Articles sur les poètes et la poésie francophones
contemporains |
|
|
Bob Dylan prix Nobel par Nicole Barrière Exposition de ses peintures,
aquarelles et dessins à Halcyon Gallery Londres (5 novembre - 11 décembre
2016) |
Moi j'étais fan de Dylan et je pense que cette
génération de d’auteurs interprètes a beaucoup fait évoluer la poésie. Oui avec Dylan les temps ont vraiment changé. Il a
dépoussiéré les coincés de la littérature. Et nous aurions bien besoin d’un
nouveau bol d'air ces temps-ci... Je me fiche des prix, mais quand ils osent
transgresser un peu les conventions… ça fait du bien ! Quand même Dylan ça déménageait, bon on ne va pas
jouer les vieux c… en se rappelant nos 10 -15 ans, mais c’est bien cette
génération qui nous fait rêver, nous a fait envoler. Dylan c’était un géant de l’engagement, une figure
de proue. Et puis avec la musique, il a fait traverser l’Atlantique à tous
ces rythmes de blues, de jazz, de rock, de folk, il nous a transmis le
meilleur de l’Amérique. Oui mais à qui ? C’est là où l’idée de
qu’est-ce que la littérature se frotte… pas aux classes privilégiées
(quoique) mais à un public populaire qui va guincher le samedi soir et qui se
rassemble dans des fêtes. Je ne dirais pas que je suis entrée en littérature
avec Dylan… mais écouter Dylan et les Stones, cela a changé ma vision de la
poésie, qui il est vrai dans les programmes scolaires s’arrêtait à
Baudelaire. Il y avait les chanteurs français qui faisaient
découvrir les poèmes d’Aragon, mais la modernité c’était le mouvement de
contestation beatnik, et c’était Dylan et Joan Baez. Et on adorait ça,
c’était des mots, des engagements et un style nouveau, complètement nouveau,
c’était un vent de liberté. La littérature doit être du côté de la vie, et c’est
bien cela que la voix nasillarde de Dylan, ses traits d’harmonica et ses
musiques incroyables transmettent. Ah c’est pas de la littérature… mais c’est quoi la
littérature ? les chansons de Dylan sont des textes, qui annoncent
des temps nouveaux, ça c’est de la littérature ! Ah oui, aussi Dylan nous entraine dans un mouvement
collectif de protestation, et c’est cette dimension qui me semble importante
aujourd’hui pour réveiller le monde et le sortir de ses démons, dont le
conformisme petit bourgeois des autofictions et autres petites histoires de
vie ! Dylan c’est l’engagement pour l’universel, c’est contre la guerre,
c’est contre la société où on marchandise tout, c’est New York et sa bohème,
l’art et la vie. Oh bien sûr cela ne changera pas le monde, mais cela
fait une piqure de rappel de ces années où on osait contester, c’est génial
que le Nobel fasse ce signe, c’est une bonne nouvelle… C’était qui les autres nobélisables ? On s’en
fout finalement, là depuis 2 jours on écoute Dylan, ses chansons n’ont pas
pris une ride, contre la guerre, contre toutes les doctrines réacs etc… ça
c’est de la littérature, c’est du débat d’idées, c’est des choix pour
l’avenir. Aujourd’hui dans les bouillons tièdes des émissions
littéraires, on s’emmerde, vraiment on s’emmerde ! Et dans les débats littéraires où s’affrontent les
petits égos aux dents bien acérées, on s’emmerde aussi, car rien de collectif
n’est proposé, c’est toujours des petits moi moi moi qui cherchent à se
mettre en avant, piétinent allégrement les copains, alors cette
littérature-là, elle ne fait ni rêver, ni rencontrer, ni résister, elle sent
la naphtaline des années sombres, elle sent le renfermé, et on a besoin
d’air. Ouais Dylan c’est un chanteur, et alors la poésie
c’est l’oralité non ? et on va le redécouvrir, l’écouter, le fredonner,
et on va le lire aussi. Ça changera des petites histoires à deux balles qu’on
nous sert à longueur de radio ou télé. Allez juste pour le plaisir allez écouter
« just like a woman » https://www.youtube.com/watch?v=ljbxm_sKC90&index=22&list=RD35gheud5xBo Nicole Barrière le 14 octobre 2016 |