
Marie-Louve , Photographie
de Fif |
La
chambre à touchers
Dans
la chambre de son corps
elle avait tendu un grand sourire pâle
une lanterne rose sur la joue du soir
Puis avait touché le bas des portes
aspiré le souffle des couloirs
dans son ventre.
Demain elle se souviendrait de l’odeur des pas
murmurés sur la moquette
et des grands partir des fenêtres
battant la coulpe des orages.
Un affolement de lucioles
envahissait son plafond
distendu entre l’aile et son ombre
Le cosmos est si vaste et j’ai si peu de mur
Mais elles danseraient quelques galaxies courbes
comme une valse pourpre
dans l’aura d’un visage.
Elle
s’inventait un asile doux
une geste d’éveil à écrire d’un seul
cil
son très éreintant voyage immobile
lécher une plume dans le sens du vol
pourfendre le soleil
déployer un cri sur l’étendue d’une bouche.
Une caravelle apprivoisait ses mèches
jetées ça et là sur son front de Bengale
et des enfants se partageaient ses prunelles
bougies sur le boisseau du jour.
Demain, il ne resterait que cendre éventée
petite main de désir
déglaçant l’oreiller
d’un revers de sommeil.
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Marie
Elle naviguait en aube drue. Son voile la couvrait de repos. Son ventre
importait l'océan aux sentes du désert piquant.
Elle avait, disait-on, des mains tissées de présence,
un regard au grain doux et serein. Aux escales de ses joues, la lumière
sourdait, comme incongrue, dénuement d'innocence.
Le Monde gravait une histoire démesurée sur ses épaules
douces. Elle ne souhaitait pourtant rien de plus que l'immense allumé
de louanges. Se remisait dans l'antre d'un Dieu amniotique. Portefaix
et portée, héraut et héroïne, calme clameur
vitale.
Sa ronde apparence trompait les hommes pressés au détour
d'un demain. Elle goûtait chaque lune d'un sang épargné.
Pétrissait la levure d'une sève croissante.
Elle savait du voyage l'issue, la délivrance. Elle couvait le
globe de beauté. L'amour ourlait sa danse lentement transportée
à rythme pèlerin.
L'âne étreignait son ombre, berçait la douleur froide,
le vif ressac guetté.
Encore un pas ou deux, encore une oasis. Un chant, une litière,
un cri plus un encore, une lumière béante.
Encore saisir l'enfant. Le naître au jour, le mourir de soi
Encore désaltérer les rives sèches du temps.
Sous la grêle d'étoiles, encore s'émerveiller.
Et
apprendre fragile à tendre l'étoffe de lin sur ce corps
incendié.
Lavé dans l'éclat du matin. |
Au
corps de Nout*
tes
doigts d’un geste d’énée
inventent le levé des barques
miraculeuses
tu frisonnes dans l’astre
incurvant l’onde
te passes le Nil autour du cou,
et puis le berces
à la proue de tes lèvres écloses
sous le jus torréfiée
s’échoue ta langue souriante
ta gorge rumine deux étoiles
taches de rousseur sur le village
les feux rivés vers les prémices
de l’enfantement
ton nombril s’empourpre d’un soleil
grand comme ma bouche
et se gonflent les voiles des felouques
les heures méandrent entre tes jambes
se mesure l’étirement d’une goutte
fêtant une tasse
de lune menthée
tu traces de tes pieds les sillons
que lève l’or des offrandes
l'époux doré
et sous ton arche douce au rêver
ton ventre d’aube
s’écrit le fleuve en pattes d’ibis
dans les cartouches du soleil
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Nil,
Photographie Florence Noël |