LECTURE
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LECTURES –CHRONIQUES
Note de lecture de Mireille
Diaz-Florian :
Au plus près,
de François Minod
(Éditions Unicité,
2020, 84 p., 13 €)
(*)
Lorsqu’on se
propose de rédiger une préface, on ne peut qu’éprouver une certaine
inquiétude. Celle qui consiste à s’assurer de ne trahir en aucun cas, ni la
portée du livre – sinon voulue, certainement désirée par l’auteur – ni les
impressions suscitées par la lecture, la relecture. La connaissance que je
peux avoir, au fil de ses ouvrages, du travail de François Minod ne facilite pas pour autant la démarche. Et voilà que le
titre même suppose une contrainte, voire un obstacle, qui exige donc de me
tenir au plus près de la nature
même du recueil. Mais, foi d’amicale préfacière, il ne sera pas dit que je céderai
le pas. Confrontée à ce défi, je prétends justement m’engager à saisir cette
opportunité d’un titre dont le choix condense les exigences de l’écriture de
François Minod et la spécificité de ce nouveau
livre. Le titre, en
effet, pourrait, à lui seul, rendre compte du style de François Minod dont une des caractéristiques consiste à donner aux
mots, au rythme et a fortiori au sens, une densité et un éclat. On le devine,
penché sur le métier, soucieux de tailler, raboter, épurer la langue, jusqu’à
lui faire rendre la vivacité d’un dialogue, comme la profondeur d’un poème
court. Il y a du travail
de joaillerie dans ce geste de l’artisan des mots. Non pas celui qui
consisterait à sertir de gros cabochons. Tout au contraire, François Minod a-t-il choisi d’abraser, buriner, tarauder, polir
les mots. Parfois même, il peut laisser sur la page un filigrane dont la
juste harmonie laisse par transparence deviner la part de violence, de
douleur, de sarcasme au cœur du texte. Dans ce livre
particulièrement, affleure, au ras des lignes, non la plainte mais la
conscience avivée de la blessure. Et tout ça qui hurle au dedans Dès lors, le poème prend en charge aussi bien la puissance du cri que
l’évidence lucide d’une limite à l’exprimer au plus près. On dit que les mots Disent les maux Que ce n'est pas vrai Ce qui ordonne le propos de
François Minod reste la capacité pour chaque
lecteur de pénétrer dans un univers poétique, où résonne en miroir, un
questionnement sur soi et le monde. Ainsi peut-on lire ce recueil avec le
sentiment de partager une expérience personnelle, existentielle, que
précisément les résistances du langage révèlent. Le mot du dessous Des choses Résiste au dire de l'homme Mais si la poésie
est inscrite dans les bleus de la vie,
elle peut se saisir également des moments de beauté, ce murmure entre deux expirs, comme se
confronter au monde. Qu’elle puise
dans le dedans de soi, elle n’abdique pas pour autant du regard sur l’Autre.
Ce peut être une présence riche d’humanité, une confuse menace, une ombre
portée sur nos vies. Et pour cela, François Minod
fait entrer le lecteur dans le poème en prose que Baudelaire ne désavouerait
pas. Ainsi du texte de l’Homme au chien
qui évoque la mélancolie du Spleen de Paris. Nous retrouvons
aussi dans cet ouvrage, un aspect particulier de l’écriture de François Minod qui, sous forme de saynètes, assume magistralement
l’art de la dérision. Bien sûr, il avoue ce que cache le rire puisque on ne peut pas toujours être grave, même
si noire est notre âme sous le pochoir. Mais surtout, il s’approprie la
mécanique du monologue et du dialogue pour épuiser, jusqu’à l’absurdité, la
moindre question, qu’il s’agisse de trouver
un truc ou de résoudre la fuite du
Temps. Dans le dédoublement de voix abstraites, il restitue aux mots
leurs fausses évidences comme leur potentialité sonore. Il fallait enfin qu’entrent dans cet espace les monotypes de Catherine
Seghers. Dans une grande complicité avec l’auteur, fondée sur une longue
collaboration, elle a cette capacité d’intégrer, avec humour et tendresse, la
poésie de François Minod. Elle peut tout aussi bien
souligner une proximité avec le texte, comme donner à voir, dans les nuances
du trait, le dégradé des ombres, la silhouette d’un personnage, un
arrière-plan riche du croisement de deux imaginaires. Le lecteur peut ainsi
s’approcher sans crainte. Il sera au
plus près de lui-même, capable de partager un temps poétique dont la
nature échappe à toute classification, capable de rencontrer François Minod. Un poète. Sachant que le
plus près maintient l'écart. C'est donc cet écart qu'il s'agit d'approcher au
plus près, délicatement, sans esprit de conquête. Juste approcher… au plus
près. Mireille
Diaz-Florian Septembre
2020 (*) Ce texte représente la préface du recueil. |
Note de lecture
de
Mireille Diaz-Florian
Francopolis, novembre-décembre
2020