NAISSANCE


FLORENCE NOEL

 

La chambre à toucher
Marie
Au corps de Nout

 

 

 



Marie-Louve , Photographie de Fif

La chambre à touchers

Dans la chambre de son corps
elle avait tendu un grand sourire pâle
une lanterne rose sur la joue du soir


Puis avait touché le bas des portes
aspiré le souffle des couloirs
dans son ventre.


Demain elle se souviendrait de l’odeur des pas
murmurés sur la moquette
et des grands partir des fenêtres
battant la coulpe des orages.


Un affolement de lucioles
envahissait son plafond
distendu entre l’aile et son ombre
Le cosmos est si vaste et j’ai si peu de mur
Mais elles danseraient quelques galaxies courbes
comme une valse pourpre
dans l’aura d’un visage.

 

Elle s’inventait un asile doux
une geste d’éveil à écrire d’un seul cil
son très éreintant voyage immobile
lécher une plume dans le sens du vol
pourfendre le soleil
déployer un cri sur l’étendue d’une bouche.


Une caravelle apprivoisait ses mèches
jetées ça et là sur son front de Bengale
et des enfants se partageaient ses prunelles
bougies sur le boisseau du jour.


Demain, il ne resterait que cendre éventée
petite main de désir
déglaçant l’oreiller
d’un revers de sommeil.

 

 

 

 

 

Marie


Elle naviguait en aube drue. Son voile la couvrait de repos. Son ventre importait l'océan aux sentes du désert piquant.

Elle avait, disait-on, des mains tissées de présence, un regard au grain doux et serein. Aux escales de ses joues, la lumière sourdait, comme incongrue, dénuement d'innocence.

Le Monde gravait une histoire démesurée sur ses épaules douces. Elle ne souhaitait pourtant rien de plus que l'immense allumé de louanges. Se remisait dans l'antre d'un Dieu amniotique. Portefaix et portée, héraut et héroïne, calme clameur vitale.


Sa ronde apparence trompait les hommes pressés au détour d'un demain. Elle goûtait chaque lune d'un sang épargné. Pétrissait la levure d'une sève croissante.


Elle savait du voyage l'issue, la délivrance. Elle couvait le globe de beauté. L'amour ourlait sa danse lentement transportée à rythme pèlerin.

L'âne étreignait son ombre, berçait la douleur froide, le vif ressac guetté.


Encore un pas ou deux, encore une oasis. Un chant, une litière, un cri plus un encore, une lumière béante.
Encore saisir l'enfant. Le naître au jour, le mourir de soi
Encore désaltérer les rives sèches du temps.
Sous la grêle d'étoiles, encore s'émerveiller.

Et apprendre fragile à tendre l'étoffe de lin sur ce corps incendié.
Lavé dans l'éclat du matin.

 

 

 

 

 

Au corps de Nout*

 

tes doigts d’un geste d’énée
inventent le levé des barques
miraculeuses


tu frisonnes dans l’astre
incurvant l’onde
te passes le Nil autour du cou,
et puis le berces


à la proue de tes lèvres écloses
sous le jus torréfiée
s’échoue ta langue souriante


ta gorge rumine deux étoiles
taches de rousseur sur le village
les feux rivés vers les prémices
de l’enfantement


ton nombril s’empourpre d’un soleil
grand comme ma bouche
et se gonflent les voiles des felouques


les heures méandrent entre tes jambes
se mesure l’étirement d’une goutte
fêtant une tasse
de lune menthée


tu traces de tes pieds les sillons
que lève l’or des offrandes
l'époux doré


et sous ton arche douce au rêver
ton ventre d’aube
s’écrit le fleuve en pattes d’ibis
dans les cartouches du soleil

 


Nil, Photographie Florence Noël

 

 

 



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