UNE VIE, UN POÈTE

rencontre avec un poète du monde




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Une Vie, un Poète


Yann Orveillon


par

André Chenet


"Je suis et je reste, avec des millions d’autres, de ceux qui se baignent dans l’Orénoque ou le fleuve Amour, dans le Nil bleu ou le Mékong, de ceux qu’émeuvent et excitent certains noms : Zanzibar et Vladivostok, Pondichéry et Valparaiso, Istanbul et Marrakech, certaines formules : « Tierra y libertad », « Salut et fraternité », « l’Homme ne se nourrit pas que de pain », « la terre à ceux qui la travaillent », « la liberté ou la mort ». De ceux qui boivent le thé chaud avec les «derniers rois de Thulé » ou avec les hommes bleus de la route du sel, les cavaliers de la horde d’or, les marins de Hambourg. De ceux qui aiment et célèbrent les vaisseaux de haut bord ou les barques fragiles de l’amour. De ceux qui ne posent sac à terre que pour pouvoir mieux partir et sac à bord que pour mieux éprouver un jour la douloureuse joie du retour." Yann Orveillon



     Lumière noire de Rimbaud

Site pliocène de l’Hadar,
dépression de l’Afar,

le long du fleuve Awash,

nord-est de l’’Ethiopie.

Elle est au point milieu
de la faille du rift.

Elle est au point focal

où pulsionne l’esprit.

Debout,
elle contemple

la matrice tellurique

d’où elle est née.

Lucie,
nue,

pétrie d’Afrique,

son corps est lumière noire.

Lucy,
symphyse pubienne fracturée,

alors le coquillage

des mains croisées

protège le sexe.

La dramaturgie humaine
est en marche.

Elle regarde intensément

les hauts plateaux.

Sait-elle déjà
a des millions d’années

qu’elle guette

un homme

aux étranges yeux bleus ?

Elancé,

farouche, dur et tendre,

on l’appellera

Rimbaud-l’éthiopien
l’homme aux semelles de vent.

Yann Orveillon

Extraits de : Elle , ou LE CORPS ARCHITECTE de Yann Orveillon sur des gravures  de
Jacqueline Royant
- Les Voleurs de Feu/Al Laerian Tan (2003)

**

Le loup des mers,

à Tristan Cabral
cheval cabré
chroniqueur des exodes
grand fraternel

pour ADM
en souvenir de  Jack London, Arthur Rimbaudet Nora Nord


Aux profondeurs du bouge
Une triste humanité,
Sous la lanterne rouge
Graillonne et racle des pieds:

Les putains à gros culs
De maigres alcooliques,
D'ex-prisonniers tonds,
De vieux marins à chiques.

Dans l'odeur de bière sure
et de tabac miellé,
Un homme au regard dur
A l'instant vient d'entrer.

Les goules anisées
Piquent du nez dans leurs seins,
Les rejets des marées
Tâchent leurs mentons de vin.

Les gueules des marins
Mordent les tuyaux de pipes;
ils hument l'air salin
pour s'aérer les tripes.

Et dans leurs mains crevées
Tremblent les verres de rhum,
Leurs cabans sont mouillés
Et ils sentent l'opium.

Mais ce n'est pas de drogue
Que leurs regards s'affolent
Et que leurs masques rogues
Comme leurs vieilles boussoles,

Pointées vers le Grand Nord,
Espèrent intensément
L'aventure de haut bord,
Des ivresses de pleins vents.

L'homme, c'est Loup Larsen,
Le loup des sept mers.
Il scrute les trognes malsaines
Son sourire est amer.

Grand Capitaine
Il cherche des matelots
Pour toutes sortes d'aubaines
Et pêcher le cachalot.

Il est botté de cuir,

Et noir du bas en haut,
Maître sur son navire,
Ses désirs sont brutaux.

Il se dit dans les ports,
Qu'il mène les équipages,
A insulter la mort
Par folie et courage.

Et cette fois encore,
Des faces de Boucan
Et des mastiqueurs d'or
Se lèvent et sont partants.

La vie est une gueuse
Qu'il faut prendre d'assaut,
Une grande amoureuse
Qu'on paye avec sa peau.

Demain ils appareillent
Ils n'on ni froid ni peur
Ils sont en état de veille
"La vraie vie est ailleurs".


                         Yann Orveillon
                         Le 26 juillet 2007



Yann 24-08-9
Yann Orveillon chez lui à Plougasnou, en Bretagne (2009)
Photo : André Chenet

Yann Orveillon naquit en 1941 de parents brestois, il vécut après-guerre dans les baraques du « Point du jour » près de « Polygone Butte ».
A 17 ans il est marin au long cours et embarque sur des navires qui portaient, seuls, des noms de poètes de la Pléiade : Du Bellay, Rémy Belleau, De Baïf, Ronsard…

Il termine sa vie professionnelle comme documentaliste après 41 ans d’activité salariée, ayant pratiqué mille métiers et connu milles misères.

Militant syndical et politique organisé ; presque toute sa vie il milite. Il œuvrait depuis plus de 20 ans pour la « promotion » des poètes et de la poésie conçue et vécue comme un acte de résistance et de réappropriation de la parole, essentiels à l’expression et l’organisation d’un contre-pouvoir, pour aider et sauver la dignité et la beauté du monde.
Il fut un ami proche et fidèle d’André Laude et à ce titre il initia la première association consacrée à la mémoire de Laude après sa disparition. Il s'impliqua activement dans l'existence de l'actuelle Association des amis d'André Laude et écrivit la préface des Oeuvres complètes de ce dernier parue en 2008 aux éditions de La Différence.

Chroniqueur de radios libres, ancien président des Écrivains Bretons, fondateur des Voleurs de Feu, il a écrit dans les revues Albatroz, Hors jeu, D’autre part, Ar Men, Hopala, Les Voleurs de Feu, La Voix des Autres … Il est décédé le 7 juillet 2011 à Morlaix.

Publications :
L'amour à l'heure bleue (Albatroz éditions)
Dans nos poings serrés des étoiles ... (Paroles En Archipel éditions)



Yann Orveillon
présenté par André Chenet

 
Francopolis décembre 2013
 
 
 

Créé le 1er mars 2002

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