LECTURE  CHRONIQUE


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LECTURES -CHRONIQUES

Variations du visage & de la rose
de
Béatrice Bonhomme  

présenté par
Dominique Zinenberg


A l'orée du projet (voilà comment je perçois les choses et j'ai bien conscience que cette perception est peut-être erronée, qu'elle n'est qu'une projection fantaisiste liée à la lecture que j'ai faite de ce recueil)

Je vois un désir de saisir un visage – celui du peintre qui n'est plus et dont l'image se dérobe, mais dont le visage, en autoportrait, juste avant la mort se donne à voir : « Le peintre, avant de mourir a fait son autoportrait. » Mais je pressens qu'au besoin de retrouver intact (pour ainsi dire) la chair du disparu, comme « non-disparu », s'est associé de façon bien moins consciente la nécessité d'un lâcher-prise, d'un abandon associatif ouvrant aux variations amples, mystérieuses, souterraines autour du visage et de la rose. Le lâcher-prise, comme un lâcher de ballons, permet d'accéder à soi et aux sources et ressources secrètes (intellectuelles, artistiques, affectives) non pas de façon logique, mais émotionnelle en faisant confiance au secret de sa douleur, de sa sensibilité comme de son savoir
.

Béatrice Bonhomme s'est laissé rêver et ce faisant nous donne à lire un livre précieux qui résonne de mille façons différentes et qui charme au sens premier du terme.

Le temps, dans le recueil, est complexe. Il n'est pas linéaire, il dépend d'impressions qui permettent de juxtaposer le plus contemporain
« Mais pourquoi le nageur est-il figé sur la toile devant des enfants qui passent et repassent en riant? » au plus lointain « Ce visage comme le portrait le plus ancien découvert dans le Fayoum.» dans un entrelacement permanent entre diverses époques rendues présentes par le fil solide de l'émoi esthétique et intime. On ne circule pas seulement entre les temps, dans un bain culturel ouvert quoique personnel, on circule aussi dans l'histoire individuelle du poète qui livre des flashs de souvenirs mais de telle sorte qu'ils deviennent tableau, vision :
« Il y a quelques pétales et du fond de la mémoire se lève l'image ancienne d'une petite fille habillée de tulle blanc, dansant dans la splendeur de ses cheveux roux et lançant vers le public quelques roses sorties du panier. »

Quant à l'espace, il échappe au cadre fermé du tableau. Quelque chose de poreux empêche la délimitation précise entre le dedans et le dehors : « On remarque surtout la présence du regard qui vous suit partout dans la pièce. En face du visage est posé un chevalet. »

Le tableau – à l'instar d'un décor de théâtre où l'on jouerait Le Chevalier à la Rose par exemple – est une force vive qui regarde, court, vibre.
« Les enfants courent comme des indiens dans la fresque. »
Quels enfants ? Le dehors, le dedans, tout se confond, tout est à la fois ou successivement de chair ou de pigment, matière pictural ou sang et cris: « La vie désormais s'est transportée dans le tableau et l'homme, exsangue, a posé la rose sur ses joues. »

Le recueil de mots (de poèmes) subit le même sort : la vie, par les mots, se fige et pourtant le dit est résurrection, vie enserrée dans le coeur des mots, sang fragile et fort : « La patte du chat est restée enfermée dans le blanc de la page, comme le piège se referme sur la sveltesse de sa course. Il reste peu d'énergie désormais dans ce corps de petit félin, prisonnier de l'emprise des mots. »

Ambiguïté toujours entre la vie (qui devrait se suffire à elle-même) et l'art qui se veut un substitut de la vie, une preuve de vie, une survie mais à laquelle « il reste peu d'énergie désormais ». Créer emplit le temps, l'espace, la vie mais ne la remplace pas.

Créer est un écho presque plus parfait de la vie que la vie, mais sa nécessité n'a d'égal que sa dérision. L'oeuvre est souvent un mausolée de mots, de pierre, de peinture ou musique qui porte en lui le soupir infini de l'indépassable de la mort.



Variations du visage & de la rose
Béatrice Bonhomme (L'Arrière-Pays, 2013)


Parcours de Béatrice Bonhomme-Villani.

Elle est née en 1956 à Alger. Son père Mario Villani (1916-2006) est peintre. Sa mère est conteuse. Ses quatre frères font de la musique et/ou de la peinture.
Elle fait ses études littéraires à Nice; elle est agrégée de Lettres modernes et enseigne d'abord à l'université d'Aix-en Provence puis à celle de Nice.
Elle a soutenu une thèse de 3ème cycle sur Jean Giono, puis une thèse d'Etat sur Pierre Jean Jouve.
En 1994, elle a créé avec Hervé Bosio la revue NU(e) qui comptait fin 2012 plus de cinquante-et-un numéros, tous consacrés à des poètes contemporains.
Fin 2004, elle a créé avec Jean-Yves Masson la Société des lecteurs de de Pierre Jean Jouve.
Dès l'enfance, elle est imprégnée d'art et de poésie. Dès l'enfance, elle connaît les paysages méditerranéens et ceux de la campagne du Berry auxquels plusieurs de ses textes font référence.

Son art poétique et ses recueils de poèmes.
Béatrice Bonhomme s'interroge de façon récurrente sur les liens entre les différents arts et la poésie, mais aussi sur ceux qui peuvent se tisser entre la poésie et des domaines comme les sciences et la philosophie. Tout se tient. Les divers champs de connaissances sont poreux et peuvent fusionner. Le poétique a pour vocation à se tenir en diagonale, à la croisée des chemins. Elle le vit au quotidien puisqu'elle est à la fois chercheur, professeur, écrivain, revuiste, éditeur et poète.
Au centre de ses activités se trouve son désir de faire connaître les poètes modernes et contemporains. Elle est soucieuse de préserver la mémoire mais aussi de privilégier le rythme propre à chaque poète quand il s'agit de traduction. Elle ne néglige dans ses recherches et dans ses aspirations ni la dimension esthétique, ni les dimensions éthique et philosophique.
Sa poésie est élan et réserve, attention à ce qui advient, disponibilité à ce qui est, à ce qui se passe en soi et autour de soi, prégnance de la mort , des souvenirs et des déchirements, sensibilité aux contrastes de couleurs, d'atmosphère, de lumières.

Voici quelques-unes de ses oeuvres.
Poésie
V
- Le Dessaisissement des fleurs, Rafaël de Surtis, 1997.
- Les Gestes de la neige (1998), Le Nu bleu (2001) L'Amourier
- La Grève blanche (1999), Nul et non avenu (2002), Mutilation d'arbre (2007)
- Collodion
- Passant de la lumière (2008) , Variations sur le visage & la rose (2013) - L'Arrière-Pays.
Livres de poèmes en collaboration avec des artistes.
Il y en a une douzaine.
Livres de critiques


Voir aussi quelques poèmes tirés de ce recueil, Variations du visage et de la rose choisis par Dominique Zinenberg dans la rubrique Coup de coeur.


Béatrice Bonhomme,

Variations du visage & de la rose

présenté par Dominique Zinenberg
Francopolis septembre 2014


  

Créé le 1 mars 2002

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