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66 zone franche - Le forum de Francopolis » Textes » A R C H I V E S » Les textes du 01.09.2005 au 28.02.2006 » Sabine « précédent Suivant »

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yves
Envoyé vendredi 18 novembre 2005 - 23h36:   

Dernières pages retrouvés sur le carnet de Sabine, quelques jours avant sa mort, à l'âge de 15 ans. Elle a trouvé son seul refuge dans un amour imaginaire.
cet amour, elle allait le donner en partage en retrouvant le compagnon imaginaire de ses anciens poèmes, ce garçon avec lequel, en cavalcades infinies, elle chevaucherait enfin guérie sur les steppes et rencontrerait des pays et des gens :

(15)
« Tu te chaufferas au feu du paysan
- Je me chaufferai au feu du paysan .
Tu auras de vieilles lampes à pétrole ?
- Je les aurai.
- Un jardin de curé ?
- Un jardin de curé.
- Et un pot de basilic ?
- Et deux pots de basilic.
- Et ta pitié pour moi et ma pitié pour toi.
- Ne parle pas d’absence, toi qui ne sais pas.
Mets seulement ta joue contre la mienne.
As-tu jamais interrogé la porte qui doit s’ouvrir pour le retour
Et désespéré ?
As-tu jamais au petit jour songé qu’on pourrait
Ne plus se revoir peut-être et imaginé ?
Serre-moi plus fort.
Nos deux ombres séparées, que deviendraient-elles ? »
*
Sabine était trop épuisée pour écrire encore ses longs poèmes mais la beauté de ses dernier écrits si brefs nous montraient que cette magie qu’elle appelait son diable ne l’avait pas désertée. Elle projetait son angoisse sur un autre, mais aussi sa confiance immense en cette vie qui lui si implacable et si cruelle. Des tréfonds de sa propre misère elle conseillait et consolait ses amour rêvés :
*

N’oublie pas la chanson du soleil, Vassili.
Elle est dans les chemins craquelés de l’été
Dans la paille des meules
Dans le bois sec de ton armoire,
Si tu sais bien l’entendre.
Elle est aussi dans le chœur du criquet.
Vassili, Vassili, parce que tu as froid, ce soir,
Ne nie pas le soleil.
*
Amour, mon cher amour, je te sais près de moi
Avec ton beau visage.
Si tu changes de nom, d’accent, de cœur, et d’âge
Ton visage du moins ne me trompera pas.
Les yeux de ton visage, amour, sont près de moi
la clarté patiente des étoiles,
de la nuit, de la mer, des îles sans escales
Je ne crains rien si tu m’as reconnue.
Mon amour, de bien loin, pour toi je suis venue
Peut-être. Et nous irons Dieu sait où maintenant ?
Depuis quand cherchais-tu mon ombre évanouie ?
Quand t’avais-je perdu ? Dans quelle vie ?
Et qu’oserait le ciel contre nous maintenant ?
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pour Sabine
Envoyé dimanche 20 novembre 2005 - 22h19:   

Merci, Yves, pour ce nouveau poème. Combien me touche la jeunesse, le sort, le talent manifeste de cette malheureuse jeune fille. Si seulement elle pouvait savoir à quel point.

Il est certain que dorment des trésors de toutes sortes que nous ne connaîtrons jamais. Merveille d'internet qui va aider désormais à la transmission et à plus de vie pour ces poètes si durement frappés.
Si l'on pouvait embrasser une âme ...
(lilas)
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zeio
Envoyé lundi 21 novembre 2005 - 00h39:   

après avoir lu ce texte, j'ai fait une petite recherche et je suis tombé aussi sur :

http://www.francopolis.net/francosemailles/sabinesicaud.htm


Et je crois que je viens de faire une découverte...
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zeio
Envoyé lundi 21 novembre 2005 - 00h57:   

Merci infiniment Yves...C'est le genre de cadeau qui passe d'une main à l'autre, à notre insu, et qu'on n'oublie pas
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zeio
Envoyé lundi 21 novembre 2005 - 02h32:   

Yves,
J'ai ouvert cette page :

http://zeio.nexenservices.com/poesies/sabine-sicaud.htm

En ce qui concerne les droits (j'ai bien lu sur ta page que tu ne voulais pas qu'on reproduise ces lignes avant autorisation), je pense que l'auteure est depuis assez longtemps méconnue, maintenant, pour ne pas s'emberlificoter dans des problèmes de copyright. J'espère que tu seras d'accord avec moi, sans compter qu'après 50 ans (ou 75, je ne sais plus), les textes tombent dans le domaine publique.
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yves
Envoyé lundi 21 novembre 2005 - 23h15:   

Cher Zeio, tu ne peux imaginer la joie que j'ai pour ton écho aux quelques mots que j'ai pu mettre sur le forum et les semailles de francopolis ! Cette * petite Sabine de génie* si j'ose dire a été handicapée et jamais publiée de son vivant car...elle volait trop haut. Non pas seulement dans la littérature mais comme grande spirituelle. Un enfant qui à cet âge fait front devant une souffrance physique de tous les instants vers une mort prochaine est du domaine spirituel.
Certains l'ont compris : Anna de Noailles suand elle écrit de cet enfant : sa voix est d'une puissance inconnue à ce jour dans nos lettres et le critique Sabatier qui la place dans ses grands poètes du vingtième siècle. Quel retournement. Moi je ne tiens qu'à être son serviteur et témoin pour qUE TOUT ne se perde pas. Pour le moment, la chance m'a servi. Alors qu'elle n'avait rien publié, j'ai retrouvé pratiquement tout ce qu'elle a écrit y compris la publication chez Stock en 1958.J'indiquerai à ceux que Sabine intéresserait le moyen de se procurer le bouquin le plus complet à ce jour. Salut à tous !
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zeio
Envoyé lundi 21 novembre 2005 - 23h30:   

Cher Yves, je partage, vraiment, ton admiration...
À vrai dire, la découverte de cette auteure est une révolution pour moi. La sensation d'avoir ajouté une grande pièce à mon puzzle intérieur, en quelque sorte (La pièce en haut à droite du puzzle, celle où est dessiné le soleil), une pièce qui manquait pour que tout le paysage soit illuminé.

Je suis intéressé par le livre dont tu parles ! (je t'envoie un mail)
Bien à toi,
zeio
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lilas
Envoyé mardi 22 novembre 2005 - 01h57:   

J'ai découvert grâce au net qu' elle écrivait aussi des scénarios pour le cinéma et qu'Henri Thévenin a composé un recueil de pièces pour piano sur des poèmes de Sabine. Pas fini cette exploration qui m'a fait découvrir ou redécouvrir certains sites interessants. Merci encore à Yves . Je vais mettre un lien sur Realink.org. pour élargir le cercle . Pas eu le temps de voir si Wikipedia propose un article. Quelqu'un de qualifié pourrait le faire sinon.
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yves
Envoyé mardi 22 novembre 2005 - 17h38:   

Requiem pour un petit Elfe ( Qui termine mon roman de la vie de Sabine. En espérant ne pas vous agacer par mon insistance avec ce grand poète.
**
Il est parti, le petit elfe,
il est parti et sur son doigt
L’encre était encore fraîche.
Il est parti le petit elfe quand le silence
A fait son nid entre ses mains,Nous laissant seuls pour enchanter
Le bijou scarabée,
la chrysalide aux ailes imaginaires
Sous la feuille bleue du laurier.
Il sera mort, le petit elfe, et seul le saura juillet
Qui ce jour là montait à sa fenêtre

L’été dira : il n’est plus là, L’apprenti des fontaines
L’élève du soleil
Le sourire de l’herbe,
Parti A la poursuite du piéride
Du machaon et de la guêpe
En corset jaune
Et de sa reine verte

Il est parti
avec ce vent, celui qui Soudain tombe
quand l’enfant meurt,

parti en délaissant
les merveilles d’un corps de femme
au crabe à mille dents.

Il s’est éteint le petit elfe Pour la longue errance du temps,
quand le tambour du cœur a cessé de rouler.

Le bourgeon de cytise est seul à ses folies
Mais le nom de Sabine est là, contre l’oubli
En tous ses chants qui réchauffent les rues, tout ce qui signe par l’écrit
un avenant secret aux vieux commerces du mystère.

Que devient au matin son château Solitude
ce pied qui sort du lit pour tâter la rosée
cette aile qui se pose
au balcon d’un jour clair ?


Quelle chance est la nôtre
De dire un dernier chant à l’elfe abandonné
Qui gît aux sables noirs, mémoire des déserts!
Quel bonheur de pleurer encore de ferveur
Nous qui restons présents
à nos durs désirs d’être !


Demain, au vent d’autan grinceront nos volets,
Flotteront des rubans d’aurore dans la chevelure des prés.
Le petit elfe, je l’entends nous moquer :
Que faites-vous, les vieux, tout voûtés sur ce trou ?

Ici, ne gardent ma mémoire
que l’écorce usée du platane et ses mots gravés au couteau
Quand le petit elfe était triste
Toi aussi Vassili, tu restes
Sur notre steppe imaginaire,
à promener notre amour fou !
Heureuse au fond ta fiancée
qui mourut en mêlant sur ses lèvres
ton nom au dernier souffle, loin des roues aux supplices.
Elle n’ouvrira pas ce soir comme une figue fraîche
La tombée de ce jour !

Regarde, Vassili, pour ce dernier passage
Du petit elfe, la campagne se penche, comme un chien attentif
derrière le remblais.
Elle seule sait le poète,
quand ceux qui suivent n’ont pas compris.
Son chant n’était pas littéraire son vers était d’un vert trop tendre, ou parfois déchirant son chêne qu’on arrache ?
Peut-être, un jour, ouvrant un livre
Soudain, comme une ondée de printemps
entendront-ils derrière leur fenêtre
ces mots vivants du petit elfe qui donna la parole au cyprès de Florence, au cèdre du Liban, à ceux qui souffrent en silence
et tous reconnaîtront sous leur déguisement
quelques rêves d’enfant,
mis à sécher au fil des mots, au fil du temps.

On aimerai tant, petit elfe, au ciel
, te voir déguisé en servante
Attendant sur le quai d’une petite gare de Gascogne ou d’ailleurs, de celles
que ne visiteront jamais
Les longs convois de la fatigue.

débarqueraient des trains tous gorgés de poèmes.
Un ouvrier très beau allumerait tes mots
comme les restes d’un chantier.

Ah ! j’aimerais , comme Villon, te dédier cet envoi :
Ayez pour ce petit elfe pitié,
Frères humains aujourd’hui et demain.
il a appris trop tard ce qu’était la santé.
Ce que vous espériez il n’a pas eu le temps
de le dire !


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zeio
Envoyé mardi 22 novembre 2005 - 21h45:   

Comme tu le sais, ça ne m'agace pas du tout...Merci, yves, pour ce poème.
Merci aussi à Lilas, pour ce partage passionné.


Je me permets aussi de mettre le lien vers un nouvel article :

http://zeio.nexenservices.com/zeio/sabine-sicaud.htm


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Christiane
Envoyé mercredi 23 novembre 2005 - 01h34:   

Ce soir 22 novembre, je lis "Requiem pour un petit Elfe"

Et je pense à ces poètes si jeunes pour mourir alors que le poème cherchait à prendre envol. Nelligan, E. Dickinson, etc.

Finalement on ne décolle jamais, on ne part pas, on rentre

pour mourir

Merci Yves
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yves
Envoyé jeudi 24 novembre 2005 - 23h56:   

Merci pour ton texte illustré. Pour une fois, je lis un commentaire aussi beau que ce qu'il commente. En le lisant, et j'en reçois d'autres on a le même questionnement que Sabine: qu'est-ce qui se passe ? Mais qu'est ce qui s'est passé ? Que s'est-il passé pour Mozart ? Mais Rien. le plus simplement rien. Ce qui devait être dit l'a été. Quand je lis les critiques c'est la même chose. Un enfant de quinze ans dont Robert Sabatier dit tranquillement : c'est un des grands poètes du vingtième siècle, et l'écrit c'est incroyable. Et Anna de Noailles qui ajoute : la puissance de sa voix est telle qu'elle n'a rien qui s'en rapproche dans notre littérature. On aurait presque envie d'en rire en se disant qu'ils y vont fort si ce n'était la revanche au mépris de son époque. Première publication trente ans après sa mort! Cela fait soixante dix - sept ans maintenant que ses poèmes ont trouvé un livre...et le Net !
M'autorises-tu à reproduire tes articles? Je sais qu'ils seront lus avec reconnaissance dans les deux sens...Amitié et complicité. Yves
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zeio
Envoyé vendredi 25 novembre 2005 - 13h49:   

Bien sûr, Yves, tu peux reproduire les articles. Je suis content qu'ils te plaisent.
À bientôt
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nao
Envoyé vendredi 25 novembre 2005 - 14h29:   

Passionnant ton site zeio...
Savez vous si on peut encore se procurer le recueil de Sabine?
Merci

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