UNE VIE, UN POÈTE


rencontre avec un poète du monde









 
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GÉRALD GODIN
le poète de l’Assemblée nationale du Québec.

 



Gérald Godin (1938-1994)

Poète, écrivain, journaliste et politicien.
Il a été journaliste au Nouvelliste de Trois-Rivières, au Nouveau Journal, à Radio-Canada, à Québec-Presse mais aussi à Parti Pris.
Gérald Godin publie ses premiers recueils de poésie dans le contexte  de La Révolution tranquille des années 1960 au Québec. Emprisonné en 1970 à Parthenais pendant la crise d'Octobre * (mesures de guerre proclamées par le gouvernement canadien et tous ceux qui militaient pour la souveraineté du Québec furent arrêtés). Il est élu député du Parti québécois six ans plus tard.(Parti souverainiste du Québec)

On le surnomme affectueusement le poète de l’Assemblée nationale.

Il a joué un grand rôle dans la défense du français au Québec, adjoint parlementaire du ministre des Affaires culturelles en 1979, il occupera les postes de ministre de l'Immigration, de ministre des Affaires culturelles mais aussi de ministre des Communautés culturelles.  Dans chacun de ces ministères, il imposera son style, empreint de la poésie qui l'habite .
Sur la scène politique, la popularité de Gérald Godin est grandissante. « Les gens m'appellent le "député-poète", et la mythologie qu'entourent ces mots jette une sorte d'auréole autour de ma personne. Ça me permet plus de liberté; je peux dire les choses différemment. Plus fortement », confiera-t-il dans les pages du Devoir en 1991.
"La question n'est pas de savoir ce que les poètes font en politique, mais bien plutôt ce que la politique fait aux poètes. Quant à moi, au coeur d'une mêlée dont je n'imaginais pas la millième partie, je n'ai plus le choix. Je suis dans la politique comme d'autres sont dans la finance. Je ne me possède plus."

Avec ce poète politicien, le Québec avance dans le domaine de la langue, de l'identitaire culturel mais aussi de l'intégration des communautés culturelles et développe une grande tolérance face aux ethnies, à la religion ou à la langue des immigrants.
Rien d’étonnant puisque le poète est avant tout un visionnaire et Godin reste fidèle à sa langue et son identité. 
« Les mots sont citoyens de la poésie. Innombrables, imprévisibles, vivants, dynamiques, changeants, intraitables et qui , au fond, dominent absolument ceux qui croient s'en servir. En poésie, il faut oser être simple, modeste, familier. Je ne suis pas un poète de laboratoire. Je suis dans la ruelle derrière. Je fais une poésie de piétons.”

* Libertés surveillées
Quand les bulldozers d'Octobre entraient dans les maisons
à cinq heures du matin
Quand les défenseurs des Droits de l'Homme
étaient assis sur les genoux de la police
à cinq heures du matin
Quand les colombes portaient fusil en bandoulière
à cinq heures du matinQuand on demande à la liberté de montrer ses papiers
à cinq heures du matin
il y avaient ceux qui pleuraient en silence
dans un coin de leur cellule
il y avait ceux qui se ruaient sur les barreaux
et que les gardiens traitaient de drogués
il y avait ceux qui hurlaient de peur la nuit
il y avait ceux qui jeûnaient depuis le début
Quand on fait trébucher la Justice
dans les maisons pas chauffées
à cinq heures du matin
Quand la raison d'état se met en marche
à cinq heures du matin
il y en a qui sont devenus cicatrices
à cinq heures du matin
il y en a qui sont devenus frisson
à cinq heures du matin
il y a ceux qui ont oublié
il y a ceux qui serrent encore les dents
il y a ceux qui s'en sacrent
il y a ceux qui veulent tuer
(Libertés surveillées, Éditions Parti pris, 1975, 52 pages.)

Gérald Godin voulait que sa poésie soit comprise par le peuple, alors il n’hésite pas à s’exprimer dans la langue parlée plutôt que le langage littéraire. « Je voudrais qu'on entre dans ma poésie comme on entre dans une clairière, qu'il y ait de l'espace, que ce soit simple et clair autant que possible »
Ces écrits témoignent de son amour pour la langue parlée au Québec. Le joual y est omniprésent et exploité de manière à rythmer ses textes pour faire ressortir la simplicité des mots utilisés. Comme beaucoup d'intellectuels de l'époque, Gérald Godin considère le joual comme une arme de combat, le résultat d'une aliénation nationale qu'il est nécessaire d'ériger en symbole en l'intégrant dans le langage littéraire.(tiré du site Cyberscol)

SES MOTS
La langue de ma mère
a des mots pour tout dans la grande famille des mots
je m'en choisis pour passer l'hiver
des mots en laine du pays
cette année j'ai choisi le mot guérison
le mot liberté
des mots qui tiennent bien au chaud 
***

Il est l'un des fondateurs de Québec-Presse, hebdomadaire de combat voué à la défense des intérêts populaires et syndicaux. En 1975, il devient chargé de cours en journalisme à l'Université de Montréal, puis à l'UQAM (1975-1976) et, en 1976, à l'Université d'Ottawa à titre d'écrivain résident. Il obtient par la suite un poste de professeur à l'UQAM.
Il a participé à la fondation de la revue Parti Pris (1963-1968); revue politique et culturelle à trois objectifs: l'indépendance, le socialisme et le laïcisme au Québec et il a dirigé de 1969 à 1976 les éditions du même nom.

La rétrospective de ses poèmes, intitulée Ils ne demandaient qu'à brûler, obtient, en 1987-1988,, le Grand Prix du livre de Montréal, le Prix Ludger-Duvernay et le Prix Québec-Paris et en 1995, à titre posthume, le Grand Prix culturel de littérature de Trois-Rivières. Il a également reçu le Grand Prix du Journal de Montréal, section poésie, pour Les Botterlots en 1994.
En mai 1984, Le Prix de littérature Gérald-Godin fût créé  (roman, poésie, nouvelle, essai, conte) et remis annuellement en l'honneur de ce poète.
Son poème Tango de Montréal a été reproduit sur un mur à coté de la station de métro Mont-Royal.

Portraits de mes amis 
C'était une génération
de produits hautement inflammables
hommes d'amadou hommes d'attisée
hommes en fagots
qui ne demandent qu'à brûler
abandonnés parfois pour une fin de semaine
on entend crépiter leur coeur
sur les tables de chez Harry
ils se consumaient d'amour
en d'interminables incendies
ils n'avaient plus de larmes
ils n'avaient plus de hargne
ils n'avaient plus que les sursauts
de leurs années en lambeaux
pour tout coeur souvent
ils n'avaient que braises
et pour tout souvenir
que cendres
mais ils sont prêts à tout recommencer
dès la prochaine poudrée

Sarzènes, Écrits des Forges, 1983, 55 p.

***

Extraits du recueil, Les Cantaloupes:
La quotidienne jambette
faite à ma langue à mon esprit"."(.....) l'effroi de mourir sans jamais avoir été libres".
.........................

perdus au fond des tripes
entêté, jappant sans cesse le cri bêlant d'un pays à naître.

Extraits du recueil, Libertés Surveillées
Nous étions des enfants d'or
les joncs nous fouettaient les jambes
le fleuve nous montait des bateaux
le fleuve nous mentait.
....................

Mais je me retrouve sans toi
quand la nuit jette sur mon lit
les trente chats des cauchemars

Extraits du recueil, Chansons très naïve
Novembre maladif mon frère
qui tremble de froid
le vent là-haut perché
attend un charognard.
.....................

Viennent viennent ce vent qui nous délivre
et ces grands gestes d'arbres livres (.....) vienne ce vent qui nous enivre.

Gérald Godin aura lutté jusqu'au bout contre le cancer du cerveau avec lequel il devait vivre depuis 10 ans Il a du tout réapprendre, dont le langage, supporté par sa femme Pauline Julien, auteure, interprète et comédienne. Il a si bien réussi qu'il est redevenu ministre de l'immigration après son accident et appris de nouvelles langues. Mais le 12 octobre 1994, la maladie prend le dessus. L'homme s'éteint à l'âge de 55 ans.

Voici un poème écrit durant sa réhabilitation 

Parce que

Parce que chaque atome de chaque objet
Le fait exprès pour le contredire
Manche de manteau manche de veston
Chaque atome de chaque bouton de chemise
Chaque atome de chaque noud de cravate
Chaque atome de chaque lacet de bottine
Parce que chaque logiciel
De chaque geste de la vie quotidienne
A explosé dans son planétarium
Parce qu'il frappe
Tous les cadres de porte
Avec son épaule gauche
Parce que les neurones qui règlent le trafic des mots
Lui font des embouteillages
Et que souvent les mots sortent
Bumper à bumper comme les chars à cinq heures du soir
Quand il veut parler
Parce que la commissure gauche de sa bouche
Ne retient pas son manger
Parce qu'il passe sa journée
À chercher des choses
Qu'il n'a même pas perdues.

***

Bibliographie

Chansons très naïves (Éditions du Bien public) Poésie 1960
Poèmes et Cantos (Éditions du Bien public) Poésie 1962
Nouveaux Poèmes (Éditions du Bien public) Poésie 1963
Les Cantouques (Éditions Parti Pris) Poésie 1967
Libertés surveillées (Éditions Parti Pris) Poésie 1975
Sarzènes (Écrits des Forges) Poésie 1983
Soirs sans atout (Écrits des Forges) Poésie 1986
Ils ne demandaient qu'à  brûler (L'Hexagone) Poésie 1987
Les botterlots (L'Hexagone) Poésie 1993
et maints articles de revues et de journaux.

Filmographie

On est au coton: film de Denys Arcand. Gérald Godin a collaboré à la réalisation.
Entre la mer et l'eau douce : film de Michel Breault. Gérald Godin a participé au scénario.


Liens
extraits vidéo, dans les archives de Radio-Canada .
présentation du poète sur Cyberscol , Wikipedia et  l’Encyclopédie canadienne
sa poésie sur le site La poésie que j'aime, sur le site de Pierdelune
et dans les archives du forum de Francopolis (par Jean-Marc La Frenière)



Gertrude Millaire
pour Francopolis
novembre 2007

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Créé le 1 mars 2002

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