CHRONIQUE de Pierre Bachy
"L'Evangile de Jimmy"
de Didier van Cauwelaert
Au départ de
cette troublante fiction qu'est « L'évangile de Jimmy »,
il y a la rencontre de Didier van Cauwelaert avec un libraire de Saint-Cloud
qui lui apprit que l'on avait trouvé des traces d'ADN dans le sang
imprégnant le linceul de Turin. C'était assez pour exciter
son
imagination. Qui dit ADN dit tentation de clonage et fabrication hypothétique
d'un nouveau Messie. Van Cauwelaert n'a plus qu'à jeter son héros
dans les rets de l'organisation politico-scientifique venue lui apporter la
«bonne nouvelle». Pour étayer ce postulat, l'auteur se
documente. Après six mois de recherches, il découvre l'inconcevable.
Le linceul de Turin n'est pas un faux du Moyen Age comme le croit l'opinion
commune.
L'auteur situe la scène d'ouverture dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche
au moment où George W. Bush succède au souriant Bill Clinton.
Alors que l'on aurait pu s'attendre à une scène d'anthologie
pour la passation de pouvoir entre un cowL'Evangile de Jimmy de Didier van
Cauwelaert -boy, jurant d'avoir remplacé l'alcool par la religion,
et un joueur de saxophone trop sensuel pour ses électeurs puritains.
On assiste à une réunion de conseillers en tout genre qui mettent
au courant le nouvel homme fort des Etats-Unis : on a cloné le Christ
en prélevant de l'ADN du linceul de Turin ! Jimmy était né!
L'histoire se déroule donc en 2026: à la faveur d'un banal contrôle
médical, le FBI retrouve la trace de Jimmy dénommé «
Projet Omega ». Le jeune homme de 32 ans, empêtré dans
un chagrin d'amour, se révèle frondeur, batailleur et... totalement
athée. Peu importe. Les sectes pullulent et le danger d'une utilisation
néfaste du piscinier de Harlem est bien réel. Aussi, le nouveau
président des Etats-Unis, Bruce Nellcott, décide-t-il de «formater»
Jimmy afin d'en faire un missionnaire américain du Bien.
Attaché de presse, psychiatre, nutritionniste, rabbin polyglotte...
toute une armada se charge d'apprendre à Jimmy ses nouvelles fonctions
messianiques. Après avoir fait preuve d'une certaine incrédulité,
le jeune Américain se prend au jeu: n'a-t-il pas ressuscité
un accidenté de la route? guéri un cancéreux? rendu
la vue à un aveugle? Alors, Jimmy s'enflamme, au grand dam de son staff, qui entend le canaliser avant
son « homologation » auprès du Vatican…Tout est faux :
les miracles ont été manigancés par la CIA pour le convaincre
d'être le Christ !
C'est un roman fantastique, que nous offre Didier Van Cauwelaert témoignant
de son goût pour le suspense et le surnaturel. Avec une écriture
simple et précise à la fois, il nous propose une histoire maîtrisée
de bout en bout, incroyablement crédible. Mêlant astucieusement
références bibliques, données scientifiques et analyses
sociologiques, l'auteur échafaude un récit plein de suspense
et d'humanité, si vraisemblable quant à sa description d'une Amérique
déboussolée, à la merci des religieux comme à
celle des avocats. C'est un hymne au doute et au libre-arbitre. On peut comprendre
aussi que Van Cauwelaert a construit son intrigue autour d'un Américain moyen
que l'on cherche à convaincre qu'il a les possibilités d'être
un dieu.
L'ambition de l'auteur est peut-être de nous dire que l'Église
réfute la science dans son propre intérêt. Elle veut rester
dans l'inconnu pour conserver le mystère. Van Cauwelaert accumule
les qualités : style propre, limpide, phrase gironde et mots porteurs,
toujours justes, histoire architecturée fort habilement (avec des
retournements dignes des meilleurs polars et des débats-digressions
de niveau académique), très documentée, avec beaucoup
d'effets drolatiques (répliques, situations...) et une touche de science-fiction
en contrepoint, bref, du travail de professionnel !
Un peu plus...
Littérature - Histoire - Web - Arts
par Pierre Bachy
pour francopolis
avril 2005
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