C'est arrivé mine de rien. Un jour, parcourant le quotidien qu'il vient
d'acheter,
le narrateur s'aperçoit qu'il est daté du 8 mai 1953 ! Il croit à une
blague, retourne au kiosque, s'étonne sous le regard apitoyé du
marchand
de journaux et, vaincu, rentre chez lui. Il n'est pas au bout de ses
surprises. Quand il veut faire part de sa découverte à sa femme, il
passe en
effet pour un fou: le Monde qu'il lui met sous les yeux est bien daté
de
1995. D'étranges événements finissent par le convaincre qu'il est
devenu un
voyageur du temps. Le narrateur est bel et bien transplanté au cour de
cette
décennie où il vécut jadis enfant. Il a dans sa sacoche, outre un
appareil
photo polaroïd qui subjugue ses nouveaux contemporains, un livre
acheté
chez un bouquiniste juste avant son retour en arrière. Embarqué dans
cette
aventure, le lecteur se prend au jeu et, au-delà des reconstitutions de
la
France d'après-guerre, s'interroge tout à la fois sur ce que l'avenir
peut
réserver à un homme qui refait sa vie dans le passé, et sur les
mécanismes
susceptibles d'expliquer ces transports temporels. Confusion due à un
état
grippal ? Hallucinations liées à une nostalgie exacerbée ? Folie ?
Manipulation ? Phénomène paranormal ? Prisonnier du temps et de ses
interrogations existentielles, le narrateur devient « l'idiot du
village ».
Empreint de mélancolie, le roman apparaît comme une réflexion sur le
vieillissement et les cycles de la vie. Les souvenirs anciens sont ceux
qui
résistent le mieux à l'érosion de nos facultés cognitives. Plus nous
vieillissons, plus nous revenons à notre enfance. Patrick Rambaud joue
avec
le mythe platonicien capturant le lecteur dans une captivante
déconstruction
des choses.
On retrouve également dans ce roman le vieux fantasme du retour en
arrière
pour modifier l'avenir, le sien ou celui d'autres personnes. C'est
complètement inutile, cela ne peut évidemment pas marcher. D'ailleurs
lui-même essaie, il croit que c'est possible, mais il se plante.
Littérature - Histoire - Web - Arts
par Pierre Bachy
pour francopolis
novembre 2005