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rencontre avec un poète du monde

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ARCHIVES : VIE – POÈTE 

 

Une Vie, un Poète :

 

Xavier Grall

 

par Mireille Diaz-Florian

 

Deuxième épisode 

Continuer sur le chemin de Xavier Grall c’est, comme le suggère un des thèmes de notre revue, approfondir un « coup de cœur » et en cela le justifier. Le premier épisode voulait le cerner dans un double espace biographique et géographique. Je souhaite avec la présentation de nouveaux textes, vous engager plus avant dans son œuvre. J’y vois également l’occasion de l’inscrire dans une anthologie de la poésie contemporaine et tenter de l’extraire de la dimension régionaliste bretonne qui pour moi est un défi à la portée universelle de la poésie.

Ainsi, vais-je vous offrir quelques textes pour vous donner envie d’avancer vers d’autres encore. Il y a à écouter le chant et la peine, en un écho certain à Verlaine.

 

Mireille Diaz-Florian

  

 

LA FILLE DES AULNES

 

Quand elle chantait le temps des cerises

Une mésange bleue jouait dans les cyprès

Le soir venait par le sentier de pierres grises

Je l’appelais la Fille des Aulnes

Car les légendes sont ma vérité

L’été flambait sur la mer

 

Le recteur de Saint-Philibert

Poussa un cantique au fond de sa bombarde

Je demeurai dans la maison aux volets verts

Et je chantai le temps des cerises

La brise s’en vint comme une pr !ère

L’été flambait sur la mer

 

Ne pense pas à ton fils en sa ville afghane

Ô Fille des Aulnes

Les princes du Nord chérissent les soleils

Reviennent les caravanes à Babylone

Comme s’en revient le temps des cerises

En nos Bretagnes de brises et de sônes*

L’été flambait sur la mer

 

Dans ses yeux rieurs et ses mains fertiles

La Fille des Aulnes secrètes comme une île

Cachait ses rêves et ses chagrins

Comme son jardin était tranquille

Sous les cyprès

L’été flambait sur la mer

 

Donne moi la paix ô Fille des Aulnes

Je suis cette pauvre gondole ivre

Qui ne sait plus ses digues ni ses rives

Et qui chavire au vent mauvais

 

La Fille des Aulnes m’offrit l’absinthe

Et pour ses lèvres choisit la bière

Nos cœurs seraient-ils de noirs labyrinthes

Les rivières se perdent-elles dans la mer ?

 

La Fille des Aulnes s’en est allée

La mésange bleue chante seule le temps des cerises

L’automne frileux descend sous les cyprès

Sur la mer les bateaux se brisent

Se noient au loin les gondoliers

 

 

Extrait de Solo et autres poèmes

 

 

 

 

LES SAISONS

 

S’en venaient les jours versant des soleils

ils me connurent dans l’éclat des matins

j’étais seul à les adorer

voguaient au ciel des groupes de cavaliers

les peupliers vibraient avec des gestes de harpeur

j’étais seul à les entendre

c’était un pays vieux de mûriers et de pierre

enchanteur blessé

mes amours chaviraient des prières

 

S’en venaient les jours lessivés par les pluies

des agonies paysannes piaulaient dans les grands lits

et j’étais seul à les entendre

funèbrement dans les nues erraient les ossuaires

et les âmes en colère bousculaient les ogives

c’était un pays noir de flaques et de tourbes

Barde de la grand’route

mes chansons abordaient la grand’peine

 

S’en venaient les jours transmis par le gel

les persiennes avaient des yeux blancs

des millions de silences gerçaient mes village

le ciel n’était que morne Norvège

j’étais seul à vivre en son linceul blond

des cascades de givre giraient dans les bois

et les lits des femmes étaient gris et froids

sans la chaleur heureuse des jeunes amants

alors je m’en allais par les sentiers blêmes

et bohémien sans musique, sans Bohême

ma marche tonnait ma solitude sur les pierres.

 

VERLAINEMENT

Adieu fêtes galantes

Comme la peine est pesante

Et dormante mon âme

Près de l’Aven avenante

 

Aimantes étaient les femmes Dans les maisons passantes

Violentes sont les larmes

Et les amours dolentes

 

Adieu les maisons mourantes

Comme les pluies sont navrantes !

La vie est cette flamme

Sous les braises gisantes

 

Ma vie ma revenante

Encore un peu de temps

Près de l’Aven avenante

Et Dieu que la joie est galante

 

 

Extrait de Et maintenant donnez-moi

 

 

Une vie, un poète

Xavier Grall (2), par Mireille Diaz-Florian

Xavier Grall (1) au numéro mars-avril 2018

 

Francopolis mai-juin 2018