UNE VIE, UN POÈTE

rencontre avec un poète du monde




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Édouard GLISSANT
par
Gertrude Millaire


" Laissez le mal aux naufragés
Vent de sable est vent de torture
Notre joie naquit tout après. "

La terre inquiète (1955)


  

Édouard Glissant, 
Martinique (1928 – 2011)

laisse une oeuvre monumentale, une Relation tissée avec un Tout-Monde qui ne cesse de s'en inspirer.
Poète, romancier, essayiste, auteur dramatique et penseur de la "créolisation", avait suivi des études de philosophie et d'ethnologie, à Paris.
Il fonde, accompagné de Paul Niger, en 1961 le Front antillo-guyanais d'obédience indépendantiste, puis autonomiste, ce qui lui vaut d'être expulsé de la Guadeloupe et assigné à résidence en France métropolitaine. Il est interdit de séjour dans son île natale pour « séparatisme » de 1959 à 1965.
Ses réflexions sur l’identité antillaise ont inspiré une génération de jeunes écrivains antillais qui formera le mouvement de la créolité, dont Patrick Chamoiseau, Ernest Pépin ou encore Raphaël Confiant.

Réf.  Wikipidia


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Suivons un peu le parcours de cet auteur Martiniquais qui a marqué son siècle par sa vie et son oeuvre gigantesque: Recueil de poésie - Roman - Essais - Théâtre.  Un auteur qui me fascine par son engagement politique, sa fidélité à sa cause, ce qui lui a valu d'être expulsé de la Guadeloupe mais qui a poursuivit son combat.

1928-1938 Récit d'une enfance créole - Les escapades de l’écolier sont fréquentes en pleine campagne, accompagnant son père sur les plantations.


1938-1956 Parcours d'une jeunesse ardente - Penser en caribéen, en somme, à partir d’une épaisseur anthropologique et d’une singularité historique, s’avère pour le jeune Glissant le credo de sa réflexion, avant de devenir le lieu et la formule d’une poétique.


1956-1981 L'écriture à l'écoute du monde - l’écrivain alors âgé de trente ans, reçoit le Prix Renaudot pour son premier roman, La Lézarde, publié au Seuil. Glissant a fait de La Lézarde une très belle épopée, un poème qui est en même temps un récit très précis, méthodique et un chant solaire. » Glissant est signataire en 1960 du Manifeste des 121, Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie) et est expulsé, interdit de séjour aux Antilles et assigné à résidence en Métropole. En 1965, Édouard Glissant retourne en Martinique et s’y installe. Glissant commence à rayonner tout particulièrement dans le monde intellectuel. On est bien sûr sensible à ce déploiement multiforme d’une réflexion ouverte, loin de tous les systèmes clos qui quant à eux, ont bel et bien amorcé leur déclin. Le Discours antillais est accueilli avec cet enthousiasme-là.



1981-2011 – Rallier le Tout-Monde - Nouveau tournant pour Glissant au début des années quatre-vingt : il est appelé à l’UNESCO, où l’audience de sa parole réussit en peu de temps, à le hisser en 1981 au poste important de directeur du Courrier de l’Unesco.  Le poste est passionnant pour cet esprit épris du dialogue des peuples.
Il quitte l’Unesco en 1988 pour accepter la proposition qui lui est faite aux États-Unis, d’un poste de Distinguished Professor à l’Université de Louisiane. Occasion de réexaminer le cheminement littéraire de William Faulkner, en y décelant ce qu’il nomme une « écriture du diffèrement », au gré de laquelle cet autre écrivain des plantations a dit le malaise du Sud des États-Unis et ses névroses identitaires ; cela donne en 1996 l’essai Faulkner, Mississippi.
Parallèlement à cette activité d’enseignement, le rayonnement international de l’œuvre de Glissant ne cesse de croître à travers le monde, comme en témoigne tout particulièrement le nombre de colloques internationaux de grande envergure qui lui sont consacrés:
- colloque international « Horizons d’Édouard Glissant », qui se tient à Porto du 24 au 27 octobre 1990 - colloque de la Sorbonne de 1998, « Poétiques d’Édouard Glissant ».
- New York la même année, en décembre à CUNY (« Édouard Glissant : de la pensée archipélique au Tout-Monde»)
- puis récemment, en avril 2005, notre colloque de Carthage, « Édouard Glissant, pour une poétique de la Relation»,
Les années 2000 vont donc confirmer et encore amplifier cet enrichissement de la pensée, puisque c'est à un rythme soutenu que l'écrivain publie dans ces années là toute une série d'essais cruciaux, qui sont autant de nouvelles variations sur une Relation toujours plus ouverte aux bruissements du monde :
- La cohée du Lamentin (2005),
- Une nouvelle région du monde (2006),
- Philosophie de la Relation (2009), pour ce qui est des essais phares qui viennent élargir la "Poétique" ou ouvrir l' "Esthétique"

En 2006, le Président de la République Jacques Chirac lui confie une mission d'élaboration d'un centre national dédié à la Traite et à l'esclavage, mais la concrétisation de ce centre, à laquelle Glissant est particulièrement attaché, ne se réalisera pas.
En 2007, il crée l'Institut du Tout-monde, avec le soutien actif de la Région Ile-de-France et du Ministère de l'Outre-mer avec la volonté de rallier les énergies les plus diverses autour de ces principes d'ouverture, l'Institut s'avère une entité à la fois internationale et "nomade", et suscite des initiatives variées.
En 2009, Glissant publie son dernier essai marquant - nonobstant les publications de dialogues et de manifestes -, avec Philosophie de la Relation, dont le sous-titre est Poésie en étendue.
Au cours de l'année 2010, la santé de l'écrivain se dégrade, il entre en France : son activité sera ralentie, et pourtant le dialogue avec Lise Gauvin, L'imaginaire des langues, paraît en octobre. En novembre, il apparaît en public pour la dernière fois, pour un hommage mémorable qui lui est rendu au Théâtre de l'Odéon, autour de l'anthologie La terre, le feu, l'eau et les vents - Une anthologie de la poésie du Tout-monde.
http://www.galaade.com/oeuvre/la-terre-le-feu-l-eau-et-les-vents

Sa poésie :

Dire le monde. Soucieuse, ou plutôt en souci du monde et de son devenir pluriel, la poésie chez Glissant épouse les aventures d'une parole qui, en fin de compte, ne donne jamais réellement l'impression de se chercher elle-même, tant les premiers recueils dévoilent déjà une maîtrise des formes et des moyens d'expression.
Un champ d’îles : 1953 - ce premier Glissant qui, en poésie, dessine ici la géographie accidentée de cette Caraïbe archipélique d'où émerge la conscience du lieu et des hommes qui en peuplent la lumière.
 "Et quelle présence encore, je le demande ? Cependant je cherche, lourd et brûlant".
La Terre inquiète : 1955) : L'affleurement d'une conscience qui presse de se dire pour commencer, dans la situation d'exil :
"O ! d'être plus loin de vous que par exemple l'air n'est loin de la racine, je n'ai plus feuille ni sève / Mais je remonte les champs et les orages qui sont routes du pays de connaissance, / Pure dans l'air de moi, et m'enhardissent d'oubli si vient la grêle. / (Et que dire de l'Océan, sinon qu'il attend ? "
Les Indes. Poème de l'une et l'autre terre : 1956, le recueil Les Indes constitue à n’en pas douter le socle essentiel de l’œuvre poétique de Glissant
« Il faut savoir dire merci à celui qui fait à notre langue l’inestimable don de cet usage royal »
Le sel noir : 1960 -  "Il est - au delta - un fleuve où le mot s'amasse, le poème - et où le sel se purifie". Cette révérence faite à la pureté du poème, place d'emblée cette aventure du sel sur la trace d'une quintessence, et ce sera celle des souffrances collectives.
 "Lève-toi. Garde-toi. Ville, déjà, tu flambes. Vois. / Les chiens, les hommes, les beautés, ton coeur si tôt péri."
Le sang rivé : 1961) - C'est en ce recueil que sont assemblés les poèmes composés par le jeune poète arrivé à Paris, de 1947 à 1954
"premiers cris, rumeurs naïves, formes lassées",
Boises. Histoire naturelle d’une aridité : 1979) - C'est le recueil du pays qui se dit, à l'époque du retour en Martinique et des réalisations des années soixante-dix, de l'entêtement des romans écrits, de l'anticipation des romans en gestation (Malemort) et des aperçus drus du pays accolé à son Histoire de violence
 "Il n'est pas d'arrière-pays. Tu ne saurais te retirer derrière ta face."
Pays rêvé, pays réel : 1985) - On pourrait croire au ton d'une vaste élégie de l'Histoire coloniale, mais c'est encore le souci du décryptage qui détourne et dépasse un tel motif en disant l'écho du : «pays d'avant dans l'entrave du pays-ci",
Fastes : 1991 - C'est par le protocole à la fois intellectuel et éthique de la Relation, par la grâce sensible de sa tension, que les lieux que vit le poète, qu'il vécut en intériorisation et présence conjointes, sont ici amassés dans des formes courtes. Des poèmes comme des peintures de lieux, de temps, de choses et d'êtres…
"Allouer à l'éloge une géographie souterraine, d'où les ruptures ne s'effacent pas... (...) Mon temps s'est pris à leurs images : pays et bois qui me hélèrent, sables où j'ai erré."
Les grands chaos : 1994 - Des Bayous de Louisiane offerts en lieux de carrefours du Tout-Monde, au relief volcanique du pays premier innervé de l'itinéraire réel de la Lézarde.
 "dans l'assomption des nouvelles du monde, les deux paysages, le nilotique et l'insulaire au loin"),

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Édouard Glissant, Solidaire et Solitaire, un Anti-Maître à penser, le Maelstrom des concepts, a publié plusieurs Essais :
Son premier Essai : Soleil de la conscience - Poétique I (Seuil, 1956) - démontre d'emblée la maîtrise d'une forme originale par laquelle le tout jeune écrivain a choisi de dire l'émergence mais aussi l'indépendance de sa voix.  L'intention poétique - Poétique II (Seuil, 1969) - Le "programme" d'une très originale  vision du monde. Le discours antillais (Seuil, 1981) - porte tout entier autour d'une restitution aux Antillais de leur histoire propre, de leur culture (langue, littérature) et de leur destin collectif. Poétique de la Relation - Poétique III (Gallimard, 1990) - Tout se passe comme si la quête identitaire était désormais achevée, et que tout se jouait dorénavant sur le terrain de l'ouverture maximale. Faulkner, Mississippi (Stock, 1996) - essai de critique littéraire. . Introduction à une poétique du Divers (Gallimard, 1996) - issu de quatre conférences prononcées par Glissant lors de colloques et de rencontres universitaires. Tout-Monde - Poétique IV (Gallimard, 1997) - Il ne s'agit plus de démontrer, mais de montrer les concepts en interraction - encore la Relation et la créolisation, bien sûr, mais aussi leurs incarnations en tant de lieux et d'êtres, porteurs de cette "démesure" du monde que reflète l'essai. Une nouvelle région du monde - Esthétique I (Gallimard, 2006) - Le poète, l’écrivain, l’artiste, n’ont pas pour mission de faire écho à un illusoire éclat du monde, mais plutôt, d’en pénétrer tout l’obscur, ces « profonds » qui avaient déjà été émis dans la pensée de l’auteur.Les entretiens de Baton Rouge. Avec Alexandre Leupin (Gallimard, 2008) - développe ici une vision du Moyen Age où l'Universel catholique va peu à peu étouffer une diversité très riche et qui tendait à se créoliser, dans les langues et les imaginaires (hérétique ou particulariste). Ecrits de circonstances (Galaade / Institut du Tout-Monde, 2007-2010) - Glissant n'a jamais cessé, d'intervenir dans l'espace public, à propos des combats qui furent les siens. Philosophie de la Relation. Poésie en étendue (Gallimard, 2009) - La Relation est désormais étendue dans l'espace mais aussi dans le temps, en quête des fondements de poésie, et des assises de la quête philosophique qui meuvent à la fois l'individu et les communautés. La terre, le feu, l'eau et les vents. Une anthologie de la poésie du Tout-Monde (Galaade / Institut du Tout-Monde, 2010) -  offre ici plus qu'une défense et illustration du Tout-Monde, mais une réelle mise en Relation de textes qui tous, à leur manière, présente les facettes multiformes de la poésie-monde, ou du monde dessiné en contours poétiques. L'imaginaire des langues. Entretiens avec Lise Gauvin (Gallimard, 2010) - l'écrivain rallie avec hauteur et au gré de la discussion, l'ensemble de ses conceptions (créolisation, Tout-Monde, Relation entre autres) à une éthique de l'altérité dont il s'attache à remonter la généalogie.

Et il a publié  8 romans  et une pièce de théâtre : M Toussaint.

ref. Site consacré à Édouard Glissant


Quelques liens :

Sur son site : Une pensée archipélique

Île en île : Édouard Glissant

Africultures : Édouard Glissant

Potomitan : Hommage à Édouard Glissant


                                      


POUR MYCEA

Si la nuit te dépose au plus haut de la mer
N’offense en toi la mer par échouage des anciens dieux
Seules les fleurs savant comme on gravit l’éternité
Nous t’appelons terre blessée ô combien notre temps
Sera bref, ainsi l’eau dont on ne voit le lit
Tu es douce à celui que tu éloignes de ta nuit
Tel un gravier trop lourd enfoui aux grèves de minuit
J’ai mené ma rame entre les îles je t’ai nommée
Loin avant que tu m’aies désigné pour asile et souffle
Je t’ai nommée Insaisissable et Toute-enfuie
Ton rire a séparé les eaux bleues des eaux inconnues.

(Pays rêvé, pays réel)


Edouard Glissant


Édouard Glissant
recherche Gertrude Millaire

 
Francopolis juin 2011
 

Créé le 1er mars 2002

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depuis le 15 mars 2005

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