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CHRONIQUE de Laurent FELS


Evelyne ANDRÉ-GUIDICI :
Canis Sapiens


Dans Canis Sapiens, Évelyne André-Guidici nous propose une réflexion approfondie sur la condition des hommes. Sans cesse, les êtres humains cherchent à outrepasser les limites qui s’imposent entre la réalité et l’immortalité. Le titre peut surprendre : Canis Sapiens se substitue à Homo sapiens, notion qui nous est plus familière. Toutefois, Canis Sapiens annonce dès le début l’échec de la quête de l’absolu, entreprise qui se fait souvent aux dépens de ceux qui nous entourent :

Imprimer l’autre de son empreinte et l’avilir à son ego
Pour enfin se sentir divin.1

L’être humain a souvent du mal à imaginer que le monde continue après sa disparition. Aussi cherche-t-il à laisser une trace de son existence qui lui permette de survivre au moins dans la mémoire d’autrui :

Il doit bien rester quelque chose après moi
Quelque chose qui vient de moi
Quelque chose qui porte mon nom
Quelque chose qui vient de moi.2

Quelle pourrait bien être cette « chose » tant recherchée par les hommes et qui les rendrait immortels ? La poétesse nous donne la réponse : l’écriture. Toutefois, même si la poésie permet de sublimer les moments vécus en une oeuvre littéraire, elle n’est pas à l’abri de frontières qui peuvent la rendre stérile :

Pages qui s’écrivent comme
tombent
les feuilles
encore
vertes.3

Les feuilles des arbres – comme des « mots à la limite »4 – perdent leur force et tombent sur le sol
de l’éphémère.

Dans chaque grain
un noyau séquestre le cri.5

N’est-ce pas là un appel à l’aide, un ultime « cri » de désespoir enfermé à tout jamais dans le noyau du silence ? Cette impossibilité de mener à bien la quête de l’immortalité amène l’auteur à conclure que la poésie est une sorte de miroir du néant. L’échec du poète et, par conséquent, la stérilité de son œuvre n’ont rien pu changer à la « finitude » de tout être humain :

La théorie
de
La poésie
C’est
Croire à la finitude
L’espace-temps d’un lieu-moment
Écritures
Donnez-nous notre rien quotidien,
Drogue ordinaire des fondateurs du néant.6

Le mot de l’impossibilité, la parole de la finitude, telles sont les entraves à la quête de l’absolu qui font que l’homme est condamné à rester ce Canis Sapiens jusqu’à la fin des temps.


1 - « Quiproquos en suaire », p. 12.
2 - « Production-reproduction », p. 22.
3 - « Production-reproduction », p. 23.
4 - Cf. le recueil de René WELTER, Un mot à la limite – A word on the edge – Ein Wort an der Grenze, avec une préface de Gaspard Hons,  traduction en  anglais de Janine GOEDERT, traduction en allemand de Rüdiger FISCHER, illustrations de Roger BERTEMES, Rimbach, Éditions En Forêt, 2004.
5 - « Féconditemps », p. 30.
6 - « Cette impression d’inachevé », p. 33




Evelyne ANDRÉ-GUIDICI, Canis Sapiens, Éditions Poiêtês, 2006, 38 p.
ISBN : 2-9199-4214-X
Prix : 8,00 euros
http://www.poietes.fr.ms



par  Laurent Fels
pour francopolis février 2007 

 

Créé le 1 mars 2002

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