|    Il 
                      arrive un moment où lire finit par entraîner 
                      une certaine lassitude. On se dit, à tort ou à 
                      raison, que le texte est du déjà lu, que l'affaire 
                      est depuis longtemps entendue, que l'auteur fait des reprises. 
                      Qu'en étalant sa vie il raconte ce qui n'est ni tout 
                      à fait un mensonge ni tout à fait la vérité. 
                      Bref, même bonne, il ne nous offre que sa littérature. Mais un jour de chance, à l'improviste, un livre 
                      ou un manuscrit vous tombe des mains. Non, vraiment, cette 
                      voix jamais on ne l'a encore entendue, un auteur aussi profond 
                      , on ne l'a jamais croisé. Son histoire est inouïe, 
                      tout autant que celle qu'il raconte. Il est ailleurs et 
                      autre chose.
 C'est ainsi que Sabine Sicaud a débarqué je 
                      peux bien dire dans mes pensées ou mon existence, 
                      quand une voisine des moins littéraires m'a apporté 
                      un bouquin jauni, et le sourire de cet enfant en couverture, 
                      avait l' air des anges tristes de Botticelli. Bref, son 
                      écriture allait être au mieux gentille et sentimentale.
 Or, si l'histoire de l'auteur collait avec 
                      son portrait elle était bien au dessus de ce que 
                      j’attendais. Un conte de fée à l' ancienne.
 
 Sabine Sicaud, sur cette couverture n’avait pas 15 
                      ans. L'âge de ses derniers poèmes et de sa 
                      disparition.
 Nous trouvons aussi dans le même livre une photo datant 
                      de ses tout premiers textes. (Neuf ou dix ans ?) Mais qui 
                      à cet âge ne s'est amusé avec les mots 
                      ? Donc cette petite fille s'était mise à écrire. 
                      Pourquoi ?
 Personne n'en sait rien et ce n'est d'aucune importance. 
                      Comme de se demander qui a envoyé quelques uns de 
                      ses poèmes d'enfant à un concours de poésie 
                      national où dans le jury trônait une poétesse 
                      célèbre à l'époque : Anna de 
                      Noailles, et deux écrivains reconnus : Marcel Prévost 
                      et Jean Richepin. A partir de là, tout s 'embrouille. 
                      Sabine n'a pas eu, semble-t-il le prix. Il était 
                      impensable pour ce qu'on nommait des gens de lettres qu'une 
                      gosse de neuf ans possède une telle maîtrise 
                      de la langue et en particulier qu'elle réduise avec 
                      une telle facilité les pièges de la poésie 
                      rimée et de la prose poétique. Il fut donc 
                      décidé devant ce grand doute de faire venir 
                      cette petite Sabine chez Prévost, qui allait lui 
                      donner un titre de poème. A elle de l' écrire 
                      sous ses yeux dans son parc. Ce poème serait ensuite 
                      proposé à divers concours et on verrait bien. 
                      On a vu. Le poème sur thème imposé 
                      se trouva être plus beau que le poème sur lequel 
                      portait le doute, et ce prix qu'on refusait ici à 
                      Sabine elle allait le partager sur les autres concours. 
                      Il fallait donc se résoudre à l’évidence 
                      : on avait affaire non pas à une petite fille étonnamment 
                      douée mais à un poète déjà 
                      majeur dont l'âge importait peu.
 On n’a plus grand chose à 
                      apprendre quand à 9 ans on a déjà écrit 
                      sur son cahier d’écolière : 
                      
                        | « Vous qui lisez 
                            ,le front penché, dans une chambre,
 sentez-vous donc pas qu’au seuil froid de novembre
 Tout ce maroquin neuf et 
                            ces parchemins d’or  Sont faits pour que, ce 
                            soir, on traduise dehors, uniquement les strophes 
                            du platane ? » 
 |  Ou encore : 
                      
                        | « A voix 
                          basse, bouche fermée comme les chanteurs de l’Ukraine
 l’océan dit ses peines. »
 |   Et encore en ces mêmes lieux du 
                      bord de mer : 
                      
                        | « Non, ne me dites pas 
                          tout haut
 L’histoire des pins sur la dune
 L’histoire vraie en quatre mots
 Puisque je vois au clair de lune
 Au clair du soleil, verte ou brune
 Marcher la forêt devant moi.
 Puisque c’est vrai, lorsque j’y crois… 
                          »
 |   Sabine ne va jamais chercher loin la poésie :
 
                      
                        | « Un train sur le talus se hâte avec des 
                            plaintes
 Mais l’horizon tout rose et mauve qu’il 
                            rejoint
 Transpose le voyage en couleurs de légende
 On regarde un instant vers ces trains qui s’en 
                            vont
 Traînant leur barbe grise et c’est vrai 
                            qu’ils répandent
 Un peu de nostalgie au fil de l’été 
                            blond. »
 |  Parfois elle voyage avec des ombres : 
                      
                        | « Alors, si vous voulez, 
                          un livre – pas des livres – Un seul, mais 
                          beau comme le printemps vert
 L’été 
                          doré, le rouge automne grand ouvert
 Plein d’oisillons 
                          bavards et de papillons ivres ! »
 |  (bien sûr on sent que ces vers sont d’un enfant. 
                      Et cela nous rassure…à moitié ) On le 
                      sera encore moins à l’évocation de cette 
                      ville de Florence imaginaire quand le printemps la quitte. 
                      Voilà une petite bonne femme soudain érudite 
                      et comme Rimbaud, et il fallait l’être pour 
                      dire) : )
 
                      
                        | « Ah ! Le printemps, 
                          depuis, n’est plus un vrai printemps ! Il n’a plus la couleur des vitraux, vos couleurs, 
                          Sante Maria les fleurs,
 Et celles de l’Arno
 Sous 
                          les ponts recourbés où passait Béatice.
 Le soleil qui baignait la Salle des Offices
 N’a 
                          plus cet or subtil des matins déjà chauds
 Le long des murs anciens et des champs de repos
 Les 
                          rossignols, depuis, ont tous une voix triste
 Et l’aube 
                          qui persiste
 A l’ombre des cyprès, je ne 
                          la connais plus.
 Nos jardins d’autrefois, nous les avons perdus 
                          »
 |   Car cette petite fille semble n’avoir 
                      guère voyagé mais son grand’père, 
                      amis de Jaurès, l’avait entretenu des événements 
                      et pays du monde. Cela fait penser à son grand frère 
                      des lettres, lui aussi adolescent prodige et mort de gangrène, 
                      Arthur Rimbaud, qui n’a jamais embarqué sur 
                      son bateau ivre.
 Que s’est-il donc passé pour ces deux êtres 
                      ? Rien. Tout simplement rien. Ou si l’on veut un mot 
                      : le génie. Sabine parlera à mots couverts 
                      de ce qu’on nomme inspiration :
 
                      
                        | « Où, quand, 
                          sur quel chemin faut-il l’attendre et sous quels 
                          traits la reconnaîtront-ils Ceux qui, depuis toujours 
                          l’habillent de leur rêve ?
 Est-elle dans le bleu de ce jour qui s’achève
 Ou dans l’aube du rose avril ?
 Ecartant les blés murs, paysanne aux mains brunes,
 Sourit-elle au soldat blessé ?
 Comment la voyez-vous, pauvres gens harassés
 Vous, mères qui pleurez et vous, pêcheurs 
                          de lune ?
 Est-elle retournée aux bois sacrés
 Aux missels fleuris de légendes ?
 Sort-elle, vieux Corot, dans les brouillards dorés.
 Dans les tiens, couleur de lavande
 Doux Puvis de Chavannes ? ou, tiens
 Peintre des songes gris, mystérieux Carrière 
                          ?
 Où s’épanouit-elle, Henri Martin, 
                          dans ta lumière ?
 On ne sait pas. On ne sait pas.
 Qui se ressemble ?
 Et se ressemblât-on, qu’importe. Il me convient
 De n’entendre ce soir nulle parole vaine »
 |  On est tenté de pardonner à 
                      ceux qui n’ont pas voulu croire qu’une fillette 
                      de neuf ou dix ans avait pu écrire cela… 
                      
                        |   « 
                            Des livres…mais un ciel de Londres Et des larmes 
                            sur les carreaux en train de fondre
 Manteaux sentant 
                            le vétiver
 Chats en boule, manchons, marrons 
                            l’hiver.
 J’attends 
                            –comme le font derrière la fenêtre 
                           Le vieil arbre sans geste et le pinson muet…
 Une goutte d’eau pure, un peu de vent, qui sait 
                            ?
 Qu’attendent-il ? Nous t’attendrons
 Ensemble.
 Le soleil leur a dit qu’il reviendrait, peut-être 
                            … »
 |   
  Ce 
                      poème semble prémonitoire de ce qui attend 
                      cette petite fille : Quatre ans d’une vie de souffrances 
                      implacables qui va la mener, à un âge où 
                      l’on joue encore au croquet, à une spiritualité 
                      universelle, qu’elle saura écrire et dont quelques 
                      lambeaux nous sont parvenus grâce à ceux qui 
                      ont fait des recherches et l’ont enfin-publiée. 
 Car la vie de la petite fille follement amoureuse de l’existence 
                      et de la nature et qui savait si bien la chanter allait 
                      brusquement basculer dans le drame même si, par un 
                      étonnant retournement, cette catastrophe inopinée 
                      allait nous livrer une des grandes voix inattendue des écrits 
                      du vingtième siècle, comme beaucoup de critiques 
                      vont l’estimer mais trop tard, après que tous 
                      les hommes de lettre aient douté qu’elle soit 
                      réellement l’auteur de ces écrits de 
                      ses 14 ans. Et de ce fait elle ne se verra guère 
                      imprimée de son vivant.
 
 Il aura suffi pour dérouter son destin de petite 
                      fille heureuse d’une promenade malheureuse sur les 
                      bords du Lot et d’une légère blessure.
 Celle-ci va s’infecter et la plaie sera envahie par 
                      le pire des microbes, l’ anaérobie des gangrènes 
                      en un temps où il n’y avait aucun moyen de 
                      lutter contre ce genre d’infection. La gangrène 
                      allait envahir la jambe de Sabine, occasionnant des douleurs 
                      atroces en décomposant ses tissus, puis des poussées 
                      de septicémie s’attaqueront à tout son 
                      corps qui s’épuisait contre la fièvre 
                      dans une lutte sans espoir.
 
 C’est contre ce destin tragique que Sabine, à 
                      14 ans, allait chercher son seul recours dans la passion 
                      de vivre et dans la poésie. Elle passera par tous 
                      les sentiments, depuis la révolte violente qui la 
                      fera hurler des jours et des nuits, révolte quasi 
                      métaphysique qui faisait dire à Anna de Noailles 
                      que cet enfant inconnu avait une voix d'une puissance inégalée 
                      dans nos lettres*. Tandis que le critique Robert Sabatier 
                      , découvrant les poèmes de Sabine vingt ans 
                      après cette mort qui l'avait enfin délivrée 
                      de son calvaire n'hésitait pas à écrire 
                      dans son anthologie des poètes du vingtième 
                      siècle que cet enfant de 15 ans n'était pas 
                      une gosse surdouée, ou quelque phénomène 
                      des lettres mais que son inspiration, puisée au plus 
                      profond de la souffrance physique et morale surmontées 
                      grâce à l’écriture la plaçait 
                      parmi les grands noms de notre littérature.
 Je n'ai pas la prétention de me prononcer sur ce 
                      jugement qui peut paraître tenir du sensationnel, 
                      simplement parce que je ne le partage pas.
 
 On n' entre pas dans la lecture des textes de Sabine comme 
                      en un haut lieu littéraire mais comme en un de ces 
                      moment exceptionnels de la grande spiritualité. L'extrême 
                      souffrance portée, ennoblie en lutte pour la vie, 
                      une espérance jamais abandonnée, un amour 
                      de la condition humaine dans ce qu'elle peut avoir de pire 
                      restent universels. , Elle pourrait être notre condition 
                      un jour où l'autre et cela fut sans doute celle de 
                      certains enfants innocents soumis à la torture et 
                      qui ont regardé leurs bourreaux et la mort dans les 
                      yeux.
 Sabine entra autant en révolte contre 
                      cette pitié qui l’accablait et que jamais elle 
                      n’a demandée, que contre ces médecins 
                      qui ne pouvaient que lui mentir sans cesse. Elle aurait 
                      vécu maintenant il est probable qu’elle aurait 
                      guéri et qu’en tout cas on aurait tout fait 
                      pour qu’elle ne meure pas en souffrant pendant des 
                      mois comme une bête. Elle ne nous aurait pas laissé, 
                      c’est vrai, ce qui est sans doute parmi les plus beaux 
                      textes humains sur la souffrance et l’imbécillité 
                      d’une mort d’enfant, On n’aurait pas non 
                      plus ses poèmes d’un grand amour rêvé, 
                      mais n’est-ce pas trop cher payé ?  
                      
                        | Douleur, 
                            je vous détestepoème écrit pour protester contre celui 
                            de la Comtesse Anna de Noailles intitulé : 
                            "L’honneur de souffrir"
 Douleur, 
                            je vous déteste, ah ! Que je vous déteste 
                            !Souffrance, je vous hais, je vous crains, j’ai 
                            l‘horreur
 De votre guet sournois, de ce frisson 
                            qui reste
 Derrière vous, dans la chair, dans 
                            le cœur…
 Derrière vous, parfois 
                            vous précédant
 J’ai senti cette 
                            chose inexprimable, affreuse :
 Une bête invisible aux minuscules dents
 Qui vient comme la taupe et fouille et mord et creuse
 Dans la belle santé confiante, pendant
 Que 
                            l’air est bleu, le soleil calme, l’eau 
                            si fraîche !
 Ah ! Honneur de souffrir ?
 Souffrance aux lèvres 
                            sèches,
 Souffrance laide quoiqu’on dise 
                            quelque soit
 Votre déguisement, souffrance
 Foudroyante ou tenace ou les deux à la fois
 Moi je vous vois comme un péché, comme 
                            une offense
 A l’allègre douceur de vivre, 
                            d’être sain
 Parmi des fruits luisants, 
                            des feuilles vertes
 Des jardins faisant signe aux 
                            fenêtres ouvertes…
 De gais canards courent 
                            vers les bassins
 Des pigeons nagent sur la ville, 
                            fous d’espace.
 Nager, courir, lutter avec le vent qui passe,
 Est-ce 
                            donc pas mon droit puisque la vie est là
 Si 
                            simple en apparence…en apparence !
 Faut-il être ces corps vaincus, ces esprits 
                            las
 Parce qu’on vous rencontre un jour, souffrance
 Pu croire à cet honneur de vous appartenir
 Et dire qu’il est grand, peut-être, de 
                            souffrir ?
 Grand ? Qui donc en est sûr et que m’importe 
                            !
 Que m’importe le nom du mal, grand ou petit
 Si je n’ai plus en moi, candide et forte
 La joie au clair visage ? Il s’est menti
 Il se 
                            ment à lui-même, le poète
 Qui 
                            pour vous ennoblir vous chante…
 Je vous hais 
                            Vous êtes lâche, injuste, criminelle, 
                            prête
 Aux pires trahisons ! Je sais
 Que vous 
                            serez mon ennemi infatigable
 Désormais. Désormais 
                            puisqu’il ne se peut pas
 Que le plus tendre 
                            parc embaume de lilas
 Le plus secret chemin d’herbe 
                            folle ou de sable Permette de vous fuir ou de vous 
                            oublier !
 Chère ignorance en petit tablier
 Ignorance aux pieds nus, aux bras nus, tête 
                            nue
 A travers les saisons ignorance ingénue
 Dont le rire tintait si haut. Mon ignorance
 Celle 
                            d’Avant, quand vous m’étiez une 
                            inconnue
 Qu’en a-t-on fait, qu’en faites-vous, 
                            vieille souffrance ?
 Vous pardonner cela qui me change le monde ?
 Je vous hais trop ! Je vous hais trop d’avoir 
                            tué
 Cette petite fille blonde
 Que je vois au 
                            fond d’un miroir embué…
 Une autre 
                            est là, pâle, si différente !
 Je ne peux pas, je ne veux pas m’habituer à 
                            vous savoir entre nous deux, toujours présente
 Sinistre Carabosse à qui les jeunes fées
 Opposent vainement des pouvoirs secourables !
 Il était une fois…
 Il était une fois, pauvres voix étouffées 
                            !
 Qui les ranimera, qui me rendra la voix
 De cette source, fée entre toutes les fées
 Où tous les maux sont guérissables ?
 |  
                      Elle écrivait aussi peu de temps avant sa mort au 
                      jeune homme aimé en rêve qu’elle appellera 
                      Vassili : De Sabine Sicaud –retrouvé dans : 
                      Feuilles de carnet
 
 
                      
                        | N’oublie pas la chanson 
                          du soleil, Vassili. Elle est dans les chemins craquelés 
                          de l’été,dans la paille des meules,dans 
                          le bois sec de ton armoire,si tu sais bien l’entendre.Elle 
                          est aussi dans le cri du criquet.Vassili, Vassili, parce 
                          que tu as froid, ce soir,ne nie pas le soleil. [...] * * * La
 main des dieux, tu peux refuser de la prendre. La main 
                          du mendiant, tu
 peux aussi. Toutes les mains qui frôleront la 
                          tienne, tu peux les oublier.
 La main de ton ami, ferme les doigts sur elle, et serre-la 
                          si fort que le sang de ton cœur y batte avec le 
                          sien au même rythme.
 * * * Ne regarde pas si loin, Vassili, tu me fais
 peur.N’est-il pas assez grand le cirque des steppes 
                          ?Le ciel s’ajuste au bord.Ne laisse pas ton âme 
                          s’échapper au delà comme un cheval 
                          sauvage.Tu vois comme je suis perdue dans l’herbe.J’ai 
                          besoin que tu me regardes,
 Vassili. * * * – Tu te
 chaufferas au feu de paysan ?– Je me chaufferai 
                          au feu de paysan.– Tu auras de vieilles lampes 
                          à pétrole ?– Je les aurai.– 
                          Un jardin de curé ?– Un jardin de curé.– 
                          Et un pot de basilic ?– Et deux pots de basilic. 
                          Et ta pitié pour moi et ma pitié pour 
                          toi.
 |  ****** 
                      
                        | Ah ! Laissez-moi crier, 
                            crier, crier … Crier à m’arracher la gorge !
 Crier comme une bête qu’on égorge,
 Comme le fer martyrisé dans une forge
 Comme l’arbre mordu par les dents de la scie,
 Comme un carreau sous le ciseau du vitrier…
 Grincer, hurler, râler. Peu me soucie
 Que les gens s’en effarent. J’ai besoin
 De crier jusqu’au bout de ce qu’on peut 
                            crier.
 Les gens ? Vous ne savez donc pas comme ils sont loin
 Comme ils existent peu, lorsque vous supplicie
 Cette douleur qui vous fait seul au monde ?
 Avec elle on est seul, seul dans sa geôle
 Répondre ? Non. Je n’attends pas qu’on 
                            me réponde.
 Je ne sais même pas si j’appelle au secours
 Si même j’ai crié, crié 
                            comme une folle
 Comme un damné toute la nuit et tout le jour
 Cette chose inouïe, atroce, qui vous tue
 Croyez-vous qu’elle soit
 Une chose possible à quoi l’on s’habitue
 Cette douleur, mon Dieu, cette douleur qui tue
 Avec quel art cruel de supplice chinois
 Elle montait, montait à petits pas sournois
 Et nul ne la voyait monter, pas même toi
 Confiante santé, ma santé méconnue
 C’est vers toi que je crie, ah c’est vers 
                            toi, vers toi !
 Pourquoi, si tu m’entends n’être 
                            pas revenue ?
 Pourquoi me laisser tant souffrir, dis-moi pourquoi
 Ou si c’est ta revanche et parce qu’autrefois
 Jamais, simple santé, je ne pensais à 
                            toi ?
 (Sabine Sicaud. « Le rêve inachevé 
                            »,
  (extrait des dossiers 
                            d’Aquitaine, Odile Ayral-Clause.) 
 |  Et ceci, de la même adolescente, sans transition, 
                      en un moment de douleur surmontée :
 
                      
                        | Le chemin de l’amour
 Amour, 
                            mon cher amour, je te sais près de moi Avec 
                            ton beau visage.
 Si tu changes de nom, d’accent, de cœur 
                            et d’âge
 Ton visage du moins ne me trompera 
                            pas.
 Les yeux de ton visage, amour, ont près de 
                            moi
 La clarté patiente des étoiles,
 De la nuit, de la mer, des îles sans escales.
 Je ne crains rien si tu m’as reconnue
 Mon amour, de bien loin, pour toi je suis venue.
 Peut-être . Et nous irons Dieu sait où 
                            maintenant ?
 Depuis quand cherchais-tu mon ombre évanouie 
                            ?
 Quand t’avais-je perdue ? Dans quelle vie ?
 Et qu’oserait le ciel contre nous maintenant 
                            ?
 |  Elle a eu aussi de ces cris de colère :
   
                      
                        | Aux médecins qui 
                          viennent me voir *
 « Je ne peux plus, je ne peux plus, vous voyez 
                          bien…
 C’est tout ce que je puis.
 Et vous me regardez et vous ne faites rien.
 Vous dites que je peux, vous dites – aujourd’hui
 Comme il y a des jours et des jours – que l’on 
                          doit
 Lutter quand même et vous ne savez pas
 Que 
                          j’ai donné toute ma pauvre force, moi, 
                          tout mon pauvre courage et que j’ ai dans mes 
                          bras
 Tous mes efforts cassés, tous mes efforts trompés
 Qui pèsent tant, si vous saviez !
 Pourquoi ne pas comprendre ? Au bois des oliviers Jésus 
                          de Nazareth pleurait, enveloppé
 D’une moins 
                          lourde nuit que celle où je descends.
 Il fait noir. Tout est laid, misérable, écœurant 
                          Sinistre…
 Vainement, vous tentez en passant
 Un 
                          absurde sourire auquel nul ne se prend.
 C’est d’un geste raté, d’une 
                          voix sonnant faux
 Que vous me promettez un secours pour 
                          demain.
 Demain ! C’est à présent, tout de 
                          suite, qu’il faut
 Une main secourable dans ma 
                          main.
 Je suis à bout…
 C’est tout ce que je peux souffrir, c’est 
                          tout.
 Je ne peux plus, je ne crois plus, n’espère 
                          plus.
 Vous n’avez pas voulu
 Pas su comprendre, sans pitié
 Vous me laissez souffrir ma souffrance…Au moins
 Faites-moi donc mourir comme on est foudroyé
 D’un seul coup de couteau, d’un coup de 
                          poing
 Ou d’un de ces poisons de fakir, vert et 
                          or,
 Qui vous endorment pour toujours, comme on s’endort
 Quand on a tant souffert, tant souffert jour et nuit
 Que rien ne compte plus que l’oubli, rien que 
                          lui… »
 *
 (Sabine Sicaud. Le rêve 
                          inachevé)
 |   Note sur les publications dernières.Je viens de citer ici quelques textes écrits pendant 
                      son calvaire mais je vous demanderai de vous garder de les 
                      diffuser vers des sites inconnus tant que je n’aurai 
                      pas l’autorisation écrite du dernier éditeur 
                      ayant le copyright, ce dont je vous ferai part.
 *******
 Ces textes et bien d’autres (rassemblés par 
                      divers auteurs, dont MmeOdile Ayral-Clause ) sont en effet 
                      publiés en 1996 par les Dossiers d’Aquitaine 
                      dont le siège est à Bordeaux sous le titre 
                      de "Le rêve inachevé" C’est 
                      le livre le plus important et le plus complet à ma 
                      connaissance sur cet enfant de génie avec des critiques 
                      et bon nombre de ses poèmes que j’ai l’autorisation 
                      gracieuse de reproduire dans cet article. Il est possible 
                      de se le procurer chez l’éditeur avec qui je 
                      partage plus que de l’admiration, mais disons de l’amour, 
                      pour cette adolescente d’exception.
 Dossiers d’Aquitaine 7 impasse Bardos, 33800 Bordeaux 
                      le prix franco de port 12 euros.
 **********
 La première photo représente Sabine à l'âge 
                      de 15 ans. Sur la seconde elle a environ 10 ans. Ces photos 
                      se trouvent dans le livre "Le rêve inachevé", 
                      dossiers d'Aquitaine.
   
                      
                        Yves Heurtépour Francopolis
 octobre  2005
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