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	ARCHIVES : VIE – POÈTE

Une Vie, un Poète :

Robert BRÉCHON

(1920-2012)

(photo reproduite du site Babelio)

***

Sélection de textes

par Mireille Diaz-Florian

Agrégé de lettres classiques, Robert Bréchon a mené une carrière d'enseignant et de proviseur de lycée en France, mais surtout à l'étranger : Rio de Janeiro, Lisbonne, Londres, Le Caire, Zagreb et Belgrade. En 1962, il fut nommé conseiller culturel de l'Ambassade de France et directeur de l'Institut français de Lisbonne.

Auteur de divers recueils de poésie et de plusieurs études littéraires, il s'est d'abord intéressé à la poésie contemporaine et s'est fait connaître dès la fin des années 1950 par ses travaux sur Henri Michaux, le Surréalisme et Michel Leiris, avant de devenir un spécialiste de la littérature portugaise, en particulier de Fernando Pessoa, dont il a dirigé l'édition des œuvres chez Christian Bourgois, et auquel il a consacré une biographie. Il a également complété un ouvrage de référence sur la littérature portugaise, paru chez Chandeigne.

Principaux ouvrages publiés :

– Michaux, Gallimard, 1959
– Le Surréalisme, Armand Colin, 1969
– Les ouvrages du temps (recueil poétique), Chambelland, 1969
– La fin des lycées, Grasset, 1970. Prix de l'Association des journalistes universitaires
– "La condition humaine" d'André Malraux, Hachette, 1971,
– "L'âge d'homme" de Michel Leiris, Hachette, 1973
– Les noces d'or (recueil de chroniques), avec Arlette Bréchon, Albin Michel, 1974
– Mémoire d'homme (recueil poétique), Le Pont de l'Epée, 1983
– Contre-chant (recueil poétique), Chambelland, 1987
– Méditations métapoétiques, avec Antonio Ramos Rosa, Lisbonne, 1994
– Étrange étranger (biographie de Fernando Pessoa), Christian Bourgois, 1996. Grand prix de la Société des gens de lettres
– L'innombrable, un tombeau pour Fernando Pessoa, Christian Bourgois, 2001.

(d’après le site de la Maison des Écrivains et de la Littérature).

Deux extraits de Mémoire d’Homme

(La coïncidence. Librairie Le Pont de l’Épée, 1983)

Texte 1

Vous mes compagnons

Comme des jardins sous la pluie

Trempés de désirs et de songes

Pour vous aussi l’été viendra

Mettre les os à nu

Dans l’air sec comme une guitare

L’âge mûrit les rires sous les crânes

Le vent valse au rythme lent des souvenirs

Dans un envol rose d’arbres et de bras nus

Vous n’irez plus cueillir les instants

Dans les vergers où veillait la lune

Vous vous enfermerez dans le temps sans pensée

Dans le temps sans présence

Texte 2

De mon lit de veille

Je gouverne la nuit

Les bruits

Dessinent le paysage

Des machinistes sourds

Installent le décor

Une auto arrache un peu de temps

Et retourne au-delà du temps

Je devine au loin le silence

Qui vient à pas de voleur

Puis ce sera le cri

***

Deux extraits de Contre-Chant

(Chambellan, 1987)

Texte 1

Repli

Retrait

Retraite

Couper tout ce trop

D’espace et de temps

Petit

J’aspire au petit

Cachez-moi l’immensité

Le ciel me donne le vertige

La terre me donne le vertige

Le ciel est trop vide

La terre est trop pleine

Tout est troué dans l’univers

Tout est bouché dans l’univers

Ce n’est pas le plein que je cherche

Ce n’est pas le spacieux que je cherche

Mais le proche

L’intime

L’intérieur

Texte 2

CECI EST UN POÈME

A la mémoire d’Alexandre O’Neill

(1924- 1986)

Ce corps étranger s’amasse

Dans ma conscience qui prolifère

Dans le corps étranger qui est mien

Tout se joue dans cet intervalle

Entre l’autre et le même

Entre l’autre et moi-même

Entre l’autre moi et moi-même

Les mots ne sont pas les miens

Les idées viennent d’ailleurs

Les sentiments sont empruntés

Tout est imité forgé mimé

Et pourtant le poème est mien

Personne d’autre ne l’a écrit

Personne ne l’écrira jamais

Personne n’aurait pu l’écrire

N’importe qui aurait pu l’écrire

De la musique ? Quelle musique ?

J’écris ici la prose de mes vers

La musique est d’un autre monde.

Sélection : Mireille Diaz-Florian

Une vie, un poète

Francopolis janvier 2017