CHRONIQUE de Pierre Bachy
L'ÉCLAT DE DIEU (Romain Sardou)
Au plus profond des souterrains de Jérusalem attend
depuis toujours un objet propre à changer la face du
monde: la Borne de Salomon « lÉclat de Dieu ».
Cest en tout cas ce que suspectent neuf chevaliers prêts
à risquer leur vie pour le ramener au grand jour. Et
quand, en 1099, la nouvelle tant attendue de la libération
de Jérusalem tombe enfin, les chevaliers promettent
protection et assistance aux milliers de pèlerins qui
tenteront de rejoindre la Terre sainte. Un gigantesque pèlerinage
sorganise sous leurs ordres, qui leur permet de dissimuler
le véritable but de leur voyage. Un ennemi redoutable
se profile : lHomme sans main et sans visage…
Nous voici donc en 1118, entraînés de Troyes
à Jérusalem en compagnie de huit templiers.
Ils auraient dû être neuf, mais lun deux, Ismale
Gui, a été apparemment assassiné juste
avant le départ. Son neveu, Cosimo Gui, retrouve un
paquet de lettres qui évoquent un secret enfoui en
Terre sainte et que détenait déjà le
roi Salomon.
Romain Sardou ne manque pas de style, aussi à laise
et naturel dans les scènes intimistes que dans les
grands tableaux. II tient son propos avec aplomb, sans jamais
dévier, sans douter une seconde de ce quil écrit.
Sardou réconcilie le roman historique et la science-fiction.
Avec panache, il galope sur les traces des grands conteurs
du roman français. Il prend le risque de décontenancer
le lecteur, grand amateur de certitudes. Dans cette énigme
à tiroirs, il pose les questions; à vous de
trouver les réponses. La trame de « Léclat
de Dieu » est tissée tellement serré quil
est impossible den dire davantage sans dévoiler ses
nombreux rebondissements. Chose certaine, Sardou dépeint
avec beaucoup de réalisme, tout en empruntant son style
narratif au théâtre - chapitres découpés
en scènes - une époque ténébreuse
de lhistoire, marquée par des complots.
Lauteur nous y balade entre hallucinations, mystères
et paysages, nous rendant voyageurs au pays de nous-mêmes
et de nos certitudes tour à tour prétentieuses,
cyniques ou béates qui masquent les vérités.
Mais quest-ce que la vérité ? et y a-t-il une
vérité des lieux ? Si l'on pense que Sardou
traite les hommes, les femmes, avec beaucoup de tendresse
et de compassion, on se trompe. Il les montre, tout au contraire,
au plus bas, au plus tragique, comme des papillons épinglés
dont les ailes frémissent encore et qui rêvent
de voler, de s'évader. On sait bien que non. Voilà
ce qui plaît dans son travail - où tout n'est
pas parfait - la violence du traitement, cet effet d'électrochoc
digne d'éveiller les consciences. De même que
la façon dont il capte lhistoire sans la figer. Il
s'empare du passé et le met en mots, en couleurs et
en bruits ordinaires dans lequel les pensées et les
êtres s'engluent.
par Pierre Bachy
pour Francopolis Juin 2006
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