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Pour une Culture Politique Critique

à travers les livres et la lecture de fiction


 par Yves Heurté


« La porte la mieux fermée est celle qu'on peut laisser ouverte. » Proverbe chinois

  • Culture politique
    contre Idéologies



Culture Politique contre Idéologies

Le sujet que je vais tenter d'aborder ici est difficile et certains m'ont dit qu'étant écrivain de fiction il ne convenait pas que je sorte de mon rôle. Les mêmes qui trouveraient normal que tel ou tel politique prenne la plume. Je pense que nous sommes dans une époque cruciale où il ne faut pas déserter la jeunesse, même et surtout quand elle se trouve en grande difficulté ni se laisser intimider par une incompréhension entre générations liée à l'extraordinaire accélération des mentalités.

Il conviendrait d'emblée que j'éclaircisse le titre de mon intervention. Dans l'idéologie il y a une analyse politique préétablie qui entraîne une certaine idée de l'homme et définit un modèle de société et de pouvoir qu'il conviendrait d'atteindre et de maintenir coûte que coûte. La liberté de jugement et la critique n'est donc par le fort des idéologues comme de tous ceux qui prétendent posséder la vérité.

Très succinctement, la culture politique au contraire est une critique permanente du fait social et de l'idéologie au pouvoir. En quelque sorte dans la première on "se fait à une opinion" dans l'autre on "se fait une opinion" Dans la première on adhère dans l'autre on évolue.

L'application d'utopies révolutionnaires qui semblaient au départ fondées sur des études économiques et sociales scientifiques ont donné des résultats la plupart du temps décevants, sinon catastrophiques dans leur effondrement. L'homme social théorique auquel elles prétendaient s'appliquer n'a pas marché. Notamment, aucune idéologie révolutionnaire se prétendant rationnelle n'a su résoudre l'irrationnel des hommes qu'elle portait à sa tête, si souvent affligés de troubles mentaux sévères avec des centaines de millions de morts à la clef.

Ces faillites monstrueuses ont mis à mal chez tous la confiance en l'homme, principalement dans les nouvelles générations, les plus fragiles. Il est banal de dire qu'elles ont laissé un vide politique ouvrant tout grand le champ à la domination d'un néocapitalisme triomphant fondé sur l'avance fulgurante de technologies incontrôlables car diffuses et inattendues et sans autre référence que les lois du marché et un pouvoir mondial.

Il en résulte une guerre économique générale et sans quartier dont les plus faibles font les frais. L'accélération effrénée des technologies force les spéculateurs à les utiliser dans la guerre économique dès leur apparition, sans qu'il soit question d'en prévoir les conséquences. L'efficacité à court terme doit primer toute philosophie comme tout projet social.

La jeunesse se sent perdue devant l'instantanéité d'échange de l'information qui crée la valse des idées et des capitaux, jointe au conditionnement massif et simultané de centaines de millions d'êtres par les médias, conditionnement dont la cible est surtout elle qu'il s'agit d'installer dans la consommation, et l'école destinée à donner des "jeunes produits" dociles, le tout complété par une acculturation de l'adolescence submergée par la communication.

Nos nouvelles utopies voudraient faire croire à une libération de l'homme par la multiplication des biens. Les nouvelles technologie seraient d'évidence la source incontournable de tout progrès et de tout pouvoir sans qu'il soit défini de quel progrès il s'agit, alors qu'on sait bien de quel pouvoir.

Nos jeunes en occident sont massivement soumis à cette forme de pensée unique, d'autant qu'ils sont journellement hachés par la publicité incontournable de l'image, dominée par de puissants lobbies qui arrivent à leur asséner comme étant une information libre ce qui n'est plus guère que communication. Beaucoup s'angoissent et ironisent, d'autres cassent et rejettent tout en bloc, d'autres cherchent des espaces respirables dans les organismes non gouvernementaux et non idéologiques: associations de lutte contre la violence, ONG, mouvements caritatifs, bref ce qu'on pourrait nommer humanisme. Mais leur révolte généreuse reste immédiate et ponctuelle car l'analyse politique critique est difficile particulièrement à l'âge de l'adolescence emportée dans un flot anarchique de contre informations et de conditionnements diffus.

Du coup, la majorité de l'élite intellectuelle des jeunes adultes va s'efforcer de se glisser à tout prix dans les issues qu'on laisse à ses désirs légitimes de réussite, ces nouvelles zone de pouvoirs implacables et irresponsables car à la fois totalitaires et diffus de ce qu'on nomme mondialisation. La réussite se manifestera par un pouvoir matériel, ce pouvoir étant surtout accumulation de moyens pour de nouveaux pouvoirs. Qui refuse ce courant dominant et étroit risque une marginalisation dont il lui sera difficile de sortir. Mais qui se laisse emporter et c'est ici qu'intervient notre propos, court le risque d'une totale dépolitisation, et d'une cécité culturelle dont il est aussi difficile de s'évader.

Favoriser la recherche d'une véritable culture politique et critique associée à un certain sens de la vie s'impose en urgence pour la jeunesse et non, du moins à notre avis, la reconstitution laborieuse d'idéologies moribondes et dépassées. Cette recherche serait fondée essentiellement sur des retrouvailles avec la liberté de conscience et d'analyse, la révolte contre l'asservissement aux conditionnements écrasants que subit notre société d'abondance et qui fait avec les idéologies contraires du tiers monde un mélange de plus en plus explosif. Il ne s'agit pas là de rêves idéalistes mais d'un retour du politique critique et humaniste réaliste, d'une ré-humanisation du sens de la vie de chacun, de la désobéissance à une technocratie de pure efficacité, à la fois concentrée et schizophrénique, bref le déconditionnement.

Une autre cause du désarroi des jeunes est leur stupéfaction que ce qu'on leur désigne comme progrès universel ait si peu d'influence sur la bestialité des conflits et des génocides locaux y compris en Europe, la puissance montante des sectes, des racismes, de la drogue, du chômage, de la grande délinquance économique légalisée, des famines et du sida qui détruit l'Afrique etc...

Mais cette prise de conscience, dans une inculture politique de base qui nous semble sciemment entretenue, ne va pas toujours jusqu'à avoir la claire vision que ces vices de leur nouvelle société, conséquences directes et souvent volontaires de son système, sont condamnés à perdurer.

Car si l'on assiste actuellement à de grandes ruptures des formes de pouvoirs et des conditions de vie (ruptures et non accélérations) il ne saurait y avoir sans casse dans notre jeunesse une tension croissante entre ses constantes humaines biologiques et mentales, dont les possibilités d'adaptation sont limitées, et le monde qu'on tente d'imposer. Une politique de résistance devrait donc s'efforcer de retrouver des plages d'évolutions lentes au lieu de successions de fractures anarchiques et déboussolantes. Elle devrait également tenter de pratiquer une critique lucide de cette invasion du virtuel qui nous emporte on ne sait vers quel monde, menée par une poignée d'idéologues paradoxalement apolitiques, dans le sens noble du terme. Car un Bill Gates, dont le génie prend des apparences civilisées dans un pays assez démocratique du moins en usage interne n'en est pas moins un fanatique. Il dit lui même rêver de domination mondiale et sur le plan informatique, qui est le moteur du profit comme de la puissance militaire, il n'en est pas loin.

Il ne s'agit pas bien sûr de pousser les jeunes à récuser les découvertes de la science et en particulier de l'informatique, car il ne sert à rien de s'étendre sur le rail pour arrêter le train, mais on peut brouiller l'aiguillage.



Yves Heurté,

Intervention au colloque d'Aspe sur jeunesse et politique

yves.heurte@free.fr




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Créé le 1 mars 2002

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