LA FILLE DES AULNES
Quand
elle chantait le temps des cerises
Une
mésange bleue jouait dans les cyprès
Le
soir venait par le sentier de pierres grises
Je
l’appelais la Fille des Aulnes
Car
les légendes sont ma vérité
L’été
flambait sur la mer
Le
recteur de Saint-Philibert
Poussa
un cantique au fond de sa bombarde
Je
demeurai dans la maison aux volets verts
Et
je chantai le temps des cerises
La
brise s’en vint comme une pr !ère
L’été
flambait sur la mer
Ne
pense pas à ton fils en sa ville afghane
Ô
Fille des Aulnes
Les
princes du Nord chérissent les soleils
Reviennent
les caravanes à Babylone
Comme
s’en revient le temps des cerises
En
nos Bretagnes de brises et de sônes*
L’été
flambait sur la mer
Dans
ses yeux rieurs et ses mains fertiles
La
Fille des Aulnes secrètes comme une île
Cachait
ses rêves et ses chagrins
Comme
son jardin était tranquille
Sous
les cyprès
L’été
flambait sur la mer
Donne moi la paix ô Fille des Aulnes
Je
suis cette pauvre gondole ivre
Qui
ne sait plus ses digues ni ses rives
Et
qui chavire au vent mauvais
La
Fille des Aulnes m’offrit l’absinthe
Et
pour ses lèvres choisit la bière
Nos
cœurs seraient-ils de noirs labyrinthes
Les
rivières se perdent-elles dans la mer ?
La
Fille des Aulnes s’en est allée
La
mésange bleue chante seule le temps des cerises
L’automne
frileux descend sous les cyprès
Sur
la mer les bateaux se brisent
Se
noient au loin les gondoliers
Extrait de Solo et autres poèmes

LES SAISONS
S’en
venaient les jours versant des soleils
ils
me connurent dans l’éclat des matins
j’étais
seul à les adorer
voguaient au ciel des groupes de cavaliers
les
peupliers vibraient avec des gestes de harpeur
j’étais
seul à les entendre
c’était
un pays vieux de mûriers et de pierre
enchanteur blessé
mes
amours chaviraient des prières
S’en
venaient les jours lessivés par les pluies
des
agonies paysannes piaulaient dans les grands lits
et
j’étais seul à les entendre
funèbrement dans les nues erraient les ossuaires
et
les âmes en colère bousculaient les ogives
c’était
un pays noir de flaques et de tourbes
Barde
de la grand’route
mes
chansons abordaient la grand’peine
S’en
venaient les jours transmis par le gel
les
persiennes avaient des yeux blancs
des
millions de silences gerçaient mes village
le
ciel n’était que morne Norvège
j’étais
seul à vivre en son linceul blond
des
cascades de givre giraient dans les bois
et
les lits des femmes étaient gris et froids
sans
la chaleur heureuse des jeunes amants
alors
je m’en allais par les sentiers blêmes
et
bohémien sans musique, sans Bohême
ma
marche tonnait ma solitude sur les pierres.

VERLAINEMENT
Adieu fêtes galantes
Comme la peine est pesante
Et dormante mon âme
Près de l’Aven avenante
Aimantes étaient les femmes Dans les maisons passantes
Violentes sont les larmes
Et les amours dolentes
Adieu les maisons mourantes
Comme les pluies sont navrantes !
La vie est cette flamme
Sous les braises gisantes
Ma vie ma revenante
Encore un peu de temps
Près de l’Aven avenante
Et Dieu que la joie est galante
Extrait de Et maintenant donnez-moi
|

|
|