UNE VIE, UN POÈTE

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Une Vie, un Poète
Constantin de Chardonnet


Constantin de Chardonnet, né à Bucarest le 4 février 1939 dans une famille franco-roumaine, Dan Ion Constantin a pratiqué de nombreux métiers manuels et administratifs, tout en faisant des études de théologie catholique et de composition. Débutant à 16 ans dans la revue Contemporanul avec des chroniques musicales sur Alban Berg, Silvestri, Chostakovitch, Schoenberg, Stravinski, Jolivet, forcé à interrompre cette collaboration quand le « réalisme socialiste » impose ses carcans, son parcours picaresque dans une Roumanie gangrénée par la dictature aurait mérité un roman ; celui-ci restera à jamais non écrit, et peu transparent dans l’œuvre épurée qui nous reste de ce poète exigeant, sans pitié envers ses propres productions.

À part ses articles de musique, éparpillés dans plusieurs revues sur près de vingt ans, quelques rares poèmes de lui sont parus sous le pseudonyme Dan Bocaniciu dans la revue Luceafărul (« L’étoile du matin »), dont à la fin des années ’60 il était devenu correcteur et techno-rédacteur. De ses poèmes roumains, dont il a brûlé des centaines, il ne subsiste à ce jour qu’un volume, Neume, publié 10 ans après la révolution de 1989 aux éditions Du style ; ce même recueil proposé aux éditions Cartea românească dans les années ’70 avait été refusé par la censure, en dépit de recommandations élogieuses de Nichita Stănescu, entre autres, sous motif que les poèmes cacheraient des messages séditieux. Le poète se tut…




Il s’exile à Paris en 1983, où il vit de leçons particulières de violon et de théorie musicale ; il renonce définitivement au roumain et choisit le français comme langue d’expression.

Après un premier volume publié sous le pseudonyme Daniel Boc en 1987, il choisit comme nom de plume le pseudonyme Constantin de Chardonnet, d’après son matronyme français, et publie sous cette signature, entre 1995 et 2005, neuf volumes de poésie.

Il est décédé en 2006 de la même lourde maladie dont était morte, quelques

années auparavant, son épouse, Antonia Constantinescu, ancienne enseignante-assistante à l’Université de Bucarest et, pendant près de vingt ans, à Paris, rédactrice de la revue roumaine d’exil Lupta (« Le combat »). Cette même année paraissait à Bucarest une anthologie des poèmes français de Constantin de Chardonnet, traduits en roumain.


(Légende : Le poète dans son appartement à Paris, décembre 1990 (photo : D. Shishmanian)


Bibliographie

Daniel BOC [pseudonyme], Poèmes à retardement, Le pont de l’épée, Paris, 1987.

Constantin de CHARDONNET, aux éditions ARCAM :

Herbalies, Paris, 1995
Rienessence, Paris, 2000.

Constantin de CHARDONNET, aux éditions Groupe de Recherches Polypoétiques :

Neumes, Paris, 2000.
Dédicaces, Paris, 2001.
Nocturnalia, Paris, 2001.
Diptyque, Paris, 2003. - 37 p.
Itinérance, Paris, 2003. – 53 p.

Le Livre, Paris, 2005.
Chorals, Paris, 2005.


Constantin de CHARDONNET, recueils parus en Roumanie :

Neume [poèmes roumains], éditions Du style, 1999.

Nox et solitudo, Ed. Ex Ponto, Bucureşti, 2006 (traduction du français par Florina Jianu).

 
Ileana VERZEA, « Daniel Boc - Constantin de Chardonnet : Un singur poet / Un poet singur » [Daniel Boc - Constantin de Chardonnet : Un seul poète / Un poète seul], article et interview avec le poète dans la revue roumaine Poesis, nr. 9-10, 1996, pp. 18-19.

Daniel BOC – Constantin de CHARDONNET, « Un singur poet. Un poet singur » [groupage de poèmes en roumain et en français, avec une notice de Ana Blandiana, et une biobibliographie], dans les revues roumaines Vatra, nr. 9, 1996, p. 72-74 ; Familia, 32, nr. 10, 1996, p. 48-49.

Chronique à Chorals, dans la revue Nunc n°10, éditions de Corlevour, Paris 2006.

 
Liens :

 REVUE NUNC,
 
România literara (en roumain)
 Revue Agonia (en roumain)



Sa poésie...


Confiteor (poème)
Eu nu sunt eu. Dintotdeauna doar produsul
penibilelor mele scumpe amintiri...  (suite... Agonia)

Sine glossa
la dernière envie le dernier soupir
myrte et genêt sur un plateau 
nébuleuses insoupçonnées... (suite... Le square des poètes)


(sans titre)

ce monde ne m’appartient pas
et l’autre monde non plus
celui-ci dépend d’un aveuglement
celui-là est sous le coup de l’acuité

je vous dirai ce que je puis dire
je ne participe guère à mon existence
donnez-moi le métabolisme d’un
fantôme et j’abolirai le temps

sphéricité qui se débite en petits cubes
les  poètes (le pluriel s’impose) ont
eu pied dans l’éther en prédestinés
les poètes, eux, s’entre-vivent

(du volume Neumes, 2000, poème n° XXIII)

***

« Qu’est-ce qu’un poème sinon un lieu priant  »  1 

La poésie de Constantin de Chardonnet est une œuvre d’alchimie spirituelle. Les contenus psychiques, le « vécu » de toute sorte, la « réalité » mêlée à nos réflexions, actions, ressentis, peines, travaux, rêves, sont communément broyés dans le creuset de l’expression poétique, qui devient elle-même en même temps matière première, support de l’œuvre, outil de réalisation, résultat. D’où des mots-matière, des mots-véhicules, des mots-marteaux, des mots-enclumes, des mots-oiseaux, des mots-anges… Une sublimation graduelle sous l’œil attentif de l’esprit, autant attendri qu’impitoyable envers l’humaine condition, faite de maladie, de déceptions, de souffrance, d’incessantes tentatives d’autodéfinition. Une savante recherche de rareté, d’exquis, de lignes épurées, qui s’enracine dans une co-substantialité du « moi » et du « monde » que la poésie, en fait, ne cesse de tenter d’abolir. Un sens ludique débridé dont l’intensité jubilatoire fait exploser ses propres constructions.

L’homme était paradoxalement léger et grave, mystique et (auto)-persifleur, narcissique et humble. Sa conversation était un régal de jeux de mots, de calembours, de blagues, d’intelligence, de subtilité, d’ironie ; rien n’échappait à son sens critique. Tout est sublimé dans une œuvre poétique en perpétuel inaccomplissement, voulu, comme le travail d’un éternel artisan anonyme dont « les joies restent (à jamais) non homologuées… ».



1. Citation du recueil Herbalies, p. 251.


Constantin de Chardonnet
recherche Dana Shishmanian

 
Francopolis avril 2012
 
 
 

Créé le 1er mars 2002

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