h13. |
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Alix Lerman EnriquezCri de guerre
La mer est là, l’aube rose s’étire sur ses sillons d’écume, sur ses vagues lisses comme le jour sevré d’étoiles. Des algues jonchent le sable, vestiges de marée haute qui poudroient comme des soleils pulvérisés qui mordent le ciel et la mer en même temps. Tout est calme, apaisé. L’eau danse, virevolte sereinement à mes pieds. Soudain, un cri atroce de mouette déchire l’été comme un cri de guerre dans le silence bleu, creusant un trou rouge dans l’échancrure du ciel. 8 mars 2022 |
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Maria Mailat
Marioupol, journal de mars 2022
Ici, le printemps
se heurte à la sécheresse du vent qui entrave le réveil des
fleurs. Les orchis casqués
au long cou ont les bourgeons chargés de rouille, mais regarde sur les
milliards d’écrans, regarde sans
comprendre comment les jeunes soldats tombent sous les missiles tirées à l’aveugle par leurs frères aussi jeune qu’eux, avant même que la vie puisse enflammer le printemps de leur vie. Rien ne remplit de
joie les femmes qui marchent vers nulle part, leurs cœurs
pétrifiés se pendent à l’anneau de Saturne, regarde cette marée de
femmes pressées autour de Clotho prostrée qui ne sait plus quelle histoire filer et quel train prendre en ce début de
mars fuyant une guerre grabataire, étirée jusqu’aux étoiles. Le silence se
couvre d’explosions, les images floues prolongent l’hiver au nord-est, là où la neige noire
de sang brûle et les flammes
rongent jusqu’à la moelle les peaux déchirées, là-bas, l’amour du
frère se brise sous les ruines fraichement nées, pendant que dans sa maison protégée, le maître du Kremlin fait
creuser une frontière de tombes. Cris mélangés à la
boue, notre espoir s’effondre avec les ponts bombardés et quel serait ce Messie arrivé d’un autre printemps, les bras chargés
de bourgeons, les plaies ouvertes, quel serait ce monde où la clameur des marcheurs exilés, proscrits dans
leur propre pays, pourrait mettre fin à la mort ordonnée par un seul russe,
maître de l’atome contre tous ? Le rossignol à Odessa
Dans l’œil du
rossignol, à Odessa, des larmes gelées. Le souffle sous la neige saigne sans abris. Avec le
déferlement des écrans, la guerre explose dans chaque maison, notre sang est contaminé de
ruines. Peut-être qu’une
partie de notre histoire gardera une étincelle d’espoir pour un tout autre (re)commencement, mais aujourd’hui, aujourd’hui dans sa cage, le rossignol est immolé. 15 mars 2022 |
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Éditions de Corlevour-Revue NUNCUkraine, pivot de l'Europe, éd. Corlevor (mars 2022, 15
€) Voir
aussi : la revue NUNC, n°s
50-51 : Dossier Ukraine, pivot de l'Europe
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Khal Torabully
« Tant qu'il y aura une aurore qui annonce le jour, un oiseau qui
se gonfle de chant, une fleur qui embaume l'air, un visage qui nous émeut,
une main qui esquisse un geste de tendresse, nous nous attarderons sur cette
terre si souvent dévastée. » François Cheng Photo de Khal Torabully, 27 février 2022 En cette journée mondiale de la poésie et en ces temps de
guerres, poème sur le silence des mots... Il est dédié aux enfants devenus
aphones devant notre aveuglement à partir au combat avec le même
entêtement... Feuille revenue aux temps, Suspendue au vent... Tel ce mot à la bouche de l'enfant Perdu au cri des mourants, Aux bottes des puissants. Demain est un revenant, Aux décombres de mots suppurants, Il oublie et nous apprend Qu'une guerre rôde, en suspens. L'être oscille entre la peur et le néant. Cependant, seul le silence comprend L'espoir revenu au seuil des océans. Ici, l'absence des mots conforte les malentendants, Donne une lumière aux non-voyants. Ici, entre Canaan et l'Afghanistan, Des voix s'éparpillent, du Yémen suppliant à Kiev ou à Tripoli sanguinolant. Entre l'olivier et le flamboyant, Le silence s'affiche, prévoyant, Entre le masque et le drone triomphant. Il annonce ce printemps Que l'enfant dessine en l'effaçant... ©Khal
Torabully, 21 mars 2022 |
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Lambert SchlechterCe sont des mots magiques, ce matin je me dis soudain, dis-je à
Lu Yu, ce sont des mots magiques : il fait chaud dans ma maison, il n’y
a pas de trous dans les murs, le cahier est posé sur le bureau, là où je l’ai
fermé hier soir, je n’ai qu’à le rouvrir, rite matinal, et sans gants de
laine, dans le vase étroit sept tulipes aux pétales rouges bordés de jaune,
les tulipes n’ont pas gelé, ce sont des mots magiques, dis-je à Lu Yu, il n’y
a pas de courant d’air dans la chambre, mes mots ne s’envolent pas, mes mots
se posent sans peser, mots légers sans importance pendant que tombent les
bombes, Rotterdam, Coventry, Hambourg, Dresde, Grosny, Aleppo, une poupée
désarticulée parmi les gravats, qui perd la sciure et la laine de copeaux de
son ventre, si on voyait le sang on s’alarmerait mais on ne voit pas le sang
et on ne s’alarme pas, ce n’est pas prévu dans l’ordre du jour, ça changerait
tout s’il y avait du sang sur le blanc de la page, inacceptable contraste,
nous existons tous à titre d’exception, toujours, chacun… 20 mars 2022 Je fais silence, dis-je à Lu Yu, des
fois que j’entendrais un élan qui crécelle quelque part dans mon système,
mais je n’entends rien, aucun élan n’a l’air de se manifester par son
caractéristique crécellement, au quatrième étage il y a un fauteuil rouge en
porte à faux qui risque de basculer d’un moment à l’autre dans le vide, parmi
les arbustes du boulevard béent des cratères, pas besoin de bèches et de
pelles pour enterrer les morts, on égalise la terre et on resème du gazon, en
attente d’un autre printemps, puisque c’est ce que les poètes nous font
miroiter depuis toujours, que nous vivons de printemps en printemps, et quand
refleurissent les cerisiers, ça nous fait des émotions, aujourd’hui,
regardant le ciel radieux et prometteur, je l’ai regardé avec méfiance, j’ai
regardé le ciel comme à travers des larmes, un peu flou, un peu traître dans
son silence, puis le fauteuil avec un fracas sourd s'écrase sur le trottoir. BILLETS POUR LU YU. Le Murmure du monde, vol. 15
(inédit) 21 mars 2022 Photo de
Mireille Podchlebnik |
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Jean-Pierre Lesieur
Connaître Mariopol
Je ne connaissais pas Mariopol je ne savais pas que c’était un
port sur la mer d’azov je ne savais pas que Poutine ne
l’aimait pas et voulait le rayer de la carte après avoir fait disparaître un
par un tous ses habitants toutes ses écoles tous ses théâtres tous ses commerces enfin tout ce qui était encore
debout au milieu d’un champ de ruines. Je ne connaissais pas Mariopol et je ne pourrai jamais la
connaitre elle est morte au chant d’honneur. 21 mars 2022 |
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Michel BénardMais qui sont
ces ignobles Fossoyeurs
des droits de l’homme, A propos de qui, de quoi, En fonction
de quel droit, Au nom de
quelle loi Brisent-ils
l’écho de nos voix, En raison de
quel pouvoir osent-ils Déclencher
une tragédie mondialisée. Mégalomanie
démesurée, Insoutenable
paranoïa Aveuglée des
fumées de la vanité. Mais qui sont
ces hommes Plus proches
du Léviathan Que de
l’apparence humaine, Nous
rapprochant de l’immonde. Aucune
guerre, aucune violence, N’ont de justes
raisons Sinon celle
de l’aliénation. Sur ce
linceul silencieux , Seul perce le
cri prédateur, Le ricanement
cynisme Sidérant
symbole du chaos. Mais qui sont
ces créatures Profanant le
sens même de la croix, Mais qui sont
ces hommes Sans nulle
compassion Pour leurs
frères de sang Portant la
mort au fond du regard. ©Michel Bénard, 30 mars 2022 Photo de Mireille Podchlebnik |
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Michel Herland
À nous pauvres humains
(Guerres et
pandémies) La suite sans fin
des massacres et des guerres tant de corps
amoncelés partout sur la terre Les rois d’antan
censés guérir les écrouelles préféraient
chevaucher et chasser les rebelles Jusqu’au bout du
monde triomphe la violence Ceux qui fuient
les combats cheminent en silence pleurant leurs
proches laissés dans une tombe ils entendent
encore le fracas des bombes Comment calmer
l’inquiétude d’une mère restée sans
nouvelle de ses fils ou du père (…) ©Michel Herland, 31 mars 2022 Pour l’intégralité
de ce poème, voir notre rubrique Gueule de mots
dans ce même numéro. |
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Vladimir MaïakovskiNotre dette envers
l’Ukraine
Connaissez-vous la nuit ukrainienne ? Que
non ! La fumée teint son ciel d'un noir étanche. Incrustées dedans en guise de blason, Des étoiles à cinq branches. Là où la setch
zaporogue bouilonnait De horilka, de sang, de vaillance Des fils électriques ont baillonné Le Dniepr qui sur les turbines s'élance.
(…) Chez le Russe le poids de la science est
léger. Les voisins on peu de prestige à ses
yeux. Il sait, le borchtch ukrainien est bon à manger Et le lard ukrainien est encore mieux.(...) Si on insiste, il change de rôle, Rougit et raconte - qu'à cela ne tienne!- Quelques anecdotes : ah, qu'elle est
drôle, La langue ukrainienne. Je te le dis, camarade Moskal, À dénigrer l'Ukraine, ça finit mal!(...) On ne saurait passer au pilon L'humanité - diverses sont ses graines. Connaissons-nous la nuit
d'Ukraine ? Que non ! Poème
publié et présenté par Louis Chevaillier dans Le 1
Hebdo, N° 388, 16 mars 2022, en la traduction inédite de Luba Jurgenson (signalé par François Minod). Photo de
Mireille Podchlebnik |
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(*) Le groupage ci-dessous s’est
constitué au fil des jours, sans intention
préalable, au gré d’échanges informels et amicaux ou par la « bouche à
l’oreille », virtuellement parlant… D’autres initiatives sont en cours
sur le Net. Nous en signalons ici quelques-unes, dont nous avons connaissance
par des cercles d’amis : Jeudis des mots : http://jeudidesmots.com/mots-de-paix-et-desperance-apres-le-7eme-jour/ Écrivains ukrainiens : Littérature
ukrainienne: Ecrivains ukrainiens contemporains:
(lettresukrainiennes.blogspot.com) Textes d’Alekseï Bobrovnikov : « Poutine
a promis de nous tuer. Un par un » : Alekseï Bobrovnikov
depuis le front en Ukraine (nouvelobs.com) |
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Poètes pour l’Ukraine
Francopolis mars-avril 2022 |
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Créé
le 1 mars 2002
[1] Poète ukrainien « Un Rimbaud kiévien, mort à l’âge de 22 ans,
dans les années 1960 », cité par Andreï Dmitriev dans Le
Monde du vendredi 4 mars 2022.