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LECTURES –CHRONIQUES

 

Note de lecture d’Agnès Adda :

 Un ciel, un jour. Topologie du furtif,

par Catherine Jarrett et Philippe Tancelin

(Éditions Unicité, 2020, 72 p., 13 €)

 

On sait l’importance des commencements, ces chants premiers d’où tout découle : chants, véridiques et infaillibles, des muses inspiratrices ; rythmes (de Grenade, de Césarée, d’ailleurs) qui font résonnance pour conjurer les désastres de l’Histoire, des histoires et le mensonge des discours, d’où surgit la « ligne-horizon » de nouvelles et vivantes voix. De même, dans le dernier recueil de Catherine Jarrett et Philippe Tancelin, ce chant d’oiseau qui tinte à la fenêtre et qui scelle l’échange des deux auteurs. Juste une aile, et l’entretien amical sur le vain bruit du monde prend une autre tournure « lorsqu’un mot / distrait de signifier autre chose / s’aventura à chanter la terre en la gorge d’un oiseau / à son heure fébrile ». C’est donc à un oiseau, son passage inattendu, que nous devons ce chant amébée, cette poursuite inspirée de l’instant où la nature fusionne avec la conversation humaine, prend son relais : il n’était qu’à accueillir cette « chance d’outre-sens », ce chant et cette image fugitives comme « mot / sans sens pour nous au pas gemmant de vivre ». Le sous-titre du recueil, « Topologie du furtif », dit exactement ce larcin, cette dérobade initiale et presque inaperçue du sens. Qui est la muse inspiratrice du poète, sinon cette grâce d’une rencontre et d’une échappée ? Il n’est plus alors qu’à dérouler les panneaux de la mémoire pour révéler ses jardins car « le mot » jamais ne se fige et « il n’est pas banquise (…) qu’aurait ancrée le temps » mais « mot matriochka » qui « se rit des chats et des hommes / Immarcescible / à l’inverse des fleurs ».

Ce qui est extraordinaire dans ce recueil, ce n’est pas seulement l’évocation toujours légère, sensitive et colorée de la nature, mais cette tenue aérienne comme d’un vol d’oiseau en quête de sa brindille. Jamais ne fléchit la tension suspendue et palpitante de l’aventure des deux chevaliers, leur quête duelle d’un instant de grâce non perdu, mais vivifié par la parole échangée. Les deux voix alternent, s’enchaînent, se répondent et poursuivent le chant de ce larcin révélé dans le cadre de la fenêtre, un ciel, un jour.  

 

Agnès Adda

Décembre 2020

 

 

 

Note de lecture

Agnès Adda

 

Francopolis, novembre-décembre 2020