LECTURE - CHRONIQUE 

 

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LECTURES –CHRONIQUES

 

Note de lecture de Sonia Elvireanu

 


Elysabeth Loos, L’amour est une géographie intérieure,

Le Coudrier, 2018, 121 p. (16 €)

 

« Je chante cet amour qui était le mien. Cet amour solide comme l’ivoire. »

 

Un livre à déchirer le cœur, L’amour est une géographie intérieure. Il chante l’amour d’Elysabeth Loos pour l’être aimé, foudroyé un jour par le traître coup de la vie.

Dans l’incompréhension de la mort qui fait s’évanouir le bonheur, la vie n’est que désespoir, solitude et absence, cependant le bien-aimé hante par son souvenir le corps et l’âme de la femme. Comment retrouver sa présence dans l’irréalité de sa mort, comment donner vie à un corps brûlé qui a su inspirer un amour à combler toute une vie, à faire de la femme « une reine au pays de l’amour fou » ?

C’est par les mots que l’auteure tente de réinventer la vie du disparu et en même temps son passé effacé par la mort, aussi irrél que le supplice de l’absence, cet après de l’instant tragique qui la jette dans l’incertitude de la vie.

Comme une somnambule, la femme refait des chemins douloureux, cherche à voir, toucher, sentir, humer un corps qui n’est plus, incapable de comprendre la mort qui a tout enlevé, effacé brusquement, jeté dans le noir ce qui n’était que lumière de la vie. Sur ses traces, au fil des souvenirs déchiquetés, la femme plonge dans l’abîme de soi pour y retrouver des images fragiles, éloignées, des ombres du passé impalpable, car il n’a d’autre réalité que celle de la mémoire qui restitue par bribes le fil d’une vie brisée. Pourrait-elle remplir le vide de l’absence, redonner l’espoir et le goût d’une vie fracassée par la mort ?

Non, uniquement plonger l’âme dans l’illusion douloureuse des retrouvailles et faire souffrir davantage, s’interroger sur la vie et la mort pour comprendre ce que l’on ne peut pas comprendre, mais vivre dans le bonheur ou le malheur du destin.

Comment faire face à la solitude, à l’absence si ce n’est par le souvenir toujours plus irréel d’un corps autrefois vivant que l’on aimerait retenir à jamais, car la vie de la femme existait par cet homme introuvable, désormais dans le quotidien gris, mécanique, comme s’il n’avait jamais existé. Et cependant, tout le passé était lui, sa disparition rend fou, jette l’amour qu’il a inspiré dans l’irréel du présent.

La vie d’après sa mort a le visage du mauvais rêve traversé par les scintillements d’un bonheur perdu et le désespoir de l’absence. La seule forme de résister à l’absence de l’homme aimé est l’imagination qui s’envole à sa rencontre. Mais la femme s’enlise dans les ténèbres de la mort qu’elle refuse : « La réalite de sa mort m’est toujours inaccessible ».

La vie sans lui la détache de tout, même si sa conscience perçoit inconsciemment ses détails, dans un mélange étrange de morbide (le lieu de la tragédie) et magique (le paysage du printemps dans la forêt).

Les mots, les seuls à restituer une présence, aussi fragile et irréelle que ce soit, à faire parler de l’absence qui étouffe, à ranimer le passé d’une manière hallucinante, fantastique parfois par les images qui reviennent par les lieux de souvenirs, cette géographie intérieure dont parle l’auteure.

Ce n’est que l’amour véritable qui trouve si naturellement le pouvoir des mots et les images frappantes pour chanter, faire ses adieux à l’être aimé, crier sa douleur, retrouver un sens à la vie par celui qui n’est plus, combler le vide de son absence, dire le réel vécu avec lui, défier la mort et rendre vivant à jamais l’amour, le véritable sens de la vie.

Elysabeth Loos témoigne d’un vrai talent poétique à faire ressentir au lecteur l’émotion, le trouble d’une perte irrévocable, douloureuse, poignante. Les paroles viennent de soi, s’enchaînent en images choquantes parfois, surréalistes, où le réel s’embrume, se noircit par la mort. L’auteure se fait inconsciemment peintre parfois, car elle voit en couleurs pregnantes et symboliques à la manière des plasticiens.

Son récit de vie et de mort ne manque pas d’intertextualité littéraire, historique, cinématographique par les correspondances qu’elle retrace des avec des personnages connus.

Dans la solitude de sa vie, déchirée par l’absence de l’être aimé, l’auteure chante son amour, son désespoir, consciente que « le temps n’enlève pas le chagrin, il en relève le tanin », mais aussi que la mémoire lui donne la chance de réinventer le réel anéanti par la mort.

 

Créé le 1 mars 2002A visionner avec Internet Explorer

Note de lecture de 

Sonia Elvireanu

 

Francopolis, novembre-décembre 2018