CHRONIQUE de Pierre Bachy
"Oscar et la dame rose"
Eric-Emmanuel Schmitt
Oscar, un enfant de dix ans, a le cancer et vit à l'hôpital
pour enfants. Il lui reste douze jours à vivre seulement. Mamie Rose,
la "dame rose", vient lui rendre visite tous les jours à l'hôpital.
Elle l'encourage à écrire des lettres à Dieu et à
vivre pleinement ses derniers jours. Grâce à Mamie Rose qui
noue un très fort lien d'amour avec lui, Oscar conte ses douze derniers
jours à vivre dans des lettres adressées à Dieu.
La fable est émouvante, spirituelle, aux deux sens du terme. On sourit
aux facéties du gamin, qui nous donne une leçon de vie, tout
en nous interrogeant sur les grandes questions de l'existence: le bonheur,
la mort, l'au-delà, l'amour…
« Je comprends que l'adolescence, on appelle ça l'âge
ingrat. C'est dur. Mais finalement, sur le coup des vingt ans, ça
s'arrange. Alors je t'adresse ma demande du jour : je voudrais que Peggy
[jeune malade du même hôpital] et moi on se marie. Je ne suis
pas certain que le mariage appartienne aux choses de l'esprit, si c'est bien
ta catégorie. Est-ce que tu fais ce genre de voeu, le voeu agence
matrimoniale ? Si tu n'as pas ça en rayon, dis-le-moi vite que je
puisse me tourner vers la bonne personne. Sans vouloir te presser, je te
signale que je n'ai pas beaucoup de temps. Donc: mariage d'Oscar et Peggy
Blue. Oui ou non. Vois si tu fais, ça m'arrangerait.
A demain, bisous, Oscar.
P-S. Au fait, c'est quoi, finalement, ton adresse ? »
Schmitt fait entendre une voix singulière dans le monde de la création
littéraire, qui se donne généralement plus volontiers
aux sceptiques. Il se refuse pourtant à jouer les donneurs de leçons,
même chrétiennes. « Je n'écris pas pour convaincre.
Par contre, j'aime faire réfléchir en racontant une bonne histoire.
» Dire des choses compliquées avec des mots simples, parler
au cœur, donner du sens, c'est tout l'art d'Eric-Emmanuel Schmitt.
Douze jours qui seront les derniers, mais que les personnages gonflent d'apprentissage.
Une existence en accéléré débarrassée
de tout ce qui est vain et superflu. Pour ne garder que l'amour, l'amitié,
l'optimisme fécond, la foi en la vie et la sincérité…
Un conte lumineux dont on ressort plein d'espoir, malgré la gravité
du propos.
A contrario, on pourrait objecter qu'à mi-chemin entre la fable philosophique
et le conte de Noël, la déchéance bienheureuse du jeune
Oscar pourrait ressembler à une pâtisserie au goût acide.
Il ne suffit pas d'utiliser des allitérations ou des assonances pour
rendre nécessairement le leucémique sympathique. En donnant
une dimension presque exclusivement poétique à son récit,
l'auteur est tombé dans le piège contre lequel il voulait lutter
: au lieu de considérer les
enfants des hôpitaux comme des êtres humains à part entière,
nous n'aurions qu'une envie : continuer à les regarder avec la même
commisération malsaine. En effet, l'histoire d'Oscar, un leucémique
de dix ans, recèle une telle somme de poncifs sur la maladie et la
mort que l'on pourrait difficilement ne pas la trouver dérangeante.
Littérature - Histoire - Web - Arts
par Pierre Bachy
pour francopolis
mai 2005
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