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ARCHIVES : VIE – POÈTE 

 

Une Vie, un Poète :

 

René-Guy Cadou

par Mireille Diaz-Florian

 

Chers amis,

Pour le fréquenter depuis deux mois, j’ai plaisir à vous offrir en cette fin d’année, cinq poèmes de René Guy Cadou. L’écriture d’un article m’a permis de relire ce poète, compagnon de routes en amitié avec Pierre Reverdy et Max Jacob. Il marqua pour moi deux temps forts de mes lectures. Je fus celle qui récitait, enfant : « Celui qui entre par hasard dans la demeure d'un poète/ Ne sait pas que les meubles ont pouvoir sur lui/ Que chaque nœud du bois renferme davantage/ De cris d'oiseaux que tout le cœur de la forêt. »

Puis, partie sur les traces de Max Jacob, je lus leur correspondance et redécouvris son œuvre. J’y puise à cet instant la force du lyrisme et de la simplicité.

 

Mireille Diaz-Florian

 

 

 

L’AIR BLEU

 

Tout est en l’air

Il y a des oiseaux qui volent de travers

On ouvre la fenêtre

Un instant

Tu verras ta tête disparaître

Et tes mains suspendues derrière le coteau

Comme c’était dimanche

Il a fait jour plus tôt

Le soleil se dévide

On a mis des bouquets au creux des lampes vides

Et l’ombre est revenue par le dernier bateau

 

Maintenant je t’écoute

Avec toi

C’est un peu le grand vent

Sur la route

Et je colle à ta peau

À deux doigts de ton cœur

Il fait chaud

 

Bruits du cœur

 

 

 

 

VOIR VENIR

 

Il y a des mains des feuilles qui tombent

Ce soir un nouveau jour

Dans les draps du matin le sillon de l’amour

Les neiges déployées

Les cheminées d’usine

Celui qui marche au fond de l’ombre

Et qu’on devine

Un guichet de lumière

Une cloche en retard

Cet ami inconnu qui remet son départ

La même voix qui recommence

La même plainte

Et un silence

Toujours la même allure

Des bouquets de moineaux piqués dans les ramures

 

Morte saison

 

 

 

HEURE D’ETE

 

Toujours le ciel

On ne fait rien d’essentiel

On reste là des heures

A écouter le clapotis des vagues sur son cœur

Et puis des enfants passent

Quelqu’un remue dans la maison d’en face

Très loin de l’autre côté de la mer

Ici c’est le même air

Qui continue

J’ai envie de sortir tête nue

Au soleil

Pour voir comment ça fait dans les yeux

Les abeilles

Ton portrait sur la table

On entend des oiseaux chanter dans les étables

Des mains se disputer les graines sous le toit

Des coquelicots qui aboient

Je ferme les paupières

Trop tard

Je suis déjà dans la haute lumière

De tes joues

Tout ce qui fait la nuit ne peut rien contre nous

 

Ma vie en jeu

 

 

 

 

 

VISAGE OU PAYSAGE

 

Licorne qui dansais à la flamme des cages

Avec les horizons tissés à ton usage

Avec tous les sentiers ruisselants sur ton cou

Belle étoffe de sang qui moules mon visage

Est-ce la pluie d’hiver qui perce mes genoux

 

Les norois sont groupés au bord de ma poitrine

Si je lève la main le soleil se dessine

Une source jaillit quand je marque le pas

Et dans mes yeux couverts d’une étrange résine

Passent les voyageurs que tu ne connais pas

 

J’ai ma force dans l’eau qui tremble sous les pierres

Dans le vent qui secoue des sierras de lumière

Dans la glaise dorée où grince l’aviron

Et lorsque les cargos glissent sous mes paupières

L’écume ensanglantée m’éclabousse le front

 

Je suis l’homme des bords étincelants du large

Loin des terres mon nom s’inscrit en pleine marge

Mes bras depuis longtemps font partie du décor

Et je gravis le ciel aussi bien que les barges

De blé lorsque la nuit rejaillit sur l’aurore

 

La Vie rêvée

 

 

 

ANTONIN ARTAUD

 

Avec tes yeux comme une sonnerie bloquée Antonin

Comme un printemps foutu

Avec tes mains

Tes mains sur les barreaux de l’asile

Tes mains sur les fils électriques

Sur l’espagnolette sur la poésie partout

Antonin partout

Tes mains sur ton front pressées

Sur tous les corps de jeunes filles

Sur la campagne de Rodez

Tu pêcherais dans la rivière

Avec une arbalète Antonin

Avec toutes les femmes

À même le bocal Docteur

À même

À même la poésie Antonin

Et pas de camisole

Pas de frontières

Pas de répit surtout

 

Le Diable et son train

 

 

Visiter le site Cadou : https://www.cadou-poesie.net/category/actualites

 

 

Une vie, un poète

René-Guy Cadou,

par Mireille Diaz-Florian

 

Francopolis novembre-décembre 2019