Par un beau matin de mai
Au trottoir bleu d’un regard
J’ai grimpé la magie des sables
Pour réciter les nœuds de mes verbes
Effacer l’élevé taux de mes cendres
Juste aux confins de ce présent
Où j’ai brisé les plis de vos doutes
Et fait du bois mon saint otage
De beaux vers.
Des vers ont retenu mon attention lors des différentes lectures –en
survol ou attentives- de ce recueil. Ils m’ont interpellé par leur
fluidité et leur sonorité. Il n’ y a pas de jugement de valeur.
Je ne dispose pas d’ailleurs des critères, pour ce faire. Il s’agit,
tout simplement, du choix libre d’un lecteur qui cherche son bon plaisir.
Du ‘Bout de mémoire’ (p. 11)
Ainsi de ta mémoire nénuphars
Allongée sur mes eaux
Je pourrais encore survivre
Au malaise d’un hiver
Le poème ‘Déchu’, en entier (p. 254)
Un poème déchu
Gît en miettes
Dans mon assiette
Sur la tablette
Avec
Deux crayons dessus
Déchu !
Les six premiers vers du poème ‘Désert de porte’ (p. 26)
Porter sa porte sur le dos
Errer par monts et champs
Quand arriveront les vents
Pour nettoyer nos belles demeures
Qu’ils trouveront ouvertes
Nous serons d’elles loin déjà.
Seulement quatre vers du poème ‘Embruns du temps’ (p. 33)
Et des limbes ténébreuses de l’abîme
Céleste jaillit l’ombre d’Adonis
Brisant le miroir du soir qui s’étale en
Marbre sur le bleu de la terre
Les vers suivants portent sur la peur ( !) du poète (p. 45)
J’ai peur de perdre un de tes mots
(Tu es ma jarre de mots
Offre moi de tes souffles
J’ai envie d’en faire du sel).
Le poète use de son pouvoir de changer le lieu et le temps (p. 65)
.. Et je métamorphose l’hiver
En mille tessons de passion
Que je trempe dans tes rus
Pour en faire le jour
Pas loin de toi.
‘Mémoire des pas’, en entier (p. 67).
Sous l’œil des arbres
Même absente
elle est
Je la vois passer
Sous ses doigts de colombe
S’éveille un chemin.
De ‘Mots cachés’ (p.68), voici
Grimper ses pas
Sur la porte close d’un visage
Multiplier ses doigts
Pour en avoir mille
C’est l’enfer des mots !
De ‘Mots écrits’ (p. 71)
Quand je gratte mes cieux
Aux confins des accolades de ton sourire
Les tempêtes s’érigent en moisson de brumes
Que je consomme en délires
Sur les pierres taillées de mes rocs
De ‘Tu désires .. mais’ (p. 97), je retiens
Tu désires
Là où les mots, à haute voix
Clament leur silence
Échapper aux traits de tes ombres
Ce désir d’un jamais
Coagulé sur les restes
Éjaculés d’un dessein
Aveugle à l’ordre des lettres
Hélas !
Tout se referme juste
Au seuil beau de tes pas.
Enfin ce que le poète lui-même écrit sur un alphabet des flocons (p. 119)
De l’alphabet des flocons
Jusqu’aux yeux de la terre
Il n’ y a que quelques pas
Suffit d’un peu de chaleur
Pour atteindre ses printemps
Même si vous sapins
Déjà le vôtre dans la sève
Sauf que le songe d’un froid
Jours éveillés chantant la nuit des temps
Seul s’allonge encore sur le dos de la terre.
Conclusion.
La dédicace est poignante.
Le poète offre à sa mère, le havre de paix par
excellence, et à une tiers personne désignée par ‘Toi’,
dans son jardin secret, de vivaces écorces. Il crie donc, juste en
quelques mots, toute sa douleur. C’est comme s’il s’était écorché
afin de pouvoir parler ou qu’il voulait signifier tous les scalpages qu’il
a subis. Bien que vivaces, ces écorces sont maintenant hors de lui.
Cela exorcise, du moins en partie, le mal enduré. Malgré des
moments durs qui soulignent un mal-être ambiant, il y a des indications
d’espoir, implicites ou explicites. Ces vers du ‘chemin céleste’ parlent
d’eux-mêmes (p16)
Je m’ordonne d’avancer sur tes marches
………………………………………..
Anaconda gymnote dragon ou congre
Tu es mon chemin je n’ai peur de rien
Et malgré un ‘bleu grisâtre’
(p 42), qui apparaît une fois, le bleu est rassurant. C’est la couleur
des grandes eaux des océans, des mers et des lacs. C’est la vie et
la purification. En p. 24,
Que l’arbre échoue sur les rives
Bleues de tes lacs
Le rêve est le signe
de la vie quand la situation semble sans issue. Le rêve est présent
dans ce recueil ; même dans le titre d’un poème.
Mais le poète va jusqu’à déstructurer puis restructurer,
à sa manière, afin de le créer là où il
n’es pas supposé être ; bien au contraire. Ainsi, un poème
est-il intitulé « ‘c’rêve
». Et il commence comme suit (p 48), nous rappelant l’attitude amazighe
à ne jamais perdre la dignité, quelles que soient les circonstances,
Je ‘c’rêve
Et je chante.
De plus, le monde du recueil n’est pas
clos. Il y est question, plusieurs fois,
de portes et de portails ; et donc d’issues.
Evidemment, dans ‘Désert de porte’
(pp 26-27), la porte est lourde à porter
–en fait, difficile à trouver-,
se métamorphose et peut jouer de vilains
tours. Mais dans ‘J’ai peur de
perdre’, les portes, au pluriel, font
partie d’un projet de refonte du monde
(p45)
Et je ne fais partie de cet amour
Que pour refaire des mondes
Sous l’élan grinçant des
foudres
D’un ciel encore fou vaste
Qui contienne mes portes
Dans je ‘‘c’rêve’,
c’est le coeur-même du poète
qui sert de portail d’écho (p48).
Enfin, dans ‘Lit de vie’, les
portes et les clôtures sont dédaignées.
Le monde est ouvert tous azimuts.
Qu’en est-il de l’amazighité
dans ce recueil ? Il n’y est fait allusion que quelques fois (Dans ‘Daruma
la berbère’, en p. 24, par exemple). Cependant, elle transparaît
dans des expressions, des positions, des choix. Ici, ce n’est pas le militant
qui parle. C’est un être humain qui s’épanche, qui essaye de
livrer un peu de lui-même, en espérant être compris par
quelques uns de ses semblables. C’est la soupape de sécurité
qui s’ouvre et par laquelle s’échappe une tempête de sables,
de cendres et de mots. On y ressent un air de véracité touchante.
Enfin, comme l’un des héritiers des Ouâesta, Oulbaz, Sakkou,
Oumehfodê, et beaucoup d’autres poètes illustres, Iken est bien
conscient de l’importance capitale du mot. Alors à quand le prochain
mot de Iken ?